Ah, le joli mot de mais

petisaintleu

Ah, le « Mais… », cette jolie conjonction de coordination. On pourrait dire « Toutefois, cependant, néanmoins ». Eh bien non ! Invariablement, comme le muguet en son mois homonyme, c'est elle et elle seule qui fleurit. Méfiez-vous de cette douce sonorité tout comme de la liliacée qui cache une beauté mortifère.

Mais où e(s)t donc Ornicar qui le ferait taire pour me tendre ses bras et m'accueillir en son sein ?

Ah, ce « Mais » qui, comme une bonne vieille recette de plat recuit qui garde toute sa saveur, se décline à toutes les sauces :

-          Mais Monsieur, vous êtes trop vieux.

-    Mais Madame, vous n'avez pas assez d'expérience (repassez dans quelques années, on vous la fera à l'envers).

-          Mais Madame, vous êtes trop chère (je ne sais pas pourquoi, mais, l'image de Coke en stock me saute à la figure).

-          Mais Monsieur, vous avez changé trop souvent. C'est un signe d'instabilité (dixit le recruteur qui il y dix ans était venu me débaucher et qui sur Linkedin présente un CV long comme mon bras).

-          Mais Madame, vous êtes restée dix-huit ans dans la même entreprise, preuve que vous ne savez pas prendre de risque et saisir les opportunités.

Ô mais, suspends ton vol, l'espace d'un instant, avant que ton couperet ne vienne éteindre mes espoirs. Laisse-moi croire que je vais sortir du tunnel et retrouver le monde des vivants.

Ce mais, cet alibi en béton, ce gouffre de néant, ce champion de la subjectivité, ce fourre-tout, ce cancer syllabique, pour masquer l'abyssale incapacité à expliquer le pourquoi du comment.

Ce petit « Mais », comme une torture chinoise, qui s'insinue dans votre esprit et vient accompagner vos nuits. Les « Mais » se mêlent alors aux « Behhh » pour former un panurgisme. Je fais la crêpe sous ma couette, haletant des « Mayday » pour enfin être entendu.

Moi aussi, je pourrais user de cette rhétorique :

-          Mais Madame, voyez-vous, dans un mois je suis à la rue. J'accepterais donc avec grand plaisir de m'abaisser à faire mes soixante heures hebdomadaire sans piper mot.

-          Mais Monsieur, je vous propose du caviar au prix des œufs de lompes.

-            Mais Madame, fort de mon expérience, je me ferais un plaisir de vous apporter le fruit de mon savoir-faire.

-          Mais Monsieur, à cinquante ans, je suis encore en mesure de connecter mon cerveau à mon cervelet, de me challenger et d'apprendre.

-          Mais Madame, vous rirez moins d'ici une vingtaine d'années (et, croyez en mon grand âge, ça passe très vite), quand vous vous prendrez à l'envi des « Mais » dans la tronche.

Mais, je me tais.

  • Mais, il n'est pas mal ce texte !

    · Il y a environ 5 ans ·
    Chaton souris

    missmad

  • Cela me rappelle un autre mot : "Beau", c'est beau ! en 5ème, notre professeur de français nous rabâchait, à longueur de temps, de trouver un autre adjectif, elle n'avait pas tort ! Cela m'est resté et je fais un effort de temps à autre...
    Il y a aussi, par exemple, le "à couper le souffle", les présentatrices du journal TV. ou autres journalistes sortent régulièrement cette petite phrase, devant un paysage et cela m'agace prodigieusement. On pourrait dire : un divin paysage ou un paysage qui va vous enchanter, plus simplement un paysage magnifique, merveilleux, un paysage de rêve...ce n'est pas très original, je l'avoue, mais ça changerait ! Je n'y peux rien, a force, le souffle me manque...

    · Il y a environ 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Je me suis un peu éloignée du sujet...

      · Il y a environ 5 ans ·
      Louve blanche

      Louve

    • Pas grave, j'ai l'habitude. Ca fait des plombes que les recruteurs sont éloignés du sujet, ma personne en l’occurrence. Je m'en remettrai.

      · Il y a environ 5 ans ·
      Cp2

      petisaintleu

  • Combien j'ai entendu de "mais" à Pôle Emploi à 50 ans avant d'entendre des "pas"..."vous ne rentrez pas dans la case", "vous ne devriez pas être là", "vous n'avez pas droit à"...
    Courage!

    · Il y a environ 5 ans ·
    Img 1518

    divina-bonitas

    • Merci, mais le courage, non, l'espoir, est dans le rétroviseur.

      · Il y a environ 5 ans ·
      Cp2

      petisaintleu

  • Le "en même temps" devient très mode et devrait être le supplétif d'une nouvelle génération.

    · Il y a environ 5 ans ·
    Chainon manquant

    dechainons-nous

    • Ah, quel andouille ! Je n'ai pas penser à faire un lien.

      · Il y a environ 5 ans ·
      Cp2

      petisaintleu

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