A gauche, puis à droite.
eukaryot
Le petit sac à main s'envole, un instant suspendu en l'air, son contenu en satellites déments tout autour, instant de grâce avant la chute météoritique, forcément moins élégante, le sol crépite, un tube de rouge à lèvres explose par terre, un téléphone portable éclate en deux parties et projette sa batterie à un mètre plus loin. Un portefeuille décide de livrer définitivement son contenu, quelques cartes de fidélité, une VISA expirant le 10/12 et trois capotes extra-fines, prenant leur liberté après une longue glissade sur le trottoir.
Elle se lève, embrasse doucement son homme encore assoupi sur la joue, fonce à pas souples sans bruit aucun dans le salon, ouvre le store le chat en profite pour aller s'alanguir sur le balcon, elle sourit alors que la caffetière sifflote. C'est un joli matin. Elle s'asseoit dehors après avoir dégagé le chat du transat, un miaulement indigné lui signale l'injustice de ce geste, mais ce n'est pas grave, elle sourit, sa tasse à la main, et regarde par le balcon la ville dévoiler son grand spectacle lumineux tout autour. 8H17, elle a encore le temps. Elle termine sa tasse, et volète dans la salle de bain.
Un sac de viande entouré de vêtements s'écrase lourdement, en un "ooompf" étouffé et un horrible craquement, une personne indistincte hurle alors qu'un crissement strident brûle l'asphalte en quatre traînées noires, Un liquide rouge vermillon tirant au noir s'écoule du tas informe rouge pétant d'où luisent, près d'une extrêmité, deux éclats brillants blancs-jaunes, terriblement pointus et effilés.
Une masse indéterminée pousse un hurlement et court près de l'amas sanglant répandu sur le sol.
Un gamin à casquette regarde discrètement tout autour, ramasse le portefeuille à quelques pas de là, et découvre dedans un billet de vingt euros, le prend, et jette le portefeuille dans sa fuite.
Elle sort, dis bonjour à la dame de l'ascensceur sans vraiment la voir, elle est heureuse, elle regarde la bague qui enserre son doigt d'un éclat un peu trop brillant, elle souhaite que cette bague, comme sa promesse, sera éternelle. Elle sourit derechef, elle est un peu en retard, alors il va falloir se presser pour raconter à ses collègues la merveilleuse nouvelle, elle est légère, et flotte jusqu'au carrefour. Toute entière à sa contemplation rêveuse, elle oublie, pour une fois, de tourner la tête à gauche, puis à droite, comme sa maman le lui avait appris, avant de traverser la rue. Le klaxon, le pauvre, ne peut strictement rien y faire.
Ca ressemble à une fourmilière maintenant, avec tous ces uniformes et ces lumières clignotent, les hurlements de sirènes se rapprochent, une brave dame dit que c'est vraiment pas de sa faute, et de la portière ouverte, un homme assis la tête entre les mains, raconte au képi indéfini qu'il était en train d'ajuster sa ceinture de sécurité lorsqu'il a heurté la fin du monde
Quelque part, un téléphone sonne. Quelqu'un décroche, et hurle sans raccrocher.
Quelque part, un chat, dérangé par tant de bruit, rentre du balcon et file se planquer sur le lit désormais vide.
Un récit bien mené dans le contraste des instants... me rappelle de terribles souvenirs ! bravo et merci !
· Il y a plus de 13 ans ·Edwige Devillebichot
Ni l'un, ni l'autre n'avons à remplir de constat :))
· Il y a plus de 13 ans ·J'aime énormément ta version. Journée prévention routière !
Mon coup de coeur pour ta très belle écriture et une interprêtation des mots qui tourneboulent à l'intérieur. Suis sûr que tout le monde va effectuer ce geste qui préserve après ta lecture !
leo
Toujours regarder avant de traverser !
· Il y a plus de 13 ans ·Lézard Des Dunes