A bout de souffle

Hervé Lénervé

Je ne me souviens plus, si je vous l’ai déjà raconté la fois où j’étais vieux.

Je me lève, tranquille, je vais au réfectoire pour prendre un petit-déjeuner. Je n'étais, à peine, même pas assis d'à peine une minute, qu'une  Dame, sans peine,  vienne me demander quel temps il faisait dehors.

Qu'est-ce que j'en sais du temps qu'il peut faire dehors, elle voit bien que je ne suis pas sorti dehors, depuis des mois, mais seulement à peine et avec, de mon lit.

Bon, passons... mais ce n'est pas fini, une autre maintenant, encore moins entretenue que la première, vient m'importuner.

« Excusez-moi monsieur, pourrai-je vous emprunter votre sucre ? »

D'abord, ce n'est pas MON sucre et du sucre, il y en a sur toutes les tables vides, faible l'argument.

Bon passons... mais, vous vous en douer, vous commencez à me connaître, ce n'est pas fini. Une troisième, se lève, mais celle-là, même avec tous ses tuteurs, elle n'est pas prête d'arriver à ma table. J'ai largement le temps de finir mon petit-déjeuner, de fumer une clope, d'aller faire ma promenade jusqu'aux toilettes et de m'évaporer dans les airs, l'air de rien.

« Excusez-moi, cher monsieur, pourriez-vous avoir l'obligeance de ... »

Déjà ! Putain, elle a des tuteurs-trotteurs électriques ou quoi ?

*

Vous voyez, personnellement, je n'aime pas les vieux !

*

Mais je suis contraint de nuancer mes jugements, parce que j'en suis un, moi-même.

Je n'ai rien contre les sots métiers, j'en avais un, moi-même.

Pourtant, je trouve qu'après un délai de séduction épuisée de péremption, on devrait interdire le racolage dans les EHPAD. Ils font chier les proxénètes à nous refiler toutes leurs vieilles rossinantes bonnes à l'équarrissage.


Signaler ce texte