vous...( 21 )
Jean Marc Frelier
T'as pas idée...(final part)
T'as pas idée
de la tournure
que prennent
les choses
quand on les
laisse filer un peu
du nombre d'yeux
plantés en l'air
qui se demandent
où va le monde
toujours plus vide
toujours plus creux
t'as pas idée
des p'tits enfants
qui naissent partout
sur le rebord
des heures injustes
sans niche-matins
de leur détresse
à même la tête
qui les rend vieux
dix fois trop vite
l'esprit tout sec
et orphelin
t'as pas idée
de c'qui s'ensuit
dans les boyaux
d'la terre
du wagonnet
de la navette *
des criquets fous
l'arme à la main
des heures qui plient
les poupées d'anges
dans des dortoirs
aux murs pas nets
t'as pas idée
d'avoir à vivre
au fond d'un trou
dont l'opercule
ne va jamais s'ouvrir
de nuits biaisées
que jours émiettent
en pains poubelles
et rêves éteints
qu'il pleuve ou vente
que lumière gire
t'as pas idée
du froid qui mord
les paumes à pièces
les mains chipeuses
ni des brûlures
aux flashs de givre
où naît l”oubli
de nez en nez
t'as pas idée
comme ça fait peine
de devoir dire
combien l'oeil
a d'la chance
de n'pas voir loin
ouvert en grand
ou éborgné
t'as pas idée
de tout ce dont
les rideaux sales
peuvent témoigner
de la suffocation
des chambres
jusqu'aux poissures
du corps
t'as pas idée
de l'inertie ballante
ni du vers où des rues
de leurs secrets sans âge
de leurs ombres glissées
qui louvoient sans remords
t'as pas idée
d'un bien meilleur abri
dans l'extrême épaisseur
de la plus sauvage
des forêts
pressé sous le
ventre attentif
d'une louve maternelle
et plaintive
là où jamais personne
ne viendrait se frotter
à ses griffes à ses crocs
à sa hargne animale
protégé mieux
qu'une mère
étouffante abusive
t'as pas idée
de ce rictus informe
de la tendresse
de ceux qui t'aiment
et te ceinturent
en t'enfermant
à double tour
du crescendo
des heures blotties
derrière les portes
à redouter
que se déchaîne
tout leur amour
t'as pas idée
du long supplice
de ses frayeurs rétrospectives
quand le dos se tourne
par habitude
dessous l'orage
des mots beuglés
ni de l'Eden
soudainement doux
des accalmies
fardées de mansuétude
t'as pas idée
chair de mon sang
qui vient de naître
à l'horizon
de mille espoirs
entre mes bras bercée
de ce qu'inflige
jour après jour
sur cette planète
l'homme à l'enfance
au point d'haïr
y exister.
jean-marc frelier 31/01/2017 (ev)
“ chants immatures “
copyright exclusif
Dédicace : Unicef
* à tisser
Beaucoup d'émotions dans ce texte Jean Marc !
· Il y a environ 7 ans ·nilo
magnifique !
· Il y a environ 7 ans ·nyckie-alause
ne sachant quoi répondre merci s'impose...
· Il y a environ 7 ans ·Jean Marc Frelier