Les services sociaux

lorine

Témoignage d'une tranche d'histoire qui m'a perturbé. Un besoin de la partager. De la raconter.

   Hier, j'ai appelé pour la première fois les services sociaux... et ça m'a marqué.

   La situation n'était pas simple. En résumé, je soupçonnais une voisine de maltraiter le fils de son compagnon. Mais - au début - ce n'était que des soupçons. Je n'avais pas de preuve, sinon des phrases criées à travers les murs fins de mon immeuble. Des phrases choquantes mais qui étaient sorties de leur contexte. J'entendais souvent le môme pleurer. Pourtant il n'était pas là souvent mais à chaque fois qu'il venait plus de deux jours, pendant les vacances, je l'entendais presque chaque jour.

   La première fois que j'ai eu des soupçons, c'était pendant les vacances de Février. Le gamin a pleuré une bonne heure sans discontinuer. La voisine hurlait des phrases surprenantes mais qui n'étaient pas spécialement alarmantes, juste étranges. En fin de compte, ce qui m'a le plus inquiéter, c'était le fait qu'elle ait hurlé aussi longtemps. Elle s'est de suite arrêté quand son compagnon est rentré. Je n'ai plus fait attention.

   Et puis hier, en rentrant chez moi, je l'ai entendu à travers sa porte d'entrée. Cette fois ses propos m'ont vraiment choqués. Il n'y a avait presque pas de toute. Son ton n'était pas celui d'une femme qui joue avec un enfant. Il était dure, froid, pressant. Je suis restée quelques instants devant cette porte. Elle n'arrêtait pas et le petit continuait de pleurer.

    Je suis rentré chez moi et j'ai commencé à douter.

   Avant de commencer mes études d'Assistante de Service Social, je faisais partie de ces gens qui disaient qu'ils n'hésiteraient pas à signaler un mauvais traitement en cas de léger doute. J'ai appris qu'en théorie ce n'était pas si facile que ça.

   En pratique, c'est même encore plus dure. J'avais mon téléphone dans la main. J'avais tapé le 119* et je regardais mon écran. Et si je me trompais ? Je risquais peut-être de faire beaucoup de mal à cette famille. Je n'avais que des phrases et des impressions comme seules preuves. Rien de concret, rien de solide. J'avais aussi peur des représailles, peur pour ma tante âgée qui vit aussi dans cet appartement.

   Je suis restée deux heures à réfléchir, à discuter avec des proches pour savoir ce qui convenait de faire. Certains me disaient d'attendre, d'avoir plus de preuves. D'autres m'encourageaient à appeler. J'ai fait des allers retours entre la porte de la voisine et mon appartement, pour espérer entendre plus de choses. Quand j'ai finalement décidé d'appeler, quelque chose a retenti dans l'immeuble. Ce quelque chose m'a convaincu que mon choix était le bon.

  L'enfant a hurlé. Je suis sortie de chez moi, le plus discrètement possible et j'ai collé mon oreille à la porte de cette voisine. J'ai entendu un bruit de coup. Le compagnon était là, je l'avais entendu et il n'a pas bougé. Je suis rentré chez moi et j'ai appelé. Je ne sais pas ce qui se passera, mais je pense que j'ai fais ce qu'il fallait.

   Une chose est sûre : confrontée à ce genre de situation, j'ai été complètement désarçonnée et assaillie de doutes. J'avais peur pour la famille si je me trompais, pour l'enfant mais aussi pour moi. On est tous pleins de certitudes, mais une fois que la situation arrive, on se sent bien cons à ne pas savoir comment agir.

   Cependant, maintenant je sais que même en cas de léger doute, appeler peut permettre de laisser une légère trace, de lancer le début d'une enquête. Si j'avais agis plutôt, peut-être que le gamin n'aurait pas subit le reste. Je regrette ma passivité, mais on ne m'y reprendra plus. Je ne ferais pas deux fois la même erreur.

  Petit point juridique avant de finir : la non-assistance à personne en danger condamne à 75 000 euros d'amende et 5 ans d'emprisonnement. Sur le coup, c'était plus mon engagement moral qui était déchiré entre deux positions, mais ce « détail » m'a encore plus conforté dans mon choix.

   Je crois que j'ai fais ce qu'il fallait.


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 Numéro 119 : Enfants en danger.

Cette histoire n'est pas une fiction.


  • il ni a rien à dire...juste prendre

    · Il y a environ 9 ans ·
    123321

    Plumette Du Coeur



  • témoignage poignant et qui pour des raisons qui me sont personnelles me touche au plus profond ...tes questions sont légitimes, tu as en toi cette dose d’humanité et de non-acceptation d'injustice que l'on ne retrouve plus beaucoup...alors pour ma part je te dis juste bravo et merci de l'avoir fait... puis ceux qui doivent réellement se poser les bonnes questions ne sont pas toujours ceux qui le devraient.....merci de m'avoir permise de te lire..........

    · Il y a environ 9 ans ·
    123321

    Plumette Du Coeur

    • Merci à toi pour ce commentaire plus qu'élogieux. Je ne sais pas trop quoi dire, mais ça me fait très plaisir ! :)

      · Il y a environ 9 ans ·
      1236877 10200598784880923 1449938848 n

      lorine

  • C'est sûr qu'au niveau moral le choix était difficile car tu ne voulais faire de tort ni à l'un ni à l'autre. Enfin bon, le petit se faisait maltraité. TU AS BIEN FAIT !!

    · Il y a environ 9 ans ·
    17c25d2b

    Yitou

    • J'espère, ça me questionne encore beaucoup !

      · Il y a environ 9 ans ·
      1236877 10200598784880923 1449938848 n

      lorine

    • Tu as eu une réaction normale ;)

      · Il y a environ 9 ans ·
      17c25d2b

      Yitou

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