von Sternberg
Dorothee Blanck
Je travaille en Suisse au Club Med, on m'a mise au standard, c'est à l'époque du changement des anciens francs en nouveaux, il m'est impossible de rendre la monnaie en argent suisse, je laisse les clients faire l'appoint, sans que je le saches, pour la peine, ils laissent des pourboires, le chef de village pense que s'il y a trop d'argent dans la caisse c'est que je vole. Je suis chartérisée, par bonheur un ami avait pris quelques jours de congés auprès de moi, il m'enlève dans sa belle Matra, et par une tempête de neige nous arrivons à Bruxelles où il doit donner des cours à l'INSAS, il s'agit de l'opérateur Ghislain Cloquet. Ah c'est bien que vous soyez là! me dit Denise Delvaux, nous cherchons un modèle pour Joseph von Sternberg qui a eut du retard à cause d'une tempête de neige à l'aéroport de Los-Angelès!
Nous dinons avec le maitre qui n'est guère content de n'avoir pu choisir lui-même son modèle, faute de temps, le tournage de ce documentaire est prévu pour le lendemain matin. Ghilain prépare les spots et dit alentours: Si j'étais lui, je descendrais le quarante. puisque le maitre dit éclairer ses films, je le laisse faire! Von Sternberg arrive sur le plateau, jette un oeil circulaire sur les projecteurs de la télévision et dit: Descendez moi, le quarante! Auparavent en loge de maquillage, il avait défait le travail de la maquilleuse et m'avait enduite de vaseline afin que dans ce plan muet et immobile, tout rutile. avec le jeu des lumières et des palmiers qu'un machiniste devait éventer, et mes mains jouant avec des masques. : Vous ne jouez pas l'anecdote, je veux que vous ne pensiez qu'à une seule chose trite ou gaie que vous avez vécue, je ne veux rien savoir de vous, vous resterez dans votre ambiance tout le temps de la préparation, et si je vous demande un mouvement de tête, des yeux, vous obéissez sans jamais vous départir de votre climat. C'est à Denise qu'il s'adressait en anglais, laquelle me traduisait les ordres en français. Le drôle de l'histoire c'est que tout le monde sur le plateau était au courant de mon exil sentimental, d'où ma tristesse d'avoir perdu Jacques Sternberg l'écrivain, et von Sternberg demanda à la fin du plan: C'est à cause de moi que vous pleurez?
Le lendemain du tournage, par l'effet du hasard, Jacques Sternberg téléphona à Jacques Ledoux de la Cinémathèque Belge." Il parait que Dorothée est à Bruxelles, elle a quitté la Suisse, Vous l'avez vue? - Elle tourne avec votre papa!( dit-il en riant) Comment, avec mon papa?- Oui, avec von Sternberg qui est d'ailleurs dans mon bureau, je vous le passe!" Le cinéaste connaissant l'écrivain , il invita ce dernier pour son pot d'adieu avant de retourner au Etats Unis, c'est ainsi que je me rabibochais avec mon amanrt infidèle. Et en guise d'adieu, j'avais amenée une rose pour me faire exuser par le maître de n'avoir pas été celle qu'il aurait choisie: Dont forget me! me dit Joseph von Sternberg en me tapotant la joue.