Alice

Edgar Fabar

Toi qui vis la nuit infinie
Moi qui rêve sur écran lumineux
Toi qui veux sentir l'absolu
Toi qui craches le feu défendu
Moi qui briserai ta glace, 
Moi qui m'écorche à ta surface Alice

C'est à bord de l'Overspeed
Par une nuit livide, antinaturelle,
que je tombe sur toi
Divine succube aux bottes Camel
Tu décoches la première question
Je suis KO sur un canapé blanc cassé
Et quand je te tends ma Lucky
Tu me lances « junky, n'écoute pas ce qu'on te dit »
Je sais qu'il est trop tard
Tu fumes, de ta bouche absolue
Tu fumes et je rêve
de visions dissolues
des boucles sans fin
où le temps s'évapore
Rien qu'un instant de grâce
précédant le carnage
Tu fais tomber ton dévolu
Qu'instinctivement je rattrape
Désormais tu commandes
Et m'ordonnes.
Dès lors, qui peut comprendre pourquoi
sous ma langue je te place
Et qu'aux premiers effets désirables
Dans la nuit, fugitif en partance,
Je m'exile vers Accoutumance

Toi qui vis la nuit infinie
Moi qui rêve sur écran lumineux
Toi qui veux sentir l'absolu
Toi qui craches le feu défendu 
Moi qui briserai ta glace, 
Moi qui m'écorche à ta surface Alice

Les couleurs, les mois, les heures palissent
Tandis que tu te demandes toujours
Qui, de ton désir adolescent
Ou de ton reflet est le plus flou
Moi, penché sur mon écran fluorescent
J'écris l'histoire du miroir d'Alice
Portrait d'une idylle
Qui ne tient qu'à deux fils
En vain, je cherche
La porte imaginaire
Du mauvais côté du verre
Dans une intimité immatérielle
A peu près irréelle
Sans jamais me toucher,
Tu me caresses
Sous la lune, je te vois
Qui déploie tes ailes sauvages
Se heurtant à la cage
Toutes les nuits
Ta rêverie se poursuit
Entre furie et féerie
Lentement s'écoule à la surface
L'humidité de mes pensées
comme un enfant sacré
Derrière le monde
Je code le nom de celle
Qui vit derrière la glace
Qu'érode le sel de mes envies salaces

Toi qui vis la nuit infinie
Moi qui rêve sur écran lumineux
Toi qui veux sentir l'absolu
Toi qui craches le feu défendu
Moi qui écorche mon vice à ta surface
Moi qui briserai ta glace, Alice

Je ne sais pas comment
A cet instant
Me vient une intuition
Une pensée sauvage
« Franchis le Nil de l'exil»
Et alors, je m'empare
Comme un coup de poignard
D'une poignée de mots criards
Pour voir enfin le miroir s'éparpiller
Et ses éclats d'étoiles pilées, éparses
A l'ultime étage d'un mirage sublime
Je succombe quand je devine
Qu'Alice, surnaturelle
Est nue sous ses draps
Chaque distance, chaque impatience finit ici
Maintenant oui viens
derrière tes reins
Pousse mes mains
Loin
Laisse nos corps s'écorcher
De nos sexes silex, scions
Le silence
Jusqu'à l'offense
Restons suspendus
A nos piquants désirs
Mus par de vibrants délires
Élève-toi
Avec moi
Musique lancinante,
Respiration haletante
Hésitation prolongée
D'un monde dévissé
Enfin, atteins tes abysses
et j'entends ton cri au bord de mes lèvres
tu les entre-ouvres
et tu aspires le souffle chaud de ma gorge qui expire
Et le goût de ta bouche palpite encore en moi
Quand je reste, nuit inachevée, en toi.
Longtemps.


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