Vue du chat

Nicole Bastin

Quand Timothée n'est pas là, c'est son chat qui danse.

Je craque! Ça fait des semaines qu'il se la coule douce, le Timothée!

Plus d'un mois maintenant qu'il n'a pas touché à son clavier, qu'il enchaîne les grasses matinées, qu'il est toujours fourré avec le drôle de monsieur, là, qui a toujours une pipe sous les moustaches. Et qui, je dis ça, je dis rien, pêche du poisson sans jamais m'en donner...


Ksss, ça ne peut plus durer!

Il faut bien que quelqu'un s'y colle pour te tenir au courant.

Alors, foi d'Hermione, j'ai décidé de prendre les choses en pattes!

Parce qu'il s'en est passé des choses, crois miaou!

Tu vois par exemple, l'affaire des 2 pigeons... Hein ! Il faut bien que quelqu'un te raconte, ça. Ça vaut son pesant de croquettes!


Attention, quand je dis pigeons, je ne parle pas de ceux de la ville, qui ont la plume grise et l'air mauvais. Non, 2 gros pigeonneaux d'un blanc laiteux qui nichaient dans le grand prunier, juste en face de la maison.

Pratiquement SOUS mon museau!

Ha, ça roucoulait ferme au dessus de mes oreilles! Alors, après une demi-lune d'observation intensive, j'ai décidé d'aller voir de plus près.


Oh, tu m'aurais vue... Pftttt, pftt, sur le toit, discrète comme jamais sur mes coussinets, je bondis sans bruit, me faufile délicatement entre les feuilles, je me rapproche, j'y suis presque... Je me lèche déjà les babines!

Et craaaaac! Tu le croiras jamais, la branche s'est effondrée et les piafs se sont taillés.


J'ai mis quelques secondes à retrouver mon poil de la bête, tu penses bien ! À moitié dans les pommes, empêtrée dans les prunes... Et pendant ce temps, la miaademoiselle au téléphone qui se fichait de moi!

«Tu vois, Papily, je t'avais dit qu'elle avait pris du poids, Hermione»


Quoi ! L'humiliation suprême...

Heureusement que le Timothée est venu me dépatouiller.

«N'importe quoi, Violette! Tu vois bien que c'est le poids des prunes! Pauvre Hermione!», qu'il lui a dit.


Oui, pauvre Hermione! J'ai miaulé à l'aide puis ronronné d'aise, comme il fallait quand il fallait. Ça n'a pas loupé, il m'a filé un petit émincé pour me requinquer.

Ça ne m'a pas rendu ma dignité, envolée avec les 2 tourtereaux, mais au moins, je me sentais un peu mieux. Et même si ce n'était pas les miettes de thon que je préfère, j'ai tout mangé, bien sagement. Dans des moments pareils, hors de question de faire la féline bouche!


Après tout ça, une petite toilette, un bain de soleil plus tard, on n'y voyait plus rien.

Tout de même... ma réputation en a pris un sacré coup. Sans le Timothée pour me remonter le moral, je crois bien que j'aurais pris la poudre d'escampette. Une nouvelle fois. Pour vivre l'aventure dans les bois, façon Michka. Ha haa !....


Mais je dois reconnaître qu'il est cool, le Timothée. Je l'aime bien. Il ne passe pas son temps à vouloir me caresser comme la miademoiselle ou à me tirer la queue comme le petit cinglé au cheveux bouclés.


Sauf que là, il m'énerve ! Je m'en vais te lui secouer les puces, moi, tu vas voir !

Allez, allez, hop hop hop, direction le chemin de la raison. C'est fini la glande organisée !

Je n'ai pas que ça à faire, moi, de te tenir au courant. Je veux bien faire l'effort une fois, mais faudrait pas que ça devienne une habitude. À mon tour de faire la sieste toute la journée !

Non mais...


Hermione, Le Chat qui Ronronne

(souvent mais pas tout le temps)

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