voix des ombres

Jean Claude Blanc

            La voix des ombres   

Ecoute mon ami, mon ami solitaire

monter la voix des ombres du tréfonds de la Terre

c'est la nuit qu'elle préfère pour tailler la bavette

on a tous une mère, un enfant, ou un frère

parti là bas trés loin à l'horizon des pleurs

qui s'approche l'air de rien pour te tenir la main

moi c'est mon frère Domi qui a tiré un trait

il a choisi tout seul la voie définitive

par la porte dérobée s'est jeté dans le vide

on se dit après coup qu'on aurait pu prévoir

la détresse d'un homme se lit pas dans ses yeux

se ferme à double tour dans le noir de son âme

je veille chaque soir sur mes Etres endormis

j'ai beau tracer des bouts de pensées inutiles

mes regrets et mon deuil, je les porte en sautoir

lendemains désolants, c'est pas rien de le dire

je marche à reculons de peur d'oublier

le brouillard s'épaissit estompe la mémoire

il me faudra marcher encore pour survivre

sans comprendre jamais le sens de mes pas

un jour viendra mon tour et tout s'effacera

en attendant la fin je guette dans le ciel

en guise de purgatoire un signe du destin

j'ai beau plisser les yeux je ne vois rien venir

la ronde des squelettes du satané Berlioz

se trémousse dans ma tête en faisant des courbettes

la voix des trépassés susurre à mon oreille

parait qu'il y a là bas un Eden tranquille

où des filles adorables au nectar vanillé

dansent la sarabande en toute éternité

de la terre s'élève des bouffées  gigantesques

une vapeur grisâtre à l'odeur de l'encens

t'es tenté d'y plonger mais le courage manque

J'ai perdu un ami, mon père et puis mon frère

je compte sur mes doigts les Etres qu'il me reste

plus grand monde alentour à qui confier mes peines

écoute mon Ami, mon Ami solidaire

la voix des ombres grandit même qu'elle s'amplifie

 je traduis son message "jamais ne m'oubliez"

 je suis là près de toi, ici et n'importe où

dans les sources bavardes, dans le souffle du vent

au plus profond de toi j'ai élu résidence

par les hivers neigeux, frileux, crépusculaires

aux journées sans soleil bien trop souvent précaires

rameutent mes démons de pessimiste amer

la voix des réprouvés se réfugie dans l'ombre

on en fait des chansons de funestes oraisons

de la voix nait la vie, de l'ombre la lumière

mes pensées se bousculent jusqu'à la déraison

dans cette apesanteur, j'ai ma procuration

comme un Jack aux lanternes à tête de citrouille

un jour viendra le jour où le jour viendra pas

des mots que j'ai écrits quand j'étais tout petit

plus rien à rajouter, j'avais déjà tout dit

 

JC Blanc    janvier 2011

                    

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