Zone de confidentialité

Fabrice Lomon

Zone de confidentialité

Deux types avec baggy et tee-shirt noir se sont pointés avec un flingue à la ceinture. Ils ont arpenté les couloirs en disant BAC d’O…s, on aurait dit un nom d’emprunt ; moi j’ai fait bonjour, je n’avais pas envie d’en dire plus et puis sans flingue à la ceinture faut bien dire qu’on n’a pas la partie facile.

J’ai regardé les deux BAC d’O…s, filer vers le bureau, le bureau de Loana.

Moi, j’avais un insigne et jamais personne ne me demandait quoi que ce soit ; plus transparent que moi, il y avait les vitres et encore, pas celles du commissariat !

Dans le hall d’accueil, j’ai regardé un type en jean et chemise  blanche, genre sorti directement de l’hôpital psychiatrique. En fait il sortait directe de garde à vue, et voulait déposer trois plaintes. Impossible de faire autrement, un des flics plus dévoué que les autres a pris les plaintes.

 

Je ne suis pas un indicateur de la Police Nationale, non vraiment ça je ne le suis pas,

Le REAL de Madrid a acheté ce joueur bien trop cher, oh oui ça bien trop cher,

Trois IPOD on m’a volé, je déposerai donc trois plaintes successives, oui ça je le veux !

 

Je l’ai observé un bon bout de temps, les gens autour avaient peur, et souriaient un peu entre eux.

Je me suis dit qu’à lui tout seul ce barjot pouvait faire un malheur, si cette idée lui passait entre les deux oreilles.

Il arpentait la salle comme un automate en déclamant un truc complètement incompréhensible ; une section psychiatrique devait bientôt ouvrir ses portes dans la ville, ce type-là aurait surement un abonnement à l’année, bref.

-          Toujours aussi zen, m’a-t-il fait en collant son visage quasiment contre le mien.

-          Toujours, toujours.

Je dois avoir une super communication non verbale avec ces triples dingues, parfois j’y crois ! En fait j’hésite entre les ignorer ou l’envie grandissante de leur mettre une balle, une seule, juste entre les deux yeux.

Eh ! Oh, Bac d’O…s, je t’emprunte juste ton flingue une minute pour en finir avec le clown blanc ! (je rêvais un peu, mais vous savez que j’étais tireur d’élite !).

-          Alors, encore aussi zen, on garde le silence m’a fait le clown !

-          Non, non, je rêvais, j’ai fait !

-          Un beau rêve, j’espère !

-          Sûr, un beau, un très beau rêve, j’ai fait.

La fille en uniforme, à l’accueil avait l’air si blasé qu’on lui donnait cent ans.

-          Oui, c’est pour quoi, a-t’elle dit au jeune homme (qui sortait de mon bureau, un peu satisfait d’être écouté, d’avoir été compris, entre les mots, sans avoir à tout déballer).

… oui, c’est pour quoi ?

-          Pour une plainte…

-          Une plainte pour quoi ?

-          Euh… pour une agression…

-          Quel genre d’agression ?

-          ….

-          A quand remontent les faits, parlez plus fort s’il vous plait monsieur !

-          Euh… 1997…

-          Oui, donc quel genre d’agression ?

-          Euh… sexuelle…

-          Avec ou sans pénétration ?

-          Euh… avec.

-          Asseyez-vous, on viendra vous chercher !

« - Avec ou sans, mais pourquoi vous lui demandez ça ?

- Ben, ça change tout !

- Surtout pour lui, j’ai fait. »

Je ne suis pas un indicateur de la Police Nationale, non vraiment ça je ne le suis pas,

Le REAL de Madrid a acheté ce joueur bien trop cher, oh oui ça bien trop cher,

Trois IPOD on m’a volé, je déposerai donc trois plaintes successives, oui ça je le veux !

J’ai regardé l’autre clown arpenter le hall en tout sens, tranquillement ; en posant mes yeux sur son pas, j’ai remarqué comme des traces rouges presque invisibles  à l’œil nu, c’était donc ça la zone de confidentialité. Mon dieu !

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