Voca, Bulles, Air.

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Raymond Devos.

 

 

Je souhaitais simplement vous parler d'un jongleur, d'un clown, d'un artiste, un vrai. Raymond Devos est né à Mouscron en Belgique le 9 Novembre 1922. Pour des raisons fiscales, la famille Devos s'installe de l'autre côté de la frontière, à Tourcoing, deux ans plus tard. Assoiffé de connaissances et narrateur hors pairs,  Il doit renoncer à ses études à l'âge de treize ans du fait de la situation financière désastreuse de ses parents. Il comble alors ses lacunes de manière autodidacte et étudie la musique, le français et le monde du cirque qui le fascine depuis toujours.

 

C'est dans l'adversité et la contrainte que Raymond Devos se forge au spectacle de rue, puis au mime depuis la rencontre avec Marcel Marceau et enfin au théâtre. Homme de scène avant tout, il découvre sa vocation pour l'absurde et le comique en demandant à un maître d'hôtel lors d'une tournée à Biarritz,  « Je voudrais voir la mer. - Vous n'y pensez pas, elle est démontée ! - Mais quand la remontera t on ? »  Il crée alors son premier sketch « la mer », puis « le car pour Caen ».

 

Raymond Devos devient très rapidement populaire pour ses jeux de mots mais également pour ses dons pour le mime, le jonglage, la prestidigitation, la musique (il joue pour ainsi dire de toutes les familles d'instruments), le spectacle populaire en évoquant la littérature, la philosophie en liant l'absurde à la profondeur du sens, un magicien de l'intellect qui a trouvé la porte secrète entre sens profond et profond non sens. Il excelle surtout, dans l'art de détourner le sens des mots et crée grâce à eux des mondes imaginaires et totalement déjantés dont je suis particulièrement friand.

 

Raymond Devos nous a quitté le 15 Juin 2006, à l'âge de 85 ans. Ses funérailles ont eu lieu le 19 Juin dans  l'église de Saint-Rémy-lès-Chevreuse.

 

« Les gens préfèrent glisser leur peau sous les draps pour le plaisir des sens que de la risquer sous les drapeaux pour le prix de l'essence » Sa manière de dire « Faites l'amour, pas la guerre ».

 

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Ce petit hommage est consacré à la parution d'une jolie collection de trois DVD sous la forme d'un coffret plutôt bien présenté. Raymond Devos – les 100 plus grands sketches – Et le spectacle continue… Avec le parrainage de France Bleue, la radio nationale. Au prix d'une trentaine d'euros

 

DVD 1 :

-          Théâtre Antoine 1978 (24 sketches ou thèmes)

-          Théâtre Montparnasse 1982 (19 sketches ou thèmes)

 

DVD 2 :

-          Théâtre Montparnasse 1982 suite (24 sketches ou thèmes)

-          Théâtre du Palais Royal 1989 (8 sketches ou thèmes)

-          Théâtre Romain Roland (Villejuif) 1992 (13 sketches ou thèmes)

 

DVD 3 :

-          Olympia 1994 (19 sketches ou thèmes)

-          Olympia 1999 (11 sketches ou thèmes)

 

L'on ne tiendra pas rigueur à l'éditeur (Universal France et Mercury) d'avoir mis pour peu d'entre eux, plusieurs fois les mêmes sketches dans cette collection, même si chronologiquement leur présentation et leur évolution s'étale sur deux ou trois décennies.  Ceci nous montrera au moins comment les textes et les mises en scènes de l'auteur on su évoluer dans le temps. Faisons fi également de la qualité très médiocre de certains enregistrements puisque très anciens, ils sont tous d'origine analogique et à peine restaurés (mais tous en couleur). De nombreux sketches sont des inédits bien réels, alors que de nombreux standards n'y figurent pas (mon chien c'est quelqu'un, le car pour Caen, etc)

 

A l'intérieur de la jaquette, un livret qui contient l'abécédaire des titres contenus dans les DVD qui sont finalement très riches. Près de six heures de spectacle à regarder en trois fois avec une boite de kleenex car on rit beaucoup même si Raymond sait aussi de temps à autre nous faire verser une petite larme émue (J'ai des doutes DVD 2). Un texte hommage paru dans le journal du dimanche du 18 Juin 2006 signé par Monsieur Bernard Pivot que je trouve magnifique et très juste y figure également. Je me permets de le reproduire ici parce qu'il est fondé et que je ne peux m'empêcher de le partager.

 

« Raymond Devos n'avait pas le don des langues. Il avait le don des mots. Personne n'a su mieux que lui parler aux mots. Il les faisait rire avec ses mots à lui qui étaient des leurs. Plus les mots s'enchantaient des trouvailles de l'artiste, plus ils se pliaient à ses fantaisies. Les mots se passaient le mot pour qu'il ait toujours sur sa table ou dans sa tête un bouquet de mots. Ou un jeu de mots.

 

Massif et lourd d'apparence, Raymond Devos était la finesse même. Il avait compris que les mots sont timides, que tous ne sont pas intelligents et qu'ils s'ennuient dans les journaux, dans les livres et dans la bouche des gens sérieux. Son secret est d'avoir réussi à leur faire dire ce qu'ils ne pouvaient pas, ne savaient pas ou ne voulaient pas dire et qui était tout de légèreté, de brio, d'humour, de loufoquerie. Pour prouver l'absurdité du monde, Raymond Devos n'avait pas recours à des choses compliquées comme la philosophie ou la cosmologie, il se servait du matériau le plus usuel : le vocabulaire. Et encore avec économie, quelques mots seulement. Mais bien choisis. Des mots invisibles voletaient autour de lui. Ses mains d'oiseleur-magicien-poète en saisissaient quelques-uns qui n'étaient pas particulièrement beaux et profonds, mais qui, à leur insu, contenaient des trésors de sens, de non-sens, de double sens et de contresens. Le public s'esclaffait et lui, Devos, les mots qu'il avait pourtant retournés, étirés, désarticulés, frottés les uns contre les autres, il les entendait en coulisse l'applaudir et le remercier de les avoir tirés de leur banalité. De les avoir donnés en spectacle. Car les mots nous ressemblent : un peu cabots. Mais les mots sont en deuil. Raymond Devos a quitté la scène. Le mot rire n'est pas celui qui a le moins de chagrin.»

 

Oui, ce premier DVD post mortem et très émouvant. Alors, Mr Raymond, si du haut de votre nuage, vous êtes probablement en train de vous marrer avec Fernand Raynaud ou Coluche et quelques autres, venez de temps à autre visiter notre vocabulaire qui se désarticule un peu sans vous. Si la richesse des mots et de leurs travers semblent se gangrener par la paresse des hommes, n'hésitez pas à faire un p'tit tour pour remettre les pendules à l'heure.

 

En ce qui me concerne, vous m'avez donné un « p'tit mot » de plus pour ma musette virtuelle. Il est tombé tout naturellement après vous avoir revu à la télé grâce à ce coffret, oui c'est magique !

 

« Les mots sont comme des « bulles de savants », qui remplissent, l'espace d'un instant notre imaginaire, pour nous laisser ensuite un vide scintillant de « réflexion ». »

 

 

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« Le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter. » Raymond Devos.

 

 

 

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