Apocalypse Teenagers (3)

Franchement je n'ai pas envie. Pas envie de tirer sur eux, pas envie de sauver ces inconnus, pas envie de sauver ma peau non plus.

Oui, je suis lâche et feignante. Je ne suis pas courageuse non plus. Je sais déjà que je n'ai pas les qualités pour faire partie de ce monde remplit de morts-vivants près à nous dévorer. Il y en a d'autres qui ont ces qualités et qui pourraient être largement plus utiles que moi.

Si je mourrais tout de suite, ça me ferais du bien et ça ne plongerais personne dans une peine infinie vu que désormais, je ne compte plus pour personne. Je n'ai ma place dans le cœur de personne. Depuis que je sais que je ne reverrais plus ma famille, je me sens seule dans ce monde vide. Vide de joie, d'émotions, d'amitié et d'amour. Parmi mes amis d'avant, l'une m'a renié pour faire sa pétasse avec son pistolet en plastique et l'autre fait une dépression. ô que oui j'ai déjà essayé de la consoler, je viens la voir chaque matin, mais impossible de faire une conversation sans qu'elle pleure. Je suis sensible à sa détresse, je ne suis pas non plus une sans-cœur comme la plupart des gens d'aujourd'hui, seulement j'ai tout essayé, et ça m'exaspère. Moi aussi je souffre ici, moi aussi je sais que la vie désormais n'est plus qu'un tunnel sans fin, mais c'est la seule chose que j'ai le cran de surmonter. Jusqu'à maintenant.

Seuls les rayons de lune éclairent la ruelle. Les pavés sont  crasseux et mouillés. Je ne sais pas si c'est du sang ou de la pluie et je crois que je n'ai pas envie de le savoir. En dehors de cette ruelle, rien, le vide. Même pas un horizon où les buildings pourraient se dessiner au loin. Comme si la lune n'appartenait qu'à nous.

Pourtant, les zombies se rapprochent et affluent depuis l'angle de l'immeuble de gauche. La rousse me jette des coups d'œil comme si je devais trouver un plan au plus vite si on ne voulait pas se faire dévorer. Je détourne rapidement le regard et tire devant moi, comme ça.

On voit bien que je n'ai jamais fait cela de ma vie. Quand mon doigt presse la détente, tout le haut de mon corps est projeté en arrière. Je garde miraculeusement l'équilibre en manquant tout de même de tomber à la renverse. En plus de ça, le coup part je ne sais où à trois mètres de la tête de ma « cible vivante ». Je vois bien l'homme me regarder en insistant. Si ça se trouve il se demande si ce ne serait pas plus juste de me tuer moi, évitant comme ça de rameuter tout le quartier de monstres enragés pour ne tuer personne au final. Mais bon, il est blessé et lui aussi et est donc un poids lourd pour nous trois. Seule la rousse à l'avantage. Bon elle rate un coup sur trois mais au moi elle sert à quelque chose.

Je sors de mes pensées quand j'entends un grognement non loin de moi, « Rhôoo, toi, pas question que je te serve d'amuse-bouche » pense-je. Alors cette fois, je me concentre. Je tiens fermement le Beretta de mes deux mains, j'encre mes pieds dans le sol et pose tout mon poids dans les chevilles. J'ai vu ça dans des films ; Je vise, j'inspire, j'expire, je tire. Le cri étouffe mes oreilles quelques secondes. Deuxième tir : presque entre les deux yeux. Je m'étonne moi-même. Un petit sourire s'étire sur mes lèvres, mais pas le temps de sortir le champagne et les cotillons, j'en vise un autre. J'inspire, j'expire, je tire. Il faut croire que cette technique fonctionne puisque j'abas le deuxième en lui tirant dans la mâchoire. Je tire encore, mais même si mes acolytes en fond autant, je me rends compte que cela ne sert à rien.

Je regarde rapidement autour de moi et une idée me vient en tête. Un peu compliquée mais sûrement mieux que de tirer jusqu' à la fin des temps sur des sortes d'hydres qui se multiplient à l'infini.

Je me retourne vers la rousse et le boiteux et leur cri mon idée :

_Si on arrive à monter à l'échelle là-bas, on sera peut-être en sécurité !

Je vois d'abord les yeux de la fille s'illuminer en voyant l'échelle puis son visage se décomposer quand ils glissent vers son coéquipier.

_ On ne peut pas le laisser là ! Fait-elle affolée.

C'est peut-être vrai mais ce serait un vrai boulet dans ce cas. Il ne survivrait pas très longtemps alors le tuer dès maintenant serait sûrement la meilleure solution. Et pourtant, la part d'humanité qui résiste en moi s'enflamme. Je ne veux pas devenir un monstre sans cœur ; même si ce gars à l'air d'une brute épaisse. Quand je pense avoir trouvé la solution au problème, le concerné me crie quelque chose. Je n'entends pas très bien mais je suis son regard et me rend compte que deux zombies foncent sur moi la gueule ouverte. J'essaie de dégoter mon couteau mais il est coincé dans ma ceinture. Mon cœur vacille quand le plus proche manque de me toucher, je suis soudainement essoufflé et je peste contre moi-même. Je recule de quelques pas en trébuchant et j'entends vaguement un coup partir. C'est sourd et me paraît éloigné. Ca y est, je suis morte ? Quelqu'un c'est révolu à m'abattre ?

Non. Je vois une silhouette flasque s'écrouler devant moi. Je reprends rapidement mes esprits. La brute a tiré sur le zombie qui allait me mordre en moins d'une. Pas le temps de remercier mon acolyte, je dégaine cette fois si mon couteau et plante la lame dans le front d'un autre qui se trouvait à vingt centimètres de ma figure. Je reprends petit à petit ma respiration.

Je ne sais pas ce qui me prend, je cours vers ma gauche et crie à plein poumons aux deux autres de me suivre. Des containers verts bloquent le passage. Je réussis à me faufiler entre deux et la rousse aussi mais le trentenaire ne passera jamais. Je tire vaguement dans la foule. Certainement que ni l'un ni l'autre de mes complices ont compris mon plan. Je mime à l'homme de tirer dans la foule lui aussi. Je monte sur un container et indique à la fille de me rejoindre. Elle a l'air déboussolée et dois me prendre pour une folle.

_ Mais et… gémit-elle.

_ Aide moi, dis-je en l'interrompant.

Le blessé regarde dans ma direction, je crois qu'il a compris ce que je voulais faire.

« Pitié, pourvu que ça fonctionne, pourvu que ça fonctionne… »

© Neve Perdue