Alcool, pisse et spermatozoïdes

zoetrop

« C’est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S’il se passe un truc moche, on boit pour essayer de l’oublier ; s’il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter, et s’il ne se passe rien, on boit pour qu’il se passe quelque chose. »

Charles Bukowski

« Les hommes ne servent à rien, si ce n’est, à l’heure actuelle, à reproduire l’espèce. »

Michel Houellebecq

Ce matin, quand je suis sorti de mon rêve et que j’ai ouvert les yeux, j’étais en train de pisser dans mon caleçon. Malheureusement, cette nuit-là, j’ai dormi dans un lit. Et accessoirement, avec une meuf à côté de moi. Normalement, je me débrouille pour dormir sur le canapé ou le tapis d’un mec trop bourré pour me dire non. Et sinon dans la rue. J’aime bien m’endormir sur un banc. Mais là, c’était vraiment du cinq étoiles. Lit deux places,  6m² de matelas, 4 oreillers, et une meuf à poil pour compléter le tableau. Ah oui ! et moi qui pisse sur le tableau. C’était la première fois qu’un truc comme ça m’arrivait depuis que j’étais plus gosse. Et je peux vous garantir que ce n’est pas exactement le genre de réveil qui donne envie de devenir un jeune cadre dynamique. Je n’ai pas aimé du tout. La fille non plus. Sauf que moi, j’étais encore bourré.

« Ouah ! Mais t’es un dingue toi !  Ouah ! Mais t’es un dingue ma parole ! elle n’arrêtait pas de crier.

-          Eheh… Eheh… je lui ai répondu.

-          Mais putain t’es dingue !

-          Eheh… »

J’étais encore bourré, forcément. Elle est sortie du lit, a mis ses pantoufles en mode vénère et est parti dans la salle de bain. Je suis resté quelques minutes à me rouler dans le lit juste histoire de saccager ses draps et je suis sorti dans la rue en lui lançant un sordide « hasta la vista pisseuse ! ». Je sais, c’est naze, mais j’étais encore bourré merde !

Toi lecteur ! Je me demande bien ce que tu glandes encore là. Je viens de pisser dans le lit d’une meuf que je ne connais pas et toi tu veux connaître la suite ? Désolé de te décevoir mais il n’y en a pas. Il y a 15 minutes, je pissais dans le lit d’une inconnue et là je bouffe des nems dans un resto chinois à deux pas de chez elle. Tu vois un lien ? Une histoire ? Une intrigue peut-être ? Non. Je suis assis à une table, le mur blanc tombe en morceau, un chintok me regarde en mangeant son riz cantonais et j’écris sur un cahier vert couvert de tâches blanches. Tu n’apprendras rien sur le futur, je peux te le garantir. Je n’ai rien d’exceptionnel à faire partager non plus mais j’ai besoin d’écrire quelque chose, n’importe quoi. Ca m’aide à dessaouler. En fait, je suis comme tout le monde. Je n’ai pas grand-chose d’intéressant à dire. Je vis comme si je ne connaissais pas ma date de mort. Mais je sais qu’en un éclair, toi, moi, nous tous, on sera crevé, exactement comme toutes les anciennes hippies célibataires qu’on voit faire leurs courses dans les magasins bios. On l’est surement déjà tous (crevé je veux dire) et on n’est même pas foutu de le remarquer. Alors voila, si tu veux dégager, dégage, et si tu veux rester, je peux te parler de ma soirée d’hier. Une soirée comme les autres où j’ai bu autant de litres d’alcool qu’une personne normale est censé boire d’eau en une semaine. Tu vois ça commence bien.

A vrai dire, je serai toi, je dégagerai. Mais je ne suis pas toi. Encore heureux ! Eheh…

Hier donc. J’étais en train de me siffler une bière pour passer le temps. Ca faisait déjà un bon moment que je passais le temps car j’en étais à mon 2ème pack de 6. Je ne suis pas comme tous les autres mabouls de mon école qui attendent les soirées pour se saouler. 13h réveil, 13h01 bière. Je suis comme ça. Mon cours de ce matin ? C’est le passé. Mon cours de cet après-midi ? C’est le futur merde ! L’un ne me concerne plus, l’autre ne me concerne pas encore. 13h07, bière. Oui, la première est rapide. Il faut se remette en selle comme on dit. J’ai mis un cd des Talking Heads dans ma chaîne. Piste 2, Heaven.

« Heaven,

heaven is a place,

a place where nothing,

nothing never happens ».

Au poil.

J’étais donc en train de descendre ma 8ème ou 9ème bière, je ne sais plus très bien, quand Marc s’est pointé. Il m’a passé les documents du cours de ce matin. Il suffit d’imprimer n’importe quoi sur une feuille blanche, d’y mettre un logo en forme d’animal féroce, quelques couleurs criardes qui bousillent la rétine, un nom un peu sérieux voire pompeux, et ta feuille blanche devient une feuille de première importance.

« Tiens gars ! C’est le polycopié du cours de business strategy. Me remercie pas.

-          Tu viens de dire le mot polycopié ?

-          Ouais le polycopié du cours quoi…

-          T’es vraiment trop con. »

C’est ce qu’on nous apprend en école de commerce : à tout prendre au sérieux. Ta vie, ton projet professionnel, ton réseau, ton image, ton style vestimentaire, ta coupe de cheveux, ta façon de dire polycopié, tes cartes de visites, ta poignée de main, ta manière de lancer à chaque pèlerin que tu croises « bonjour, comment ça va ? » comme si t’en avais quelque chose à foutre. On fait de toi une œuvre d’art, un véritable chef d’œuvre sur pattes qui peut se permettre d’arnaquer les gens, le monde, les animaux, les insectes, les vers de terre et surtout soi-même. Dans un futur proche, ça ne me choquerait pas qu’on invente un master « Négociation commerciale avec les extraterrestres ». Toujours avoir une longueur d’avance hein ?

« Salut bande de terriens minables, on vient tous vous détruire !

-          Bonjour l’ami ! Comment ça va ? Tenez, ma carte de visite. Ca vous intéresse des cafetières qui font radio ?

-          Euh… attendez une minute j’en parle à mon chef. Kink ink ink ink kink ink kamink … ink ink … ok on va vous en prendre 10 millions.

-          Marché conclu. Paiement comptant ou à crédit ?

-          Mais attendez, c’est quoi une cafetière ? »

Si c’était à nous d’envahir une autre planète, par exemple mars, on s’y prendrait beaucoup mieux que n’importe extraterrestre lambda. On dirait bonjour poliment, on ferait une petite courbette et au bout d’un moment on aurait tous nos produits dans leurs rayons de magasin et on serait installé peinard au sein de leur gouvernement ou dans leur maisons à baiser leurs femmes à tentacules. On serait des extramartiens du tonnerre. Et des putains de faux-cul. Pas comme la majorité des extraterrestres qui viennent détruire la terre et qui ne le cachent pas. Merde ! Plus de bière !

« Tu veux pas aller acheter une bouteille de Whisky ? Non prends en deux plutôt, et avec du Coca.

-          P’tain ! Tu pourrais te bouger le cul ! T’as rien foutu de ta journée, je te ramène tes polycopiés et en plus tu veux que j’aille faire tes courses !

-          Tiens v’la un billet de 50 euros.

-          Ah ! si c’est toi qu’invite c’est différent.

-          J’ai pas dit que j’t’invitais, j’t’ai juste filé un billet pour que t’aille acheter de quoi boire… après tu comprends c’que tu veux…

-          Ok j’y vais ! j’y vais ! T’es vraiment une feignasse mec ! »

Marc s’est tiré. Pas de pourboire pour la course, il ne faut pas rêver. Il a fait rapidement, même pas eu le temps de me masturber en bonne et due forme.

« Pourquoi t’es en caleçon ?

-          Je changeais de pantalon.

-          Ah ouais ? Et pourquoi aujourd’hui alors que tu portes le même depuis 10 jours ?

-          Je mets toujours celui là les jours d’open bar. Il résiste à tout. »

J’aimais bien Marc. Un type dont le physique colle parfaitement à son empreinte spirituelle. Vous permettez que j’utilise le terme empreinte spirituelle ? Cheveux courts façonnés au gel, petits yeux marron qui n’en disent pas trop. Il aimait bien les gens, et surtout les filles. A chaque fois, c’est lui qui invitait tout le monde aux soirées. Comme aujourd’hui, où une dizaine de personnes se sont pointées chez moi pour le before avant d’aller à l’OB (open bar pour les non initiés). Chacun avait amené avec lui de quoi étancher sa soif et surtout ma soif. Comme d’habitude, il avait invité presque que des personnes avec des seins. Je le disais il y a deux secondes, il aime bien les filles. Et elles aussi l’aimaient bien d’ailleurs. Mais en général c’est avec moi qu’elles baisaient. Il ne m’en voulait pas trop car je ne faisais rien pour en arriver là. Ca se passait de cette façon à chaque fois. Les filles sont comme ça, elles préfèrent un mec odieux avec du caractère qu’un mec sympa avec légèrement moins de caractère.

En faisant un balayage de la salle, j’ai tout de suite repéré cette fille. Tous ses amis l’appelaient Nora et c’était la première fois que je la voyais. Elle était petite mais paraissait plus grande que toutes les autres. Surement à cause de son corps qui était la proportion à l’état pur. Et je ne parle pas de ses jambes - enfin si en fait - qui étaient excitantes au possible dans cette petite robe noire. Elle avait la peau très blanche, les cheveux très noirs, et des yeux verts cristallin dont le point commun était qu’ils étaient impénétrables. Elle parlait avec ses amis et m’offrait son profil et le croisement de ses jambes sans le savoir. Je ne pouvais pas décrocher de son visage. Ses muscles s’articulaient comme les danseuses d’un ballet pour la faire parler, rire et cligner des yeux. Le lac des cygnes paraissait minable à côté.

J’ai continué de boire des bières et du Whisky Coca en la regardant. J’attendais qu’elle vienne s’asseoir à côté de moi. A la place, j’avais le droit à Marc qui venait me voir dés qu’il avait finit de parler avec une fille pour me dire qu’elle était magnifique et que c’était sa nouvelle cible pour la soirée.

« Oh ! Je viens de parler à cette fille, Marine. Tu la vois là-bas à côté de la télé ?

-          Oui.

-          Tu la trouves pas trop belle ?

-          Trop, non.

-          Ah mec ! Elle est vraiment belle. Et mystérieuse aussi… elle a un truc tu vois ! »

Je l’écoutais et puis au bout d’un moment j’ai arrêté de l’écouter. Il continuait à déblatérer sur les filles présentes à la soirée, m’exposait son top 5 et ne remarquait même pas que je ne l’écoutais plus. Son visage était rouge à cause de l’alcool et il avalait pas mal des mots qu’il essayait de prononcer. Il était content d’être là. Les soirées, il aimait bien, il pouvait rencontrer des filles et aller leur parler. Il trouvait ça bizarre de le faire dans les couloirs de l’école alors quand il y avait une soirée, il en profitait à fond pour en rencontrer un maximum à qui il pourrait ensuite dire bonjour à l’école, que ce soit en salle de cours, dans la queue de la cafétéria, dans la bibliothèque ou devant la photocopieuse. C’était surement le mec qui connaissait le plus de meufs à l’école. Il ne pouvait pas faire un pas sans faire la bise à l’une d’elles. A vrai dire, je ne sais pas si sa stratégie était la bonne. Dans le jargon qu’on essayait de nous transmettre à l’école, on aurait dit qu’il était un peu trop diversifié. Sinon on pouvait simplement dire qu’il essayait de bouffer à tous les râteliers. Mais on ne pouvait pas le lui reprocher car une vie sur Terre, ça passe vite.  

Une fille s’est assise à côté de moi et je me suis servi un Whisky Coca. Je la connaissais un peu, elle s’appelait Katherine. Oui, je suis sérieux. Elle était grande et mince, avait des dreadlocks, un piercing dans le nez et des yeux bleus très clairs. On se ressemblait un peu car nos parents étaient riches et nous avaient tous les deux tracé nos chemins jusqu’en école de commerce. Ils nous payaient nos études. Je ne comprenais pas pourquoi les gens étaient prêts à s’endetter à hauteur de deux briques auprès des banques pour payer eux-mêmes leurs études. Avec deux briques on peut vivre des années, tranquille, près d’un lac, à boire des bières et à pêcher. Ou alors on pouvait vivre 547 années dans la rue en se payant 2 surimis par jour. Nos parents nous payaient aussi un appart en plein centre ville. Sauf que moi, j’étais rarement chez moi, je préférais être dans la rue ou chez les autres. Katherine, elle, était la plupart du temps chez elle. En dehors des cours et des soirées, on la voyait très rarement. Pas comme la plupart des gens qui passent leurs journées à glander dans les couloirs de l’école. Elle s’occupait de son chat, Bobby, cuisinait des repas diététiques, lisait des livres de science fiction et fumait. Elle n’arrêtait pas de fumer, soit des joints, soit des cigarettes roulées. Et en l’occurrence, elle fumait un magnifique pétard. 

«  Qui dit thyrambique ? » Parmi tous ses jeux de mots, c’était mon préféré.

« Mon cul ! j’ai répondu. » Parmi toutes mes blagues c’était sa préférée, enfin je pense.

« AHAH ! Bonne réponse ! »

Elle m’a passé le joint et j’ai fumé un peu. De la vrai merde mais bon.

« Alors t’as toujours pas quitté l’école à c’que j’vois !

-          Non pas encore.

-          Mais ça fait combien de temps que tu dis que tu vas la quitter ?

-          A peu près depuis qu’j’y suis.

-          Et pourquoi tu l’fais pas ?

-          J’attends d’être à deux doigts d’avoir mon diplôme. J’imagine déjà la tête de mon paternel. Eheh…

-          Tu connais vraiment pas la piété filiale toi ! »

C’était surement une référence à un concept mais je n’ai pas compris.

Tout le monde a commencé à quitter l’appart pour se rendre à l’OB. Je n’avais pas lâché Nora des yeux depuis le début de la soirée. Elle n’était pas venu me parler et avait à peine jeté un regard de mon côté. Soit elle n’avait pas remarqué que je la fixais, soit elle voulait me rendre fou. Pour la folie, ça faisait déjà bien longtemps que je baignais dedans mais je crois que les possibilités d’évolution dans ce domaine sont infinies. Bref, la soirée allait être longue. J’ai pris la bouteille de Whisky Coca et je suis sorti dans la rue. Il faisait nuit, le ciel était dégagé et on pouvait y voir une flopée d’étoiles formant des images plus ou moins obscènes dans ma tête. Tout le monde était ivre et se réjouissait en avance de ce qu’il allait vivre cette nuit avant de s’endormir. J’ai fini le Whisky Coca cul sec et j’ai jeté la bouteille sur une parcelle d’herbe en dessous de laquelle des centaines de vers de terre étaient sûrement en train de copuler, leurs corps nus au contact de la terre.

Ensuite, on a pris le métro pour rejoindre la boîte de nuit. On n’était pas si éloigné que ça des vers de terre après tout. Marc était rouge comme un cul de babouin. Il parlait avec Katherine, ou plutôt il l’écoutait, et avait le regard fixé sur ses yeux, à moitié pour montrer qu’il était intéressé par ce qu’elle disait et à moitié parce qu’il était complètement torché.

Jean, un mec de notre bande, était le plus bourré de nous tous ce soir. Il n’est pas du genre à boire souvent et il est convaincu qu’il encaisse bien l’alcool. Alors logiquement, il se retrouve dans le métro vers 23h, entre les mamans qui rentrent de leur cours de fitness d’un côté et les banquiers qui viennent de finir de bosser de l’autre, à déblatérer les pires conneries, à se faire prendre pour un con par ses potes et à chanter une vieille chanson paillarde qui parle de queues dans le ciel. Ou d’avions, je n’ai pas très bien pigé. Bref, tous les passagers du métro l’observaient silencieusement et même s’il passait pour un con, la plupart aurait bien aimé être à sa place, bourré comme un coin de table mais libéré de tout. En tout cas, ils en avaient tous clairement besoin.

On est descendu du métro et on s’est fait aborder par un clochard. Le gars avait l’air cool mais un mec de notre bande, Flo, a commencé à lui gueuler dessus.

« NON ! J’ai rien à te filer ! Dégage de là !

-          Donnez-moi une petite gorgée les jeunes. »

Flo était un catholico-conservateur-100%-bourgeois-petit-fils-à-papa qui aimait bien ouvrir sa gueule et crier haut et fort, juste pour faire mousser son égo, ses positions tranchées du genre « je suis pas homophobe mais je suis contre le mariage homosexuel » ou encore « il faut s’élever contre le politiquement correct, Le Pen il a fait des choses bien aussi ». Va te faire prendre par Satan mec ! C’est parti tout seul. Bref, il avait beau être catholique, il ne connaissait pas le partage. Ou peut-être avait-il juste peur de se faire contaminer si le clochard buvait dans la bouteille de Vodka pure qu’il tenait dans sa main. Au fond de moi, je suis persuadé que s’il s’était retrouvé seul dans une ruelle devant ce clochard, il lui aurait fait gicler ses boyaux avec un petit canif. Il y a une foule de choses qui peuvent mener à liquider un clochard mais dans son cas c’était évident : le clochard était un paradoxe qu’il n’arrivait pas à résoudre, alors il le supprimerait s’il en avait l’occasion. La haine des pauvres et le partage font mauvais ménage.

« Je t’ai dit de dégager sale clodo !

-          Ah merde ! File-lui de la Vodka s’il veut d’la Vodka ! cria Jean, complètement Torché (oui avec un grand T et alors !), en prenant la bouteille de Vodka des mains de Flo.

-          Rends-moi cette bouteille pov’ con !

-          Nan j’la file au clodo ! Mais seulement si tu la bois cul-sec mec ! AHAH »

Jean avait encore la vivacité d’esprit de faire de l’humour. Après avoir explosé de rire, il s’est tourné vers nous mais le clochard a réussit à lui prendre la bouteille des mains et il l’a bu silencieusement jusqu’à la dernière goutte. Il a refilé la bouteille vide à Jean et est repartit d’où il venait, me laissant dans une stupeur abasourdie et teintée de tristesse pour cet homme que je ne connaissais pas.

Après un léger moment de flottement, nous nous somme faufilés vers la file d’attente de la boîte de nuit. Toutes les personnes qui attendaient pour rentrer venaient de notre école. Tous avaient l’air aussi bourrés que nous, sauf certaines filles. Je me demande comment elles faisaient pour supporter ça. Rien de pire que d’être sobre parmi les pochtrons. Dans ce genre de moment t’as l’impression d’être le seul à tourner rond. Comme si un grain de sable avait foutu en l’air la fabuleuse mécanique humaine de tous tes camarades pour laisser apparaître vraiment ce qu’ils étaient au fond d’eux. En gros, c’était moche à voir.

Nora était en train de parler à un mec de ma classe que j’aimais bien mais qui immédiatement m’a paru très désagréable. Les véritables motivations qui amènent deux personnes à discuter ensemble sont souvent différentes pour chacune d’elles. D’ailleurs, presque tout le temps, les gens parlent ensemble pour les mauvaises raisons. Du coup, ça finit souvent mal et un jour on arrête de se parler. C’est pour ça que je ne parle pas trop aux gens en général et quand je dis quelque chose c’est soit pour demander de l’alcool soit pour prévenir les gens de pas trop me parler. Nora, elle, a vraiment l’air d’une fille sociable et gentille. Comment aurait-elle pu être attirée par moi ? Ou même me remarquer ? C’est à ça que je pensais, dans cette file d’attente, en regardant son cul.

On a attendu comme ça quelques minutes et ensuite on est rentré. J’ai sauté la case vestiaire, car en OB je préfère voyager léger. Je ne suis jamais certain de retrouver le chemin du vestiaire à la fin de la soirée. Ni le chemin de chez moi d’ailleurs. Ce qui est « marrant », entre guillemets car pour beaucoup de personnes ça peut paraître tout sauf marrant, c’est que dés ton premier pas dans le sas de la boîte tu piges tout de suite dans quel pétrin tu vas finir. La musique et les cris te parviennent illico aux oreilles comme un appel à la défonce. T’as comme l’impression d’être à des kilomètres sous terre, devant une porte sur laquelle est cloué une pancarte avec un petit écriteau dégoulinant couleur rouge sang : « Entrée de l’enfer. Ne frappez pas avant d’entrer ». Et moi, comme tout gars bourré qui se respecte, je fonce. Et surtout je ne frappe pas avant d’entrer.

C’est là que le tableau diabolique commence à prendre forme devant les yeux de chaque être vivant - ou presque vivant - qui ose franchir le seuil de cette porte. Toutes les personnes que tu croises sont métamorphosées. Physiquement d’abord. Les yeux injectés, soit de sang soit d’alcool, le plus souvent des deux. Les fringues dégueulasses, allégrement imbibés d’alcool en tout genre, même pour les filles qui avaient fait l’effort de s’habiller classe. La démarche aléatoire et confuse comme si personne ne savait plus où ni comment se diriger. Certains avaient déjà dépassé ce stade et étaient naïvement couchés sur les marches d’escalier, leurs amis essayant de prendre soin d’eux tout en évitant de se faire vomir dessus. Délicate tâche.

Je pensais aller boire un godet mais un mec qui me regarde à peine dans les yeux en salle de cours est venu me parler.

« Hé ! Whaf ! Whaf ! Ca va mec ? T’as vu je suis déguisé en chien ?!

-          Ouais. Très stylé.

-          Tu veux que je te fasse le chien en rut ?

-          C’est cool mais non merci. »

Mais il était déjà à quatre pattes en train de renifler par terre. Puis il a commencé à coller ma jambe et à mimer l’acte de copulation canin. Puis il s’est relevé d’un coup.

« Yeah ! Enorme mec ! Je t’ai baisé la jambe comme un chien en rut !

-          Ecoute, je vais aller boire un verre je crois.

-          Ouais mec ! Ce soir on va être minable ! La grosse cartouche ! Whaf ! Whaf !

-          Ouais. »

J’ai lâché le pauvre type et me suis dirigé vers le bar le plus proche. Celui de l’étage, loin de la piste de danse. Au moins, ceux qui venaient à ce bar savaient pourquoi ils étaient venus. Pas pour se rafraichir entre deux danses mais pour boire, un point c’est tout.

Je ne venais pas ici pour parler aux gens. Je l’ai déjà dit, je n’aime pas trop ça. D’ailleurs je détestais à peu près tout le monde ici. Sauf les serveurs. Eux, ils avaient droit à une place à part. Un serveur qui te demande ce que tu veux boire, c’est comme un génie qui sort de sa lampe. Tant qu’il exauce mes veux, qu’il me sert en vitesse et qu’il charge bien mes verres, le mec peut bien être comme il veut.

J’étais finalement accoudé au bar, à siroter un verre de Whisky Coca. Je n’avais pas le courage d’aller jusqu’au fumoir alors j’ai allumé une cigarette que je sortais de dessous le bar juste pour tirer dessus. Il y a des moments où je ne me sens pas à ma place, même beaucoup de moments, mais là, maintenant, j’étais à l’endroit où il fallait que je sois. Boire et fumer, de quoi un homme avait-il besoin d’autres après tout ? Et là j’ai repensé à Nora. Je ne l’avais pas revu depuis que j’étais rentré dans la boîte. Que pouvait-elle bien faire ? Dansait-elle sur la scène ? Avec un autre mec ? Buvait-elle un verre à un autre bar ? Que pouvait-elle bien boire d’ailleurs ? Whisky Coca ou Vodka pomme ? Ou peut-être du Rhum ? Peut-être était-elle au fumoir ? Mais fumait-elle au moins ? Je ne l’ai pas vu fumer depuis le début de la soirée.

Pendant que je réfléchissais à tout ça, un mec - ou bien une fille je ne sais pas trop - s’est posé à côté de moi et a commandé un verre au serveur. Il/elle portait une combinaison intégrale opaque de couleur violet qui recouvrait tout son corps. On aurait dit une momie moderne ou une sorte de Power Ranger au chômage. C’était probablement « il » car il y avait un relief au niveau de son sexe. Il ne voyait probablement pas grand-chose mais il a quand même réussi à prendre dans sa main le verre qu’on lui tendait. Il a commencé à boire à travers sa combinaison mais le contenu du verre - un Whisky Coca je crois - ne faisait qu’agrandir la tâche qu’il avait sur sa combinaison, et qui s’étendait de sa bouche jusqu’à son entre jambes. Un peu plus loin, un videur a commencé à regarder le type d’un mauvais œil. Je crois qu’il n’avait jamais vu ça dans sa boîte. J’ai écrasé ma clope sur le bar au cas où il se serait ramené vers nous. Finalement, il a esquissé un petit sourire en coin et est reparti dans la direction opposé. Le Power Ranger a alors vidé son verre, est resté figé quelques secondes, puis s’est tourné vers moi et a essayé de me dire quelque chose.

« Mmhhh… lammmhhh… coummmmhhh…

-          Je capte rien à ce que tu dis vieux mais je suis fichtrement d’accord avec toi !

-          Mmhhh… lammMHHH… COUMMMHHH ! »

Il a commencé à crier sous sa combinaison puis s’est mis à danser devant moi comme un dément, en agitant les bras et en rebondissant sur ses jambes d’avant en arrière. Il bousculait tout le monde et des gens lui jetaient des verres dessus. Finalement, il est reparti en marchant et en tâtant les murs pour se diriger vers une nouvelle aventure. Peut-être qu’on se connaissait. Peut-être pas. Il aurait fallu qu’il vomisse dans sa combinaison pour vérifier.

Après ça, j’ai demandé quatre Whisky Coca au serveur. Je les ai bus tranquillement pendant qu’un groupe de gars à côté de moi faisaient un jeu pour boire. Il n’y a que des bons prétextes pour boire. C’est ce qu’on apprend dans un endroit comme ça. Ils m’ont invité à faire une partie avec eux. J’ai perdu et j’ai bu le verre cul-sec. Ensuite j’ai quitté le bar, un peu à contrecœur, pour essayer de retrouver Nora. Ici, tu pouvais passer ta soirée à chercher une personne sans la trouver. Par contre, tu rencontrais des dizaines de personnes que tu connaissais et que t’aurais préféré ne pas croiser. Le monde est mal fait mais c’est comme ça. Si je voulais la trouver, j’allais devoir procéder stratégiquement.

Je commençais à être bien ivre, ou peut-être l’étais-je déjà depuis un certain temps. Je ne pouvais le dire. J’ai aperçu la tête de Marc dans la foule et je me suis dirigé vers lui. Il pourrait surement m’aider avec son radar à meufs incorporé. D’ailleurs, il était avec une fille. Surprenant. Je me suis posé juste à côté d’eux, le long d’une rambarde, en attendant qu’il finisse leur conversation.

Marc : Tu dois vraiment apprendre à savoir ce que tu veux. Tu feras rien sans ça.

La fille : Oui je comprends. Mais c’est pas évident quand t’es en 1ère année d’école.

Marc : Ouais. T’as raison. En 1ère année, on était tous comme ça. Et puis après, il y a les séjours à l’étranger et les stages. T’en apprends beaucoup sur toi.

La fille : Oui, j’imagine. Ça doit tellement être génial de partir à l’étranger !

Marc : Ouais. Ça m’a vraiment permis de m’ouvrir au monde. Et quand tu fais tes stages ensuite, tu es beaucoup plus mature et du coup c’est beaucoup plus…

Musique : Boum ! Boum ! Boum !

La fille : Beaucoup plus quoi ?

Marc : Professionnalisant.

La fille : Ah ! Ok !

Marc : Ouais.

La musique : Boum ! Boum ! Boum !

Marc : Et sinon c’est marrant, à l’école t’as l’air hyper sérieuse, même un peu froide, mais au fond de toi ça se voit que t’aimes bien t’amuser et faire n’importe quoi. C’est pas vrai ?

(C’est à ce moment précis, je crois, que j’ai décidé d’intervenir)

Moi : Hé ! Marc ! Comment ça s’passe mec ? T’aurais pas vu Nora ? J’ai trop envie de baiser !

Marc : Aaaah… ça va gros ? Euh… Justine, je te présente…

Musique : Boum ! Boum ! Boum !

Justine : Enchanté.

Moi : Salut. Alors, t’aurais pas vu Nora ?

Marc : La dernière fois que je l’ai vu, elle était sur la piste de danse.

Moi : Il y a combien de temps à peu près ?

Marc : Chai pas trop. C’était y a une heure un truc comme ça.

Moi : Ouais ok. Allez merci mec ! On s’voit plus tard. Bonne bourre !

Marc : Aaaah… euh… ouais.

Je suis allé directement sur la piste de danse à la recherche de Nora. Je voulais vraiment la trouver. Pour lui parler, lui poser des questions, lui prendre la main, lui toucher le corps, l’embrasser, lui faire l’amour. Elle formait une sorte de nébuleuse dans ma tête qui englobait toutes mes pensées et mes gestes. Je parcourais la piste de danse avec le sexe en érection pensant qu’il pourrait m’aiguillonner vers Nora. Les personnes qui dansaient étaient toutes en sueur et faisaient bouger leur corps à mille à l’heure. On aurait dit qu’ils cherchaient à faire une crise cardiaque pour mourir sur la piste. Je me faufilais entre tous ces corps en action. Il n’y avait pas de place pour un mec comme moi, le regard perdu, à la recherche de quelque chose. Je suis passé près d’un couple qui était en train de danser très serré et qui s’embrassait. Je n’ai pas pu m’empêcher de toucher le cul de la fille, bien à l’abri sous sa courte jupe noire.  Elle a continué de danser comme si de rien n’était. J’ai fait la même chose à une autre fille qui dansait avec un mec et je me suis dirigé vers l’entrée de la boîte. Ca faisait plus d’une heure que je déambulais à la recherche de Nora sans aucun succès. J’avais vraiment le sexe dur et une grosse envie de pisser.

Je suis sortie de la salle principale, je suis passé devant les vestiaires et je suis enfin tombé sur elle. Elle marchait toute seule, ou plutôt elle titubait, vers un but qu’elle seule devait connaître. Elle avait surement pas mal bu. Ses jambes étaient encore plus excitantes car elles avaient du mal à soutenir et diriger son corps. Elles semblaient fragiles et prêtes à rompre. Une fragilité qui donne quelques idées. Je me disais que c’était une des filles les plus excitantes que j’avais jamais vu. En fait, je ne me disais peut-être pas ça au moment même mais c’est ce que je me dis maintenant. Elle se dirigeait dans ma direction et je pensais qu’elle allait s’arrêter me parler mais elle est passée sans me regarder et j’ai ressenti une vive pression dans le bas ventre. Elle m’excitait vraiment et le fait qu’elle se permettait de passer à quelques centimètres de moi sans me regarder m’excitait d’autant plus. J’ai remarqué qu’elle était en sueur et que le maquillage de ses yeux commençait à couler. Marc avait surement raison quand il disait l’avoir vu sur la piste de danse. Je me demandais où elle se dirigeait toute seule comme ça.

Je me suis mis à la suivre à deux ou trois mètres derrière elle. Elle avait un cul magnifique, qui remuait délicatement au rythme de ses pas. Sa chevelure, d’un noir très profond, lui tombait à mis-dos et n’arrêtait pas de virevolter. J’avais vraiment envie de lui attraper les bras et de me serrer contre elle. Mais pour le moment, je continuais de la suivre en pensant à tous ces fous qui suivent les filles dans la rue pour les violer, les égorger, ou les violer et les égorger. Mon sexe frottait contre mon jean, et je crois que j’aurais pu éjaculer si on avait continué de marcher encore deux minutes. Mais elle est rentrée dans les toilettes pour filles et je me suis faufilé à sa suite. Elle a ouvert une des portes et je lui ai attrapé le poignet, attendant de voir sa réaction.  Elle s’est retournée d’un coup et m’a regardé. Elle n’avait pas l’air surprise de me voir et m’a jaugé pendant quelques secondes. Puis elle m’a attiré dans la cabine des chiottes et a commencé à m’embrasser. Elle a fourré sa langue dans ma bouche et lui faisait faire des mouvements en spirale. Son haleine empestait le Whisky, la mienne aussi. Je n’arrivais pas à croire que c’était aussi simple que ça. J’avais juste attrapé son poignet et voilà qu’on s’embrassait comme des bêtes dans les toilettes pour filles de la boîte. La sève commençait déjà à monter, mon sexe était dur comme du béton. Heureusement que l’alcool retardait l’éjaculation. J’ai remonté sa robe et ai glissé ma main dans sa culotte tout en continuant de l’embrasser. Elle était déjà toute humide. J’ai rentré un doigt dans sa chatte, un deuxième, puis un troisième. Je l’ai doigté pendant une minute où deux, puis j’ai sorti ma main visqueuse pour lui caresser le gland du clitoris. Elle s’est mise à trembler et à émettre des petits cris aigus. Je crois que j’aurais pu la faire jouir en continuant encore un peu mais elle s’est baissée pour enlever ma ceinture et déboutonner mon jean. Puis elle a pris mon sexe en bouche et elle a commencé à limer. Elle l’avalait presque en entier, et quand il ressortait de sa bouche, il était tout luisant et des filets d’un fluide visqueux, composé de sa bave et du liquide séminal que secrétaient mes glandes de Cowper (j’ai lu ça sur internet il y a quelques jours), coulaient sur le carrelage. J’essayais de me retenir de jouir mais c’était très difficile. Nora s’est alors arrêtée de pomper, s’est relevée et a enlevé sa culotte. Ensuite, elle s’est retournée, a posé ses deux mains contre le mur au-dessus des chiottes, m’a exposé sa croupe et a commencé à crier.

« BAISE-MOI ! VAS-Y PRENDS-MOI ! »

Je me suis exécuté. J’ai pris mon sexe dans ma main droite et l’ai planté en elle. Puis, j’ai limé et limé de toutes mes forces. J’ai empoigné son cul bien ferme avec ma main gauche et j’ai saisi ses cheveux avec ma main droite. Elle gémissait à chacun de mes coups de boutoir. Je me suis demandé si les filles qui venaient pisser, chier ou vomir dans les cabines de chiotte à côté nous entendaient. Le couvercle de la chasse d’eau tremblait à chacune de mes bourrades et Nora cognait le mur avec ses mains. On détruisait tout ce qu’on avait sous la main. Tout en continuant de la harponner avec ma queue, j’ai remarqué que le DJ de la boîte était en train de passer Our Dance de Wax Tailor.

« Thank you for a lovely invitation 

Good night it's been charming

At the turn of the day

When words become syllables

Will you remember our dance? »

Mon sexe était vraiment gonflé à bloc, les veines étaient prêtes à exploser. Je me suis lancé dans la dernière ligne droite. Des gouttes de sueur coulaient le long de mon visage. J’ai raffermi ma prise sur son cul et ses cheveux et j’ai redoublé d’effort. Je faisais rentrer ma bite le plus profondément possible en elle. Je voulais que ma semence reste à jamais en elle.

« OUI CA VIENT ! VAS-Y CONTINUE ! »

Je sentais qu’elle allait venir. Je l’ai ramoné encore. Je me demandais si ma cage thoracique n’allait pas craquer tellement mon cœur battait fort. Nora a commencé à se raidir. La ligne qui allait du bas de son cul jusqu’à sa tête relâchée en arrière formait une courbe magnifique. Je tenais toujours ses cheveux fermement, ce qui me laissait clairement voir le haut de sa nuque. Et là j’ai senti qu’elle jouissait sous mon dard. Elle s’est mise à se tortiller et des gémissements sortaient de sa bouche sans qu’elle puisse contrôler quoi que ce soit. Elle frémissait de plaisir et se mordait le bras. Elle avait les yeux fermés. Peut-être imaginait-elle quelqu’un d’autre à ma place. Mais est-ce que ça changeait quelque chose pour moi ? C’était bien ma bite qui était fourré au fond de sa chatte et qui la faisait jouir. De mon côté, j’avais les yeux bien ouverts et je faisais des allers retours entre sa nuque, essayant de me représenter les altérations de son visage causées par la jouissance, et le point de collision entre nos deux sexes. La voir jouir m’a excité encore plus. Je l’ai tambouriné au maximum, je voulais la fendre en deux avec ma bite. Mais je sentais que j’allais jouir aussi. L’idée que ma bite pouvait provoquer des réactions aussi démentes chez une fille déclenchait en moi une sorte de folie dominante et je voulais la voir rentrer dans toutes les chattes, dans tous les culs et dans toutes les bouches de toutes les filles qui vivent sur cette planète et peut-être même bien d’autres planètes aussi. Je voulais toutes les baiser une par une. Mon sexe était la seule partie encore vivante de mon corps, il contenait toute mon énergie, tout mon fluide vital. Il n’y a que lui qui comptait. Je le regardais entrer et sortir en elle comme un conquérant. Est-ce que c’était ma bite qui fendait sa chatte ou sa chatte qui absorbait ma bite ? Ou peut-être moitié-moitié. La seule création purement collective et égalitaire. L’unique mécanisme universel. L’équilibre parfait. L’homme et la femme, la bite et la chatte. J’arrivais au point de non-retour. J’ai durci mon corps encore plus et j’ai regardé Nora. Je l’ai imaginé dans dix ans, dans cent ans, dans un million d’années. Je l’ai imaginé à six pieds sous terre bouffée par les vers de terre. Je l’ai imaginé vieille et je l’ai imaginé adolescente. Je l’ai imaginé se faisant renverser par une voiture. Je l’ai imaginé se faire brûler au moyen âge. Je l’ai imaginé crucifiée sur le Golgotha. Je l’ai imaginé croquant dans une pomme. Je l’ai imaginé en fœtus flottant dans le néant juste avant le Big Bang. C’était une martyre, c’était ma martyre. J’ai craché toute la purée dans sa chatte. J’ai lâché cinq ou six salves bien puissantes qui sont allées s’écraser sur ses parois intérieures. Mon sperme s’est répandu comme un raz de marée aux quatre coins de Nora. Je l’ai souillé de fond en comble de mon liquide morbide. Des milliards de spermatozoïdes allaient vivre et mourir en elle comme les milliards de vers de terre qui vivent et meurent chaque jour sous nos pieds. Les vers de terre représentent 70% de la masse totale de tous les animaux sur Terre mais Nora c’est ma planète et mes spermatozoïdes c’est ses vers de terre à elle. Sans mes spermatozoïdes, il n’y a ni mort ni vie. Et sans eux, Nora ne vit pas. C’est eux, les pionniers, qui vont poser les bases de la nouvelle civilisation intérieure de Nora. Ensuite, ils vont comprendre qu’ils auront besoin d’une descendance pour assurer la suite après leur mort. Ils ne vont donc rien trouver de mieux que de baiser entre eux pour faire éclore les frères et les sœurs qui à leur tour baiseront entre eux au moment venu. Ils ne se croyaient pas capable de baiser, ils pensaient que c’était réserver qu’aux autres, qu’ils n’étaient que des serviteurs de la fornication. Mais moi je savais qu’ils pouvaient le faire, tout le monde peut baiser, et mes spermatozoïdes mieux que personne. Alors de génération en génération, ils travailleront pour faire de Nora le plus bel endroit dans l’univers. Ils inventeront toute sorte de choses, de règles, de lois, de connaissances, de divertissements, d’activités, de domaines, de modes, d’occupations, de pratiques sexuelles, de sophistications, d’arts, de régimes politiques, de morales et de religions. Au début, ils se demanderont s’ils sont sur la bonne voie et au bout d’un certain temps ils arrêteront de se poser la question et ils continueront d’avancer droit devant. Et puis Nora va mourir. Ça sera le début de la fin. Ils retourneront dans le sol, comme tout le monde, près des vers de terre, qui eux, continueront de prospérer encore, jusqu’à ce que la Terre cesse d’exister, bien après que l’humanité ne l’ait quitté pour s’envoler vers d’autres horizons. Ils assisteront, impassible, à la lente destruction de leur civilisation. Et puis un jour, il n’y aura plus rien. Ça sera la fin de leur monde, la fin de tout. Et les derniers descendants de mes spermatozoïdes mourront seuls, loin de tout, en pensant à ces légendes, qui disaient que leurs premiers ancêtres avaient été amenés par leur Dieu dans un lieu magnifique et vierge, appelé Nora, et où il faisait bon vivre.

J’avais gardé mon sexe bien enfoncé en elle pendant deux ou trois minutes pour être sur que mon sperme ne s’échappe pas. Ensuite, je l’ai retiré très lentement de son orifice et un léger filer de sperme a quand même coulé le long de ses cuisses. Je suppose que les dommages collatéraux sont inévitables dans ce genre de cas. J’ai pris Nora dans mes bras et on s’est assis sur la cuvette des chiottes. On a attendu quelques temps comme ça sans dire un mot. Puis, elle s’est levée, a remis sa culotte et est sortie des chiottes sans même me regarder. Je suis resté planté là, seul, avec mes testicules vides. Mais je sentais déjà que mes tubes séminifères étaient à l’œuvre pour renouveler ma population testiculaire. Ou peut-être que les spermatozoïdes qui avaient raté le Grand Voyage vers Nora étaient-ils juste en train de baiser dans chacune de mes couilles pour les remplir. La nature, ça n’aime pas le vide paraît-il. Quoi qu’il en soit, je ressentais déjà de nouveaux êtres frétillant en moi, qui apprenaient d’ores et déjà à se déplacer le plus rapidement possible. Dans l’attente du départ vers un nouveau monde, ils se préparaient, s’entraînaient. Ils n’avaient que très peu de temps, trois jours tout au plus. Et parfois à peine quelques heures. Aussi, certains ne partiront jamais et resteront pour toujours sur leur lieu de naissance. Ils se seront préparés et auront attendu toute leur existence le Grand Voyage, en vain. Ils mourront dans l’ignorance de tous sans avoir pu réalisé ce pour quoi ils étaient destinés. Dans l’ignorance de tous, excepté la mienne, car j’ai conscience de ces êtres et de leur destiné. C’est pourquoi je fais tout mon possible pour que chacun d’eux puisse entreprendre le Grand Voyage. Mais je sais aussi que c’est impossible, car le monde est comme ça. Tout le monde ne peut pas réussir. Ou alors, c’est toute la société qu’il faudrait changer, qu’il faudrait orienter vers un unique et noble objectif : un taux d’accomplissement de 100% de tous les spermatozoïdes, de tous MES spermatozoïdes. Le monde en serait métamorphosé, embelli de l’intérieur dans un premier temps. Mes spermatozoïdes seraient le terreau de la nouvelle civilisation, celle de la Vie. J’arrivais à les imaginer clairement dans mon esprit dans des milliers d’années. Ils mesureront plusieurs mètres et auront des pieds palmés à la place de leur flagelle. Ils envahiront d’abord les océans et en feront leur monde. Puis, dans des millions d’années, quand l’homme aura disparu de la surface de la Terre, l’un d’eux sortira de l’océan pour marcher sur la terre ferme et respirer l’oxygène. Les autres l’imiteront et ils créeront leur monde sur les vestiges de l’humanité. Puis, des extraterrestres passeront par là et se diront que ces êtres sont la seule espèce intelligente à avoir jamais vécu sur Terre. Mais quelle « drôle d’espèce » se diront-ils aussi. Et ensuite, ce seront mes spermatozoïdes évolués qui iront sur d’autres planètes, qui visiteront d’autres galaxies, qui parcourront l’Univers. Ils remonteront le fil du temps jusqu’à l’origine de l’Univers, jusqu’à l’acte de création originel et ils devront décider si tout cela mérite d’exister. Et puisque leur civilisation est celle de la Vie, ils perforeront l’Ovule Universelle pour donner une nouvelle impulsion, un nouvel élan, un nouveau départ à tout. Absolument tout. Tout sera détruit au profit de la Vie. Une destruction créatrice à l’échelle universelle. Ces êtres, que l’évolution aura façonnés depuis des milliards d’années, seront le nouveau sang, la nouvelle terre. Ils seront la base de toute chose. L’Univers, les galaxies, les étoiles, les planètes, les molécules, les atomes, les électrons, les neutrons, les protons et les quarks en seront composé. Ils deviendront la nouvelle matière noire de l’Univers, son âme. Une conscience collective sera là pour tout orchestrer. Et avec un peu de chance, elle pourrait bien s’appeler Nora. Nora sera en chaque chose et chaque chose sera Nora.

C’est à peu près à ce moment là que je me suis réveillé, ce matin, avec un taux d’alcoolémie frisant le jamais vu, en train de pisser dans le lit de cette meuf que je ne connais absolument pas. S’il m’avait resté des spermatozoïdes, peut-être n’aurais-je pas eu à pisser dans son lit. Cependant, je suis certain que quelques spermatozoïdes moins chanceux que les autres ont été propulsés dans le monde réel par un flot de pisse, et doivent s’agiter, au moment où je vous parle, dans une flaque jaune sur un matelas.

Voila, je vous ai tout dit et j’ai bien dessaoulé maintenant. Quand j’aurais fini d’écrire ce paragraphe, je vais bouffer le dernier nem qui reste dans mon assiette, je vais aller pisser, je vais aller payer et je vais rentrer chez moi. Peut-être bien que je vais me siffler quelques bières en attendant que Marc passe chez moi pour faire le débriefing de la soirée. Je pense qu’encore une fois il n’a pas réussi à conclure avec cette fille. Mais ça ne va pas l’empêcher de tout me raconter. De mon côté, j’aimerais bien qu’il m’explique ce que j’ai bien pu foutre pour me retrouver chez cette meuf. Car c’est le black-out total. La dernière chose dont je me souvienne assez clairement, et ça je suis certain de ne pas l’avoir rêvé, c’est l’image de mon sexe qui pénètre en Nora. Et j’avoue que ça, c’était au poil.

Signaler ce texte