Yeezus : un paradoxe musical
samarink
A la vue du CD, on sent l'album qui se la joue "oeuvre d'art". Dans le plus simple appareil, l'album snobe les badauds, l'air de dire "réservé au hipsters". West a en effet sorti Yeezus sans l'annoncer, il expliquait d'ailleurs à ce sujet "J'ai une nouvelle stratégie. Cela s'appelle la non-stratégie [...]". Il a par ailleurs justifié cette curieuse stratégie en expliquant qu'il avait suffisemment d'argent pour ne se consacrer qu'à la musique.
Les premières écoutes sont assez brutales, très éloignées de ses anciens sons. Agressé de toutes parts par un enfer de synthés acides et fades, Yeezy se noie, se démène, riposte à coup de punchlines émotionnellement chargées, dénuées de cohérence, comme si son flow se suffisait à lui seul pour s'expliquer. Ses agresseurs, les robots les plus connus au monde, ne peuvent plus le contenir. La prod finit par fléchir et se soumet à son kick, elle s'agenouille, accompagne cette entité qu'il a nommé Yeezus... Au fur et à mesure que la tempête s'apaise, sa musicalité commence à revenir par fragments, avec la contribution (parfois posthume, notamment avec Billie Holiday) d'autres artistes qui apportent une ambiance tantôt suave et fade, tantôt triste et envoûtante, dans une atmosphère feutrée.
Délire kitsch, inspiration divine ou art commercial ? Difficile à dire. L'album est particulièrement dur à appréhender : étrangement dur, dissonant et oppressant, il parvient pourtant à forcer constamment l'auditeur à le redécouvrir sous un autre angle. [9]