A papa !

En écrivant ce début, je savais que j'en prenais pour cinq cents pages à la conter. Or je ne voulais plus écrire de fictions qui allaient me couper de la vraie vie pendant plusieurs mois, m'enfermer avec des personnages de papier dans un huit clos obsessionnel et un investissement épuisant. Comme, je me limitais plus qu'à des écrits de deux pages, il fallait faire court, très court.

Je n'ai jamais connu mon père, mais l'annotation au dos de la photo ne laissait guère d'ambiguïté sur l'identité du poseur au sourire satisfait de conquérant-occupant. Je savais que mon père était sorti cul de jatte de cette guerre… eh, ça peut arriver à n'importe qui… mais qu'il fut en plus nazi, c'était assez lourd à porter comme consanguinité. Imaginez dans une soirée mondaine.

-         Il faisait quoi votre géniteur ?

-         Il était SS pendant la guerre, cul jatte après.

Il y aura toujours un caustique dans la tablée pour lancer un « Bien fait ! » Les gens ne respectent plus rien.

J'avoue nonobstant, que ce n'est pas très valorisant comme image paternel, mais toutefois, effet garanti sur les convives. Les uns me prenant pour un gros mytho irrévérencieux provocateur, les autres simulant de ne rien avoir entendu, c'est pire.

De toute façon, il serait étonnant que j'accroche encore la petite brunette au sourire engagent d'arrivée et qui affiche, à présent, une moue dégoûtée comme si elle mangeait des insectes pas assez cuits.

Heureusement qu'Hitler n'a pas eu d'enfant, avec le bol que j'ai, ce serait tombé sur moi.

J'entends déjà d'ici les railleries de mes potes. « Tu devrais arrêter de porter la barbe pour ressembler à ta mère et ne garder que de petites moustaches pour ne pas faire de jaloux. »

Donc par fainéantise, je n'écrirai pas ce roman qui ne m'aurait apporté que des déboires et aurait auréolé ma renommée naissante d'un voile triste et sombre d'ostracisme.

On ne choisit pas son père, ce serait trop facile, on deviendrait tous les enfants illégitimes de l'abbé Pierre.

A ce sujet, j'aime bien la phrase de Béatrice Dalle "Quitte à avoir un père autant qu'il s'appelle Gabin" Sa fille, Florence Moncorgé-Gabin la reprendra pour écrire la biographie de son Gabin de père. Bon je n'ai pas lu le bouquin, je ne pourrais donc pas en parler, mais en fouillant dans les affaires de ma mère, j'ai découvert une photo dédicacée par J.C. Brialy avec l'annotation « A Ginette, avec toute mon affection. » Il y a matière à investigation, non ? J'ai déjà le titre : « Quitte à avoir un père autant avoir un homo. »

Stop ! J'ai épuisé mon quota.