74 femmes
divina-bonitas
J'entends aux infos que 74 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint depuis le début de l'année en France.
Un homme au cœur du sujet dit qu'il n'y a pas assez de places d'hébergements d'urgence pour ces femmes et leurs enfants.
J'ai une question: pourquoi ce ne sont pas les hommes violents qui quittent le foyer? Pourquoi quand une femme va déposer une main courante ou une plainte parce qu'elle s'est fait battre comme plâtre, elle n'est pas ramenée chez elle avec de gros bras qui vont se charger de récupérer le conjoint violent et le mettre dans un centre d'hébergement en le surveillant de près le temps pour la justice de prendre une décision?
Tiens, c'est comme le harcèlement en milieu scolaire. J'entends encore le proviseur adjoint me suggérer de changer mon fils de lycée pour échapper à ses harceleurs.
Je crois que ma réponse lui fit perdre un tympan.
Pourquoi est-ce toujours à la victime de se barrer? Comment imaginer qu'une femme généralement isolée, cachant ses bleus, soit mise devant un dilemme ingérable: fuir seule en laissant ses enfants aux prises avec son bourreau qui est parfois violent avec les enfants, ou ne pas savoir comment fuir en les emmenant? Qu'est-ce que va dire l'école pense la femme juste avant de poser cette équation: "si je pars seule on va m'accuser d'abandon de foyer, de mauvaise mère, on va me retirer les enfants et les placer en foyer; si je pars avec eux sans logement et sans moyen de les nourrir, les enfants vont finir dans un foyer". Est-ce un choix? Bien sûr que non. Et il faut arrêter de croire au petit Jésus soviétique. Nombre de femmes dans ce cas de figure n'ont nulle part ou aller, pas toujours de famille ou d'amis pour les accueillir du fait que leur conjoint s'est souvent arrangé au fil du temps pour les isoler, que la honte et la culpabilité sont portées ensemble par ces femmes dont la psyché a été sapée au fil des jours et des violences. Sans confiance en soi après avoir entendu des "tu le mérites bien, tu m'as mis en colère, tu ne fais pas ce que je te demande, tu es incapable de..." il devient très difficile de dire quand ça ne va pas.
La question des enfants est au cœur de la problématique et constitue un moyen de pression pour ces hommes violents. Au-delà c'est toute notre société qui nie cette problématique, fait l'autruche. Des enfants dont la mère est violentée le manifestent d'une façon ou d'une autre mais peu de gens s'en rendent compte et les enseignants lucides sont souvent muselés.
Je me souviens quand jeune, je gardais un été 3 mômes dont la mère se faisait taper fort et discrètement, dans un milieu bourgeois où tout devait être bien comme il faut. L'aîné, un ado de 14 ans était très agité, sur la défensive, aux aguets, en hypervigilance constante, sursautait au moindre bruit, devenait blême en entendant le ronflement de la voiture du père rentrer. Quand son père franchissait le seuil de la baraque immense et cossue, le gosse se foutait dans un angle, le corps tendu comme un arc, lèvres pincées, pupilles rétrécies, tentant de jauger son humeur, anticipant l'arrivée de la mère avec panique. Allait-il devoir encore supporter de l'entendre crier? Comment la protéger? A qui le dire? Le second avait trouvé des parades: ruser, voler, mentir, se ranger du côté du père. La dernière âgée de 5 ans ne voulait pas manger, léchait les vitres que je venais de faire, un jour a renversé un kilo de sucre sur le tapis que je venais d'aspirer. Je l'ai prise dans mes bras pour lui demander ce qui n'allait pas. Elle a fondu en larmes et a pleuré pendant des heures.
Quatre ans plus tard, la mère est morte d'une hémorragie cérébrale, l'aîné s'est tiré une balle le jour de ses 18 ans, la dernière revue par hasard était devenue obèse.
Je l'avais dit à plein d'adulte de mon entourage qu'il fallait faire quelque chose pour cette femme et ses enfants et personne ne m'a entendue. Elle avait soi-disant les moyens de partir et l'aurait fait si elle le voulait, j'exagérais et blabla, le gros joueur de golf était un bon copain, un patron de boîte bien connu sur la place...un gros co...ard surtout. Sur le papier peut-être avait-elle les moyens financiers de partir, en réalité non. Le lent travail de sape dont sont victimes ces femmes les inhibe, la honte et la culpabilité font le reste. Et il ne faut pas croire, les violences dans les milieux aisés sont encore plus cachées qu'ailleurs. Quand D. est morte des conséquences de son hémorragie cérébrale après quinze jours de coma, toute la bourgeoisie locale a été saluer le mari aux obsèques, comme s'il n'y était pour rien. A aucun moment personne n'a dit qu'elle était morte des conséquences de sa violence à lui. Elle n'est même pas rentrée dans les statistiques. Je me mets à la place du fils aîné qui a assisté à cette gabegie sans pouvoir l'ouvrir.
Et oui, tu as tout bon, effectivement les violences conjugales touchent tous les milieux sociaux, je connais parfaitement le sujet...une jolie façade à l'extérieur , monsieur bien sous tous rapports et un monstre chez soi, rien de pire...oui ce devrait être à ce co.....de dégager ! N'oublie pas que dans la police ou la gendarmerie , il existe encore malgré des preuves accablantes, un certain machisme...en gros même avec des certificats médicaux, il faut faire preuve d'une certaine insistance afin que ta plainte soit recevable ou être morte afin que les faits soient reconnus...sur un nombre conséquent d'interventions, tu en rencontres d'autres plus compréhensifs et au fait de la chose puisqu'ils connaissent le sujet par des membres de leur famille vivant la même chose...j'entendais toujours la même litanie: " partez Madame, vous êtes en danger ", c'est ça, tu mets tes trois enfants dans ta valise et tu te sauves, du grand n'importe quoi ! ICertains m'ont quand même rendu quelques services, en le punissant à l'extérieur du domicile et en m'aidant à déménager en leur présence, pas moins de trois pour faire face à ce cinglé fou de rage et hurlant aux loups...ceux là franchement bravo à eux, ils restent quand même l'exception ?
· Il y a plus de 5 ans ·marielesmots
Merci Marie pour cette lecture et ton commentaire. Je crois qu'il y a vraiment un truc à faire pour contribuer à déplacer le tabouret plutôt que le piano. Un collectif de femmes? Si tu as des idées, je suis à ta disposition.
· Il y a plus de 5 ans ·divina-bonitas
C'est un sujet grave que tu abordes-là. En fait, c'est beaucoup plus compliqué qu'on ne le pense. Vu de l'extérieur, il semblerait que ce soit facile de régler le problème, mais il en va autrement. Tu as oublié, me semble-t-il, de poser une question importante : pourquoi les femmes battues retournent-elles vivre auprès de leur tortionnaire, même si elles pouvaient s'assumer seules financièrement, familialement ?
· Il y a plus de 5 ans ·Enfin, un autre problème existe, malheureusement : celui des femmes qui n'hésitent pas à se blesser intentionnellement pour faire croire à la violence de leur compagnon. J'avoue que c'est tordu, mais cela existe...
Sy Lou
Je pensais avoir répondu à la question de "pourquoi retournent-elles..." c'est toujours le problème de l'emprise d'une part, ensuite ça relève à mon sens de la psychologie: relations avec le père, violences dans le foyer d'origine, en astrologie ça peut s'expliquer aussi. Mais il ne me semble pas que ce soit la majorité. Pour les autres femmes dont tu parles qui se blessent intentionnellement, un suivi psychologique s'impose.
· Il y a plus de 5 ans ·Merci de ta lecture et de ton commentaire.
divina-bonitas
Beaucoup de ces femmes avaient déjà porté plainte à la police (6 fois pour la plus récemment tuée !). Pourquoi n'y-a-t-il pas eu de réactivité policière ?
· Il y a plus de 5 ans ·astrov
Je n'en sais malheureusement rien. Pas d'ordres clairs venus d'en haut? Pas de solutions concrètes à proposer? Pas de procédures en interne faciles à appliquer? Pas de formation ad hoc sur le sujet?
· Il y a plus de 5 ans ·divina-bonitas
Pas un mot à retrancher. J'adhère.
· Il y a plus de 5 ans ·menestrel75
Merci Ménestrel.
· Il y a plus de 5 ans ·divina-bonitas