A la noce

isalabelle

Non elle ne jouira pas, un point c'est tout. C'est comme ça. Il a voulu jouer son mâle de base, bomber le torse et bander comme jamais pour qu'elle comprenne une bonne fois pour toutes. Qu'elle fasse rentrer dans sa petite tête de blonde trop maline que c'est lui le maître. Lui qui dit et donc lui qui prend. Mais elle, elle ne joue que pour gagner. Quitte à brider son moteur. Son côté perverse qui s'ignore peu, sans doute.

Et puis c'était son idée à lui après tout : la dernière fois qu'il la baiserait sa « demoiselle ». Dans une heure, elle sera Madame et ça, c'est sacré, nom de Dieu. Après, tout sera différent. En attendant, elle a compris dès qu'il a passé le chambranle de la porte. Son oeil brillant et son habituel sourire en coin lui ont brûlé le ventre à la seconde même. Peu importe que les trois étages de la maison familiale soient bondés, façon « boat people » bling-bling, d'invités tirés à quatre épingles, chapeaux bobo vissés sur les têtes et gueules d'enterrement pré-biture qui siéent peu à ce genre de circonstances. Il est là maintenant et ce qu'elle lui dévoile dans le rayon de lumière qui filtre à travers les lourds double rideaux trop 70's lui vaut une érection aussi soudaine que puissante.

Elle n'est pas encore habillée sa garce? Très bien. Tout juste a-t-elle enfilé ce truc bizarre que sa mère à elle a absolument voulu qu'elle porte. Des dessous qui se transmettent de « génération en génération » comme on dit, et qui assurent une fertilité digne d'une irlandaise à chaque utérus qui se moule dedans. C'est moche mais il s'en fout. Il la veut. Là, tout de suite. La porte ne ferme pas à clé, c'est encore mieux. Il fait partie de ceux que bizarrement l'idée de se faire surprendre entre deux coups de rein, le falzar accroché aux chevilles excite encore plus. Elle pas. Et c'est à ce moment qu'elle comprend que si elle veut rester dans la course la mignonne, elle ne devra pas céder.

Ecarter les cuisses, ça elle peut faire. Très bien même. C'est qu'elle est allée à bonne école et depuis ses quatorze ans, elle ne peut se souvenir d'une seule fois où elle s'est faite prier, même sobre. A part peut-être à l'enterrement de vie de jeune fille de sa copine Alice dans un bar hors du temps de l'ennuyeuse Senlis. Mais ces deux pompiers ne lui plaisaient pas autant que ça finalement et elle a coupé court dès que le plus tatoué des deux a glissé sa queue avec impatience et brusquerie dans sa bouche. Mais là ce n'est pas pareil, elle le veut, ça oui. Elle mouille pour lui, mais ne veut pas lui rendre la tâche facile. Il va voir ce salopard de quoi elle est capable. Elle bombe ses lèvres pour lui susurrer un faussement refroidissant « ne te méprends pas » mais lui, braqué, tout ce qu'il entend c'est un torride « mais prend-moi! ». Alors, il la plaque sans ménagement contre la coiffeuse qui n'a elle aussi d'autre utilité que d'offrir un support rétro à des parties de jambes en l'air débridées, de génération en génération. Mais, elle ne se laisse pas faire, et tombe à genoux si vite qu'il en est le premier surpris. Elle contrarie son plan de « supermacho » sa jolie garce là, il est dérouté. Mais elle ne dévie pas la promise, ça non. Elle ne lui laisse pas le temps de piper mot et avale d'un trait son sexe dressé bien qu'il soit sûrement plus dur et plus énorme que jamais. Elle lèche, elle suce, la gourmande de toujours n'aura pas de répit pour la bête. Rien n'échappe à l'inquisition de sa grande gueule et de sa « langue de pute » comme elle l'a elle-même baptisée.

C'est pourtant à ce moment précis, où le paternel de sa belle se met en tête de rassembler en beuglant la populace endimanchée, qu'il reprend ses esprits. Elle a bien fait d'éviter le chignon traditionnel de la mariée meringue, se dit-il. Ca lui facilite la tâche quand il attrape sa crinière pour la redresser brutalement. En deux temps trois mouvements de bassin, il est en elle. Debout, sur la pointe des pieds, les mains impeccablement manucurées agrippées à la commode de Barbie, elle laisse faire, tandis qu'il plonge dans son antre palpitante. Docile, mais pas résignée elle compte, 24, 25, 26, ça suffit. Elle reprend le dessus, le repousse avec la force insoupçonnée de celle qui sait que ce sera peut-être la dernière fois. Amazone de pacotille, elle le chevauche à présent, sans sourire...il ne faudrait pas qu'il croit qu'il a gagné. Elle propose, non, elle impose son propre « à contre rythme ». Mais il ne dispose pas. Pas encore. Et pourtant ses mains, ses deux mains viriles qu'elle a tant de fois regardées avec envie et massées avec son fantastique et hors de prix baume « Sans Paraben » rapporté du Japon pour l'impressionner, ne lui offrent que peu d'alternatives. Elle perd pied, elle le sait. « Mais quelle conne ! » hurle-t-elle intérieurement. Pas maintenant, pas comme ça. C'est pourtant bien elle qui tient les rênes. Mais mue par une force invisible, son rythme se fait plus pressant, elle ne pense plus, comme elle sait si bien faire. Plus de culotte-gaine de mamie, plus d'invités pressés de passer à la partie open-bar de la journée sacrée, plus de porte sans clé, plus d'engagement à la mord-moi-le-noeud. La volonté l'a quittée, bordel.

Et c'est à ce moment précis - a-t-il glissé un «reviens-moi vite » au creux de son cou? - que la jouissance la rattrape, plus forte, plus incongrue, plus détestable que jamais. « Oups, perdu! » lâche-t-elle innocemment dans un râle sorti de nulle part.

On y est presque. Ce n'est désormais qu'une question de minutes, de stylo qui ne défaille pas et de témoins sérieux. Il est « l'autre ». Elle le sait, il le devine. L'aidera-t-il quand même à enfiler sa robe? Ce futur bout de tissu jauni que son fiancé, qui attend déjà depuis 20 minutes sur la place de la mairie, n'a pas encore eu le privilège de voir, lui? Non. Elle a joui. Elle l'a perdu.

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