Ana.

Anorexia. Pour effleurer les mythes en papier glacé, elle est prête à tout. Elle jeûne sans peine pendant trois jours pour être belle à un rendez-vous. Le peu qu'elle ingurgite, elle le vomit ensuite. Elle aime l'écart entre ses cuisses, ses seins qui se perdent sur son torse et la finesse de ses poignets. On dirait une brindille prête à se briser au moindre coup de vent. Ses omoplates saillent sous sa peau et rendent visible sa silhouette délabrée. Elle n'est qu'os. Et excessivement fragile malgré son sourire supérieur. Elle est fière. Fière d'être enviée par toutes ses grosses incroyablement laides. Elle est belle, magnifique, sublime. Les regards qu'on lui lance répondent soit au désir, soit à la jalousie. Son maquillage est parfait, ses habits aussi. Le mythe inatteignable, c'est elle.

Anorexie. Pour avoir quelque chose à contrôler quand tout s'effondre autour d'elle. Voir les chiffres sur la balance diminuer chaque jour à quelque chose de merveilleux. Son sourire n'est jamais plus beau que lorsqu'elle se pèse. Comme si elle fêtait une victoire terrifiante. Elle ne mange que très rarement et surveille toutes les calories. Elle a l'habitude de jouer avec la nourriture et de la ranger avec un quelque chose de maniaque. Elle pèse la moindre pomme et a abolie les plaisirs depuis bien longtemps. De toute manière, elle sait que jamais elle ne crèvera de faim. A chaque fois, elle finit à l'hôpital, reliée à de la nourriture par un tube assassin. Elle n'avale rien à défaut d'avoir la force de s'assécher les veines.

Anorexique. Ses parents s'en foutent. Elle pourrait devenir obèse qu'ils s'en foutraient aussi. Pire elle pourrait chuter, pâlir, rougir, brunir, se casser les jambes, se briser les bras, faire un traumatisme, se droguer, boire, se tuer, crever, qu'ils ne lui jetteraient même pas un coup d'œil. Schizophrène, bordreline ou anorexique c'est du pareil au même. Une maladie comme une autre qui ne fait qu'accentuer sa folie. Ce n'est qu'un problème de plus.

Ana. Elle hante ses nuits comme elle hante sa vie. Son sourire lui murmure de continuer, de ne jamais faiblir. Ana la tient par la main et compte ne jamais la lâcher. C'est son esclave maintenant, condamnée à lui obéir pour toujours. Ses yeux l'invitent à la force et à la beauté. Ana s'accroche à son cœur pour ne jamais en partir. Ana est son reflet, son amour, son tout. Ana la fera périr. Elle le sait et la prie de se presser.