Who let the dogs out ?

fionavanessa

Qui a lâché les chiens ?

Episode sorti d'on ne sait où et n'allant nulle part, incité par Petisaintleu et émergeant comme une verrue au milieu de la figure à la suite d'un épisode de Thomas Toledo. Notez bien les effluves de moutarde anglaise qui s'en dégagent, parce que ça se combine bien avec la choucroute.

 

Angela était occupée avec l'opératrice de son fournisseur d'accès et ne remarqua pas l'entrée du Bobby dans la maison. Quand elle eut fini d'enguirlander les télécommunications britanniques, qui décidément ne rimaient aryen, et scandé la version anglo-saxonne du mot de Cambronne par chapelets, elle s'aperçut qu'outre Granny, toujours à l'œuvre dans la maison, était apparu ce Bobby à qui son frère Lloyd avait ouvert. Elle saisit vite que la conversation portait sur les écureuils gris de Prospect Park, qui se reproduisaient tellement que la municipalité commençait à s'en inquiéter ; leur surnombre les rendait un peu plus agressifs, en témoignaient des vols de goûters dans le parc, et on ne savait pas encore si l'agressivité faisait partie de l'exponentielle. Lloyd parlait de son copain qui était véto et dont l'avis pourrait être bon à prendre. C'est la mention de ce dernier qui fit tourner les talons à Angela, qui s'apprêtait déjà à sortir du vestiaire son parapluie et son trench pour changer d'air.

Granny fit une entrée théâtrale avec sa spatule et demanda si l'homme en uniforme aimait les beans on toast, parce qu'elle était justement en train d'en préparer avec le thé noir du petit déjeuner. Le bobby acquiesça, s'installa à la table tout en se faisant dicter par Lloyd, syllabe par syllabe, les coordonnées de son copain, avec bien des hésitations orthographiques pour inscrire son adresse. Il faut dire à sa décharge de bon gars qu'il était distrait, tout en appétence qu'il était après l'invitation de la Granny pour un second petit déjeuner à l'oeil. Il se félicitait d'avoir eu l'initiative de faire le tour des riverains du parc. Il faudrait d'ailleurs qu'il interroge l'aïeule sur d'éventuelles nuisances dont elle aurait connaissance.

Et la divine Angela aussi, là il se régalait d'avance. Difficile d'ignorer longtemps la jeune femme vu la hauteur de sa choucroute, à faire pâlir de quelques degrés de vert-de-gris Amy Winehouse dans sa tombe. Son regard s'était déporté de la choucroute aux hanches généreusement féminines et il se fendait d'un :

- Mais vous pouvez m'appeler Robbie...

dont on devinait bien qu'il ne s'adressait guère au frère d'Angela.

Ledit Robbie parvint à raccrocher les wagons de ses neurones à la phrase de Lloyd. Cela parlait de chenil, du jardin de Chris, de meute, et d'écureuils. Mais l'assiette qui lui fut fourguée devant le nez produisit un court-circuit dans le reste vacant de ses synapses. Fort heureusement, le thé fumait amplement et personne ne le remarqua.

Angela, qui avait intercepté de son radar cérébral la source des incohérences dans les propos du bobby Robbie, en clair l'effet de son sex-appeal, voulut faire diversion. Elle relança la conversation sur la possibilité en effet de contacter Chris, le vétérinaire ; mentionner son nom provoqua malgré elle un glougloutis stomacal car elle admirait sa vivacité d'esprit et la bonté d'âme que trahissaient les regards à ses chiens, et à ses chiennes aussi d'ailleurs. Elle glissa mine de rien qu'il devait justement être revenu de son escapade à travers la France profonde en bon spécialiste de la génisse qu'il était, grâce à son Inter City Rail Pass. Oui, c'était un malin, il aurait sûrement une idée. Robbie, qui n'était pas né du dernier fog, parvint à diviser son attention entre les propos d'Angela et l'esquisse prometteuse de son anatomie mammaire, qui se devinait sous le pull angora, car on avait beau être fin juillet, sur l'Ile on se caillait.

Lloyd, dont la testostérone lui commandait d'accélérer le mouvement, prit les choses en main et proposa de le textoter, ce qui contraria le bobby. Aurait-il le temps pour interviewer le spécimen féminin de choix ici présent ? Dieu seul sait pourquoi, Robbie avait devant les yeux l'image d'un râteau géant qui ne se dissipait pas malgré ses efforts de concentration.

Chers lecteurs, puis-je vous demander une faveur ? Un effort à vrai dire, car l'enchaînement du récit ne sera pas journalistique et facile, et je risque fort de sauter du coq à l'âne, parce que j'aime bien. Cela me démangeait depuis un moment à vrai dire, vous comprendrez mon empressement sans fioritures à introduire le personnage de Chris en pleine action dans mon petit récit.

Chris, à point nommé, encadré de deux de ses dalmatiens, que nous retrouvons dans Prospect Park engoncé dans son tweed, suivi de Lloyd, Robbie et Angela, dont les chaussures à talons fantasmagoriques made in Britain lui faisaient hâter le pas, à moins que ce ne fût l'humidité ambiante. Il était commun qu'il y pleuve des hallebardes. Juillet au bord du lac sous les saules pleureurs de Prospect Park, ça peut tremper son homme, et sa femme a fortiori.

D'un accent tiré à quatre épingles, digne d'être tout droit sorti des mandibules légèrement crispées d'un John Steed, Chris exposait avec flegme à la petite assemblée que ce que tous pensaient être, par tradition des écureuils gris, ça, même si ça en avait l'air, c'était incontestablement des huclains ! ces êtres hybrides et voraces, croisement entre l'écureuil de nos parcs et le ragondin, étaient beaucoup plus rapides à se reproduire, en effet.

C'est alors que la fenêtre vola en éclats. Chris plongea derrière le Chesterfield de la boathouse du lac, maintenant Angela fermement par la nuque. Son geste secourable lui valut les premières loges de son décolleté, improvisé par le choc de la déflagration qui avait causé le déboutonnement, de soi-même, de la petite laine d'Angela.

Robbie grinçait des dents, à force de se faire servir des secondes portions chez les gens, il n'était pas si leste et il n'avait pu proposer ses services de protecteur des citoyens à la jolie auburn assez vite. Il grommelait à présent,

 

"Hey, luv, do you need any help there luv ?"

 

comme si ses lèvres ne pouvaient s'empêcher d'énoncer ce que son cortex avait programmé, même si c'était rendu obsolète par la vivacité du vétérinaire.

Lloyd émettait déjà l'hypothèse que la malveillance des huclains ne pouvait être seule responsable de l'incident, que la peau laiteuse d'Angela s'était teintée d'un je ne sais quoi plus carminé que d'ordinaire, et l'urgence du moment semblait avoir décuplé ses sens, ses narines frémirent et même son glaçon de frère put remarquer qu'elle semblait humer son interlocuteur, presque le flairer, sans piper mot, surtout que celui-ci eut un élan pour lui flatter le col, tout en lissant une mèche rebelle qui lui était tombée sur le front. Il ne fallait pas avoir l'œil plus acéré pour constater que du coup, sa diligence à s'extraire de derrière la banquette capitonnée avoisinait zéro.

Mais les huclains vinrent brouiller leurs projets naissants. La petite bande les avait peut-être attirés, car il n'était pas rare que l'auvent de cette cahute nautique  serve de théâtre à des pique-niques, et ces bestioles dévergondées se mirent en tête de faire les poches de chacun, en se jetant sauvagement sur les humains depuis les poutres, seuls ou à plusieurs. Une brochette d'audacieux se faisait une joie de tirer mèche à mèche la choucroute d'Angela. L'enchoucroutée pour l'heure offrait ses vocalises impromptues à la populace oisive des promeneurs, se couvrant le visage des mains. Elle s'était déjà fait subtiliser son parapluie par son frère, qui s'en servait comme gourdin à huclains, tandis que Robbie s'évertuait à donner des coups de matraque dans le vide, libérant au moins son espace vital, et que Chris s'escrimait à défaire les mousquetons de la laisse de ses chiens, les doigts tremblant sous le ravage de plongeons huclainides dont ils faisaient l'objet.

 

La zone reptilienne de son cervelet révisait déjà l'idée qu'il se propose de revenir entre chien et loup, seul avec l'auburn plantureuse en forme de violoncelle, tâter la qualité moussue des sous-bois du parc, et déguster peut-être un abondant bol de crème anglaise qu'il n'aurait pas manqué de fournir pour l'occasion, en gentleman qui se respecte.

Ces bestioles dévergondées semaient la panique en fouillant tous azimuts de leurs mille doigts tout interstice humain et tout vêtement à la recherche d'un semblant de sandwich au concombre.

Leur promiscuité et leur don d'être partout à la fois donnaient envie de pousser le cri qui tue, afin d'éloigner ces macaques de huclains.

Ce furent les dalmatiens qui d'instinct en prirent l'initiative, s'épaulant pour se fendre d'une salve de cris qui tuent. Ceux-ci envahirent la dimension sonore proximale, faisant reculer ces êtres sylvestres et lacustres à la fois, certes, mais pourvus d'un 3ème élément encore non identifié. Personnellement, je songe à des Gremlins simiesques mais toute information au sujet de cette espèce inédite est la bienvenue.

Enfin le cri qui tue à répétitions laissa le champ libre pour que chacun s'adonne à un jogging qui n'en avait que le nom, revu et corrigé pour la circonstance en trail du sauve-qui-peut, pour se solder par un atterrissage de la compagnie en déroute au grand complet, dans la vieille Land Rover du veto.

 

Robbie se réconfortait à l'idée de scones à la marmelade proverbiaux que la Granny de Lloyd proposerait sans doute pour accompagner le récit de l'expédition à Prospect Park, tandis que les dalmatiens regagnaient leur dignité, Lloyd sa tour d'ivoire, et qu'Angela, ayant de la suite dans les idées, se calmait les nerfs du bout des doigts sur le velours du pantalon du véto vivace.

 

luv : patois outre Manche pour signifier, « love », adresse familière à la gente féminine.


  • Il y a un virus dans Welovewords qui essaime des huclains !

    · Il y a plus de 8 ans ·
    Cp2

    petisaintleu

    • D'autant plus que j'ai appris à lire un autre épisode de la dde que des huclains, ça parle ! La notion de huclain se précisant, il y aura peut-être récidive...

      · Il y a plus de 8 ans ·
      Mai2017 223

      fionavanessa

    • Hé oui, il vaut mieux se documenter sur le sujet pour avoir toutes les cartes en main. Attention avec mes petits bonhommes par contre, c'est sensible ces petits êtres.

      · Il y a plus de 8 ans ·
      56c39fb6d00459b911ca0005ffe977f6

      Thomas Toledo

  • Seigneur, les huclains sont des ouvriers du quotidien, des ingénieurs de l'invisible : http://welovewords.com/documents/la-dde-iv-m-repondeur
    En aucun cas de voraces créatures.

    · Il y a plus de 8 ans ·
    56c39fb6d00459b911ca0005ffe977f6

    Thomas Toledo

    • Un grand merci cependant pour les deux hommages que Petitsaintleu et toi même m'avez fait, au travers de deux textes tout aussi barrés l'un que l'autre. Et que s'agrandisse le train de l'absurde !

      · Il y a plus de 8 ans ·
      56c39fb6d00459b911ca0005ffe977f6

      Thomas Toledo

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