Voices in my mind

     Il y a cette voix dans ma tête, qui me dit que je mérite d'être détestée par ceux que j'aime, que je mérite d'être méprisée par tous les autres, parce que je ne suis pas plus intelligente qu'eux, je ne suis pas moins prétentieuse que ceux que je méprise, je ne suis pas plus gentille que ceux que j'insulte. Et cette voix, je la laisse rentrer. Je l'écoute même attentivement.

     Et il y a cette autre voix, qui murmure : « Arrête, tu te fais du mal. Arrête. »

     Mais la première voix l'ignore. Et elle reprend. Elle me dit que je suis ridicule, que je ne sais rien. Elle me dit que je ne suis qu'une coquille vide, un corps sans âme.

     L'autre voix tente un peu plus fort : « Si tu es capable de t'en rendre compte, tu n'en es que plus respectable ! »

    La première voix fait mine de l'ignorer. Elle me dit que je sais que c'est elle qui a raison. Elle me dit que je sais aussi qu'elle n'est pas la seule à approuver ses propos. Parce qu'il y a celui que je pensais être l'amour de ma vie, qui me déteste. Parce qu'il y a celle que je pensais être ma meilleure amie, qui a trouvé meilleure que moi. Parce qu'il y a ces gens qui m'insultent. Parce qu'il y a ma famille qui me répète que je suis prétentieuse, immature, que je vais tout foirer. Parce qu'il y a tellement d'autres gens qui m'ignorent. Parce que je suis insignifiante pour tant de gens.

     Il y a l'autre voix, qui tente toujours de me dire « Arrête, tu te fais du mal. »

     Et la première voix commence à être irritée. Et elle répond en disant que je mérite de me faire du mal. Après tout, c'est tout ce que je mérite. Je ne mérite plus de me prétendre intelligente, je ne mérite plus de me prétendre gentille, je ne mérite plus de me prétendre amicale, ou utile. Je mériterais de rester loin des autres. De ne plus leur infliger ma présence. Je mériterais de faire bénéficier aux autres de mon absence.

    Mais l'autre voix ne fait que devenir plus forte à mesure que la première s'énerve. Et elle me dit « Tu sais que tu es en train de parler de suicide. Tu sais que c'est interdit. Tu le sais, c'est pas la première fois qu'on en parle. Et tu sais qu'on en viendra toujours à la même conclusion. Tu sais que tu ne peux pas faire ça. Parce qu'il y a eux. Ceux qui t'aiment, ceux qui t'admirent, ceux qui veulent de toi dans leur vie, ceux qui pleureraient ta perte. Tu sais qu'ils sont là, et qu'ils veulent de toi, parce que tu es spéciale, malgré tout. Alors tu ne peux pas les laisser. Tu dois être là pour eux. Et ça fait des années que je te le dis, tout ce que tu peux faire de bien sur Terre, c'est d'être heureuse, pour eux. De sourire, pour eux. D'être là pour eux. Ne serait-ce parce que eux méritent de te voir sereine. »

     Alors la première voix grogne, mais se range, et me dit, à voix basse, que je ne mérite même pas de baisser les bras. Je ne mérite pas d'avoir le privilège de laisser mes problèmes derrière moi. Elle me dit que je mérite de continuer à me battre jusqu'au bout.

     Et cette voix, je l'écoute toujours.