A la recherche du bonheur (13)
chloe-n
Je n'ai pas dit à mon fils que l'un de ses camarades avec qui il partageait le transport pour aller à l'école à Garches, est décédé. Ca m'a fichu un coup. Il avait seulement 16 ans ! Je le connaissais, il était si gentil. Pauvre enfant… Je me demande comment sa mère fait pour tenir le coup, surtout qu'elle a une autre enfant handicapée, deux ans plus jeune que son défunt frère. Une mère ne devrait pas enterrer son enfant. Ce n'est pas dans l'ordre des choses.
Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à mon fils qui va avoir ses 16 ans dans quelques mois. C'est dur. Mon frère et mes neveux sont partis à peu près à ce même âge.
Ce mercredi, je ne travaille pas. Mon fils est très fatigué. Sa maladie n'a cessé de se développer ces derniers temps. Il a maintenant besoin d'une assistance respiratoire une à deux fois par jour. Et sa petite sœur s'est réveillée avec un mal de ventre. J'ai un peu de mal à y croire, je crois juste qu'elle ne veut pas aller à l'école ce matin, et rester avec son frère. Je n'ai pas envie de discuter avec elle aujourd'hui alors puisque je suis là, ils vont rester ensemble et moi, vaquer à mes occupations. Je ne prête pas vraiment attention, mais ces deux-là sont bizarres aujourd'hui. Même notre chien n'est pas dans son état habituel.
Comme d'habitude, à peine réveillée, ma fille va rejoindre son frère pour prendre des nouvelles, savoir s'il a bien dormi, lui raconter ses rêves. Elle tente de le distraire, en vain. Je lui dis de ne pas trop le fatiguer. Lorsque je lui installe son masque à oxygène, il me dit qu'il veut être tranquille un petit moment. Je fais sortir sa sœur et ferme la porte pour qu'elle ne vienne pas l'ennuyer. En bon gardien, notre chien s'installe devant la porte.
Après son petit-déjeuner avalé et sa toilette effectuée, ma fille commence déjà à tourner en rond. Elle tente de distraire son compagnon à quatre pattes, rien n'y fait. Il prend sa tâche très à cœur. C'est à peine s'il lève la tête pour la regarder, il ne fait que la suivre des yeux en soupirant. Lorsque je prends les clés pour aller déposer les ordures dans la cave, les deux compères sont déjà derrière moi, prêt à sortir pour se faire une petite séance de frayeur. Je ne fais que l'aller-retour, mais lorsque je me retourne, ma fille est déjà rentrée. Elle m'appelle. Je vois que la porte de la chambre de mon fils est grande ouverte. Elle m'appelle encore. Lorsque je passe la porte, je comprends que quelque chose ne va pas. Le masque à oxygène de mon fils n'est plus sur son visage. Je me précipite pour lui remettre, mais ma fille du haut de ses six ans, me dit que son frère est mort.
Non, ce n'est pas possible. Je cherche le téléphone. L'espace d'un instant, j'ai oublié que nous n'en avons pas. Mon mari a toujours pensé que les deux aînés allaient passer leur temps à discuter pendant des heures avec leurs amis.
Du coup, je me précipite chez la voisine du dessus et lui demande d'appeler les pompiers, que c'est pour mon fils. Ensuite, tout se mélange dans ma tête. J'ai l'impression de vivre un cauchemar. Je revois ces 3 gaillards en uniforme entrer chez moi avec un brancard, ma fille qui se tient toujours debout devant le lit, elle s'est approché et parle à son frère, tout doucement comme pour ne pas le réveiller. L'un des pompiers examine mon fils rapidement avant de se retourner vers ses collègues en faisant un petit signe de la tête. Quand il se relève, il me dit qu'il est désolé, qu'il n'y a plus rien à faire. Il fait mine de m'emmener dans le salon pendant que ces deux collègues installent mon petit sur le brancard. J'entends l'un d'eux parler à ma fille. Elle ne répond pas, ne bouge pas. Tout s'embrouille dans ma tête, je suis complètement perdue. Des larmes inondent mon visage, je les essuie d'un revers de la main pour que ma fille ne me voit pas pleurer. Le pompier à mes côtés me demande s'il y a quelqu'un qui peut la garder pendant que nous allons à l'hôpital. Ma fille ne veut pas bouger. Ses aînés ne font pas tarder à rentrer pour déjeuner. Ma voisine se propose de garder un œil sur elle pendant ce temps-là.
A l'hôpital, lorsque j'entends le mot “autopsie”, je sens un nouveau coup porté dans mon coeur. Un médecin ou une infirmière, je ne sais plus, me voyant sur le point de m'effondrer, me fait m'asseoir et m'explique qu'il n'y en aura pas, vu la maladie de mon fils.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée prostrée sur ma chaise, à pleurer en silence. Une main d'homme me bouscule légèrement l'épaule. Lorsque je lève la tête, mon mari est là, devant moi et me dit qu'il est temps de rentrer à la maison.
En arrivant devant notre immeuble, ma petite dernière est là, assise sur le perron avec son fidèle compagnon. En me voyant, elle s'avance vers moi et me prend par la main, sans un mot.
Je me suis occupée de toutes les démarches, seule, mais au dernier moment, mon mari a décidé de mettre son grain de sel. Il a décidé, comme ça, qu'il allait s'occuper de la tombe. Il a fait appel à notre ami du Perray (celui qui nous a offert notre chien), marbrier, pour réaliser la sépulture. Evidemment sans m'en parler avant que je n'aille aux pompes funèbres. Comme s'il ne voyait pas tout ce dont je dois m'occuper, en plus du quotidien et des enfants. Parce que pour le reste de la famille, la vie a repris son cours dès le lendemain du décès de mon fils. Finalement, ça me permet de m'occuper l'esprit.
Le jour de la cérémonie, je suis surprise de voir toute la famille au grand complet. Tout le monde est là : ma belle-famille, ma demi-sœur accompagnée de sa fille, et même ma mère. Je ne savais même pas qu'elle était en France !
Seules mes deux filles n'assisteront pas à la messe et à l'inhumation, elles sont très jeunes pour cela.
Lorsque nous revenons du cimetière, c'est sans surprise que je vois ma petite dernière guetter notre arrivée par la fenêtre.
Tout ce monde, près d'une trentaine de personnes dans notre petit salon me donne un sentiment d'oppression. Ca fume, ça boit, ça discute, ça rigole. Des groupes se sont formés par famille, les clans ne sont pas prêts de se côtoyer même dans un moment pareil. Quelques personnes osent tout de même s'aventurer dans le groupe voisin pour, au final, se vanter de sa situation matérielle. Même les plus jeunes s'adonnent à ce “manège” indécent. Mon fils a fini par s'enfermer dans sa chambre, ma fille aînée est sous le charme de sa cousine et la plus petite… fait connaissance avec sa grand-mère. A voir la tête de cette dernière, je me précipite pour savoir ce que ma fille peut bien raconter pour que son aïeule soit aussi furieuse. Lorsque j'arrive à leurs côtés, ma mère me dit d'un ton sec et méprisant que ma fille est mal élevée, qu'au pays elle aurait déjà été giflé pour s'être adresser de la sorte à un adulte. Je demande des explications, et avant que ma fille n'ait ouvert la bouche, ma mère répond toujours aussi cassante, qu'elle lui a manqué de respect. J'avais presque oublié que dans mon ancienne vie, les enfants ne s'adressent pas à un adulte sans y avoir été autorisé, et encore moins de les tutoyer. Je prends ma fille par la main et l'emmène dans la cuisine en lui expliquant de ne pas parler à ma mère. Elle insiste. Elle me demande comment doit-elle appeler sa grand-mère si elle lui parle, “Mamie” ou “Mémé” ? Ah, les enfants… Elle qui se faisait une joie de connaître et d'avoir une grand-mère comme tous ces petits camarades…
Mon mari nous rejoint dans la cuisine alors que je me m'apprête à faire du thé. Il me dit que nos “invités” vont commencer à avoir faim et me demande ce que j'ai prévu de leur servir. Assez surprise, je dis à mon mari qu'il n'a jamais été question de nourrir tous ces gens. A son tour, il est étonné mais surtout furieux que je traite sa famille de la sorte, toutes ces personnes qui sont déplacés de loin, pour ne rien n'avoir en retour.
Je comprends que les mentalités n'ont finalement pas évolué. A part ma sœur, personne ne m'a demandé comment j'allais, personne n'a parlé de mon fils, d'ailleurs qui s'est soucié de lui toutes ces années…
Je réalise alors que leur présence n'est purement qu'intéressée. Comme d'habitude.(©)
Oui effectivement comment s'en relever ?
· Il y a environ 9 ans ·erge
La réponse sera dans la phrase finale.
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
Tu nous assène l'ordre des choses avec ton style habituel. Punaise, on sait bien que ça va arriver dans l'histoire, mais si vite...pfffff....cette maman, et cette petite sœur....pffffff.... Je sais pas quoi dire.
· Il y a environ 9 ans ·carouille
Je crois qu'il n'y a pas de mot, juste des émotions qui s'expriment. Et ton CDC en est la preuve. Merci
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
.....;))
· Il y a environ 9 ans ·carouille
J'ai un peu de mal à m'en remettre... Oh la baffe qui secoue mon côté papa...
· Il y a environ 9 ans ·Christophe Paris
Demande à ton petit de te faire un câlin et ça ira mieux après
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
T mimi merki !
· Il y a environ 9 ans ·Christophe Paris
Bombe....
· Il y a environ 9 ans ·Christophe Paris
Waouh dur fort et évocateur terrible, très touchant,très immersif,universel on peut tous s'y retrouver, courageux et beau ce texte, effectivement à en pleurer, conclusion hardos waoh une bomme ce texte
· Il y a environ 9 ans ·Christophe Paris
Je ne sais pas quoi te répondre ? Merci ?!!
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
Un épisode bouleversant, un sujet difficile à aborder, tu m'as fait monter les larmes aux yeux.
· Il y a environ 9 ans ·ade
Oh sèche tes larmes ma belle...
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
Ben tu es mignonne mais je suis comme Christophe, je peine à m'en remettre, mon coté maman...
· Il y a environ 9 ans ·ade
va faire un gros bisou à Benjamin, ça devrait aller après
· Il y a environ 9 ans ·chloe-n
Dès qu'il rentre de la batterie oui, et à son frère aussi ;) en attendant je vais aller écouter un peu de Nina Simone moi :)) à bientôt miss
· Il y a environ 9 ans ·ade