Vous êtes d'ici?

Christophe Hulé

- Pardon Monsieur, vous êtes d'ici ?

- Et qu'entendez-vous par là ?

- Enfin vous êtes du coin quoi ?

- De quel « coin » parle-t'on ?

- Putain un intello, me voilà mal barré, un coupeur de ch'veux en quatre.

- Est-ce de moi dont vous parlez ainsi ?

- Ben non, j'parle tout seul, j'ai pas toute ma tête, vous comprenez.

- Bien, je vous souhaite une bonne soirée !

- Attendez, je n'en ai pas fini avec vous, qu'est-ce que ça peut bien vous faire que ma soirée soit bonne ou pas ?

- Bon, euh, je ne vois pas trop où tout cela nous mène, vous comprendrez sans doute que j'ai quelque occupation.

- A cette heure-ci, je ne vois que l'apéro et le dîner.

- Vous êtes bien méprisant à mon égard, après une journée de travail, fastidieuse comme ce que la plupart d'entre nous subissent, j'ai hâte de retrouver mon épouse et mes enfants.

- Et cela vous suffit ?

- Drôle de question, comme toute cette conversation d'ailleurs, a-t'on le choix ?

- Vous m'êtes bien sympathique finalement.

- J'en suis heureux pour vous, permettez maintenant que je poursuive mon chemin.

- Ce serait trop facile hélas, pensez-vous que je perdrais mon temps pour vous laisser partir.

- En voilà assez Monsieur, vous me faites peur !

- Ah, vous commencez enfin à comprendre.

- Et que dois-je comprendre ?

- Que votre sort est scellé à cet instant, ni plus ni moins.

- Mais c'est inadmissible, vous vous jouez de moi.

Ma femme et mes enfants m'attendent, je n'ai rien à me reprocher, vous avez dû vous tromper.

- Mon maître jamais ne se trompe.

- Votre maître ?

- Oui Monsieur le bourgeois irréprochable, vous savez très bien où je veux en venir.

- Je me plaindrai à qui de droit, je ne suis qu'un petit négociant mais j'ai quelques relations.

- Je vous reconnais en la circonstance un certain sens de l'humour, qui ne vous sauvera pas néanmoins.

- Mais qu'est-ce que j'ai fait Non de Dieu.

- Ne jurez pas, par respect pour mon rival.

Dites-moi donc, combien d'enfants avez-vous ?

- Euh, quatre.

- Allez, faites un effort !

- Je ne vois pas …

- Mais si, vous commencez à voir, votre épouse est déjà passé aux aveux et se trouve à présent dans un endroit que vous avez peut-être deviné.

- Les chérubins qui restent mèneront une vie paisible et ont déjà leur place chez mon rival, d'ici quelques décennies, on leur a même accordé une rallonge, c'est le moins qu'on puisse faire, et la garantie de vivre une vie à peu près paisible, enfin pas trop pour que ça reste plausible.

Au fait, vous pouvez laisser votre mallette en cuir sur le trottoir, là où je vous emmène, elle ne vous sera d'aucune utilité.

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