A ma portée
sifoell
La brune était allongée sur le lit, profondément endormie. Ses longs cheveux emmêlés étaient épars autour de son visage agité par un rêve. je lui caressai doucement la joue. Elle réagit en gémissant et en se retournant sur le dos. Son mouvement fit découvrir son torse. Elle portait une nuisette rouge avec un bandeau de dentelle noire ceignant sa poitrine. Elle était juste comme je l'avais imaginée, après ces siècles de recherche. Sa peau blanche était striée de veines bleutées dessinant un chemin que mes yeux, puis mes doigts, ma langue, parcoururent.
J'avais très peu de temps. L'aube n'allait pas tarder à poindre et je sentirai mes forces m'abandonner. Je la découvris entièrement. Elle frissonna. Sa nuisette remontait sur ses cuisses. Je m'abîmais dans la contemplation de cette beauté traquée, désirée depuis si longtemps. Elle s'était appelée Cornelia, Mahaut, Sterenn, et bien d'autres. J'apprendrai à la connaître dans cette vie là. Sa peau réagissait à mes caresses, imprimant mes doigts dans sa chair. Je lui remontai haut sa nuisette, lui glissait lentement sa culotte le long de ses jambes. Dans mon empressement à la dévêtir, je lui déchirai la nuisette, découvrant ses adorables seins. Le sommeil et cet abandon la rendaient si belle.
J'étais mort. Je m'étais maudit pour cette femme. Pour cette part d'elle que j'avais poursuivi, inlassablement, depuis des temps dont j'avais à peine souvenance. Son âme était mienne, même si elle s'y était toujours refusée. Tout entière elle serait mienne, elle m'appartiendrait. Je regardais son visage, qui ressemblait à tous ces autres visages qui avaient été siens et que j'avais aimés. Semblables et différents, mais reconnaissables entre tous. Les époques et les paysages défilaient dans ma mémoire. La Rome antique écrasée de chaleur, la Bretagne miédévale, le Pérou conquis. Tout se mêlait dans mon crâne, sauf ce que j'avais sacrifié pour elle : mon âme.
Je me glissai sur elle, autour d'elle, en elle, tandis qu'elle tressaillait, que sa peau se marbrait par le poids de mon corps, sa chair pétrie par ma volonté. Ses mains agrippèrent mon dos, se saisirent de mes cheveux, enserrèrent mes bras. Son corps répondait si bien au mien. Malheureusement, c'est son esprit qui avait toujours fait obstacle. C'est endormie qu'elle était à moi. Futile et énorme victoire. J'avais de plus en plus d'emprise sur elle, jusqu'à sa prochaine fuite. Mais je la retrouvais toujours. Je piquais la peau de son visage, ses lèvres, de baisers brûlants. Sa peau rougissait sous les assauts de ma bouche. Des bleus apparaissaient sous mes mains avides. Elle grogna, plaisir et douleur mêlés, en proie au songe qui la touchait si profondément. Je marquais son corps de mes souvenirs, de nos étreintes rêvées, fantasmes oubliés par elle, mais qui constituaient le coeur de mon obsession.
Allant et venant en elle, passionné et éperdu, je jouis dans un soupir douloureux, désespéré. Il m'avait fallu tellement de temps pour cueillir cet instant, et il m'en faudrait tellement jusqu'au prochain. Mais maintenant que je l'avais trouvée, si faible que je fusse, je la suivrai comme son ombre. Je m'accrocherai aux contours de ses reflets, à la poussière de ses pas. Je ne la quitterai pas, jusqu'à parvenir à trouver une autre malédiction qui me permettrait d'être plus vivant que maintenant, et vivre notre amour séculaire quand Cornelia et Gaïus avaient échangé leurs promesses, secrètement, à l'ombre du Forum.
Le ciel s'éclaircit dehors, et je m'affaiblis, irrémédiablement, perdant cette substance contrefaisant la vie. Je lançai un dernier regard sur cette jeune femme que j'avais étreint si passionnément. Jusqu'à disparaître, retourné au néant.
La brune se réveilla, désorientée, au milieu de ses draps chiffonnés et moites, de sa nuisette déchirée, de son plaisir qui s'évanouissait dans les premières lueurs du matin. Elle avait mal dormi, avait l'impression de se réveiller comme après une nuit d'amour. Elle frissonna et s'enveloppa de ses mains, effleurant les marques douloureuses sur ses côtes, les marbrures de son visage. Elle était si fatiguée, et elle avait mal partout. La brune rattrape ses draps, sen recouvrit et se rallongea avec l'impression désagréable de ne pas être seule dans sa chambre silencieuse.