A, B, C... OR C, A, B...?

             On nous répète depuis longtemps maintenant qu’il faut faire les choses dans l’ordre. Embrayage, première, accélérateur. Essorer, mélanger, faire dorer. Déshabiller, préliminaires, septième ciel. On répétait aussi aux jeunes gens, il y a quelques décennies, qu’il fallait aimer (ou se faire « conseiller » par ses parents, au choix), se fiancer et enfin convoler. Mais il semblerait que cet ordre ait été bousculé au fil des ans. Maintenant on se marie à 15 ans pour la vie ; on s’engage, on détruit puis on batifole ; on se pacse, on emménage et on attend 4 ans pour le mariage. On se trouve aux prises avec une question à choix multiples. Et si on rajoute à tout ça le paramètre « bébé », on s’y perd pour de bon !

     Toutes ces nouvelles possibilités sont-elles le signe d’une évolution bénéfique, ou au contraire la porte ouverte au grand n’importe quoi émotionnel ? Le désordre amoureux porte-t-il bien son nom ? En amour, doit-on respecter l’ordre pour un bon mélange ?

       L’ordre, ce n’est en tout cas pas ce qui manque dans les vies de A. et M. Agés d’à peine 22 ans, ils venaient de se fiancer pendant les Fêtes de fin d’années, et projetaient de se marier finalement dans 3 ou 4 ans. « Trop mignon ! », diront certains. « Normal », affirment d’autres, vu qu’ils sortent ensemble depuis la fin du XXème siècle (autrement dit, une éternité dans ce monde de l’éphémère ! Mais comme disait l’autre, « l’éternité c’est long, surtout vers la fin… ».

     Je discutais de l’événement avec T., un ami proche de A. depuis le collège. Lui-même, bien que casé depuis un an et demi, concevait que l’acte des deux tourtereaux puissent apparaître comme une preuve offerte aux yeux de tous. Ils semblaient un peu jeunes pour un tel engagement et surtout, ils n’avaient jamais vécu ensemble… mais ne soyons pas mauvaise langue, l’amour fait fi de tout, n’est-ce pas ? Non ?

     Le fait est néanmoins que l’engagement si romantique de M. et A. pourrait apparaître comme immonde aux yeux de certains. L’institution mariage est en perte de vitesse, dit-on alors qu’il faut réserver une église bien un an à l’avance. Quant à l’organisation moins « spirituelle » et plus pratique des festivités, je n’en parle même pas.

     Mais n’allons pas jusqu’au mariage. Tenons-nous-en à l’engagement, tout « simplement ». Pour revenir encore une fois sur le sujet, il semblerait que beaucoup d’entre nous vivent une histoire sérieuse avant de s’éclater. Là encore, on peut se demander si l’ordre est judicieux. Car le résultat d’un tel désordre apparent est un taux anormalement élevé de trentenaires mâles qui agissent comme des ados (ne rappellent pas, zappent les rendez-vous, se soulent lamentablement en boîtes en draguant des minettes de 16 ans… et je ne parle même pas des problèmes érectiles !). Et face à cela, un taux anormalement élevé de trentenaires femelles qui sont à deux doigts de s’inscrire à la banque du sperme… parce qu’il paraîtrait aussi que certains hommes n’acceptent de se marier qu’après un bébé…peut-être chérie, je n’ai rien promis…on verra.  Punition excessive de la gente féminine ? Exigence trop étouffante pour la gente masculine ? Il est vrai que quand on gère sa vie amoureuse comme une PME, on peut s’attendre à quelques retours de manivelles…

     Les contes de fée sont loin à présent, et c’est tant mieux, mais doit-on réellement remplacer le schéma narratif par une construction de Légos d’un enfant de 2 ans ? C’est bien d’avoir le choix, mais encore faut-il savoir en faire.

     Je discutais l’autre jour avec R., qui affirmait qu’il s’inquiétait peu de ne pas se marier, du moins qu’il ne s’en inquiéterait pas avant ses 40 ans. Il n’accumulait pas les conquêtes pour autant, ni les histoires d’amour, non. Juste les barres de shit.

      Au fond ce n’est qu’une question de date de péremption de la séduction. On boit le lait tant qu’il est frais, puis on se jette à l’eau.  Mais on dit aussi qu’un bon vin se bonifie avec l’âge… En parlant de ça, l’année 2010 sera bonne, parole de connaisseur ! Avis aux amateurs…

                    Pour ma part, j’aime faire les choses dans l’ordre : labourer avant de planter… A moins que ce ne soit le contraire…