Atlaïme

lilaa

Portrait d'une ville imaginée

Atlaïme, la colorée, l'heureuse, la fantasmée.

Atlaîme. Un rectangle d'océan, un dégradé de cubes, une colonie bruyante exposée au vent. La ville du Sud aime qu'on l'admire.

 

Même la nuit, Atlaïme ne dort pas ; elle n'a jamais connu le repos depuis sa naissance hasardeuse, des siècles auparavant.

La nuit, Atlaïme expose fièrement sa jeunesse aux étoiles, anticipe les premiers frissons d'activité citadine, guette les chatouilles matinales sur sa peau de béton vernie d'essence, attend avec impatience la caresse synchronisée des talons et des roues… Avant même que l'astre n'apparaisse, la nuit commence à s'éclaircir, et elle prépare sa cuirasse minérale aux premiers rayons de son soleil, allées entrebâillées pour que le vent entre. Déjà ses bateaux de pêche font clignoter dans l'obscurité leurs feux de signalisation au large, annonçant le jour. Quelques voitures balayent la chaussée de leurs phares solitaires, des électrocycles sont lancés sur les trottoirs. Yann se lève, Joanna s'endort à peine. JP allume les phares de sa voiture, Lize se maquille. Atlaïme s'agite.

Quand la lumière finalement envahit son univers, la ville ouvre en vagues ses paupières de plexiglas et de verre, et c'est un millier d'iris bleu qui, soudainement animés, reflètent le ciel et la mer. C'est l'heure des devantures qui s'éclairent, des salles de bain qu'on aère, des montres clipées et de la transhumance écolière, marche de petits cartables à deux pattes. Sa carnation de roche - pierre rouge, blanche, jaune, orangée – flamboie à cette heure matinale. C'est Atlaïme qui rougit au soleil et touristes qui la draguent, et elle dévoile petit à petit ses charmes et recoins intimes. L'air frais de l'océan vient calmer son émoi et distille dans ses rues un aquatique parfum.

 

Atlaïme est une ville aux bras longs et aux mains moites d'eau de mer. Ses quartiers tentaculaires dévalent la pente de deux collines, s'entortillent autour des routes, s'élargissent à la plaine et viennent goûter le sel des cristaux de plage. Aux visiteurs en croisière, ils offrent un plateau marin de bruits et d'odeurs, avec chantilly de nuages.

Atlaîme tend ses bras de bitume, et leurs fenêtres sur la mer contemplent au loin la baie du Mont couché d'Emerveille, au repos dans un oreiller de brume. Il a les joues vertes et duveteuses, et petit à petit les coulées d'ombre disparaissent de ses flancs d'herbe tandis que le soleil s'élève. Atlaïme projette une volée d'oiseaux en guise de bonjour et accueille en retour la salve d'applaudissement de ses récifs. Le long des plages, des cormorans perchés sur des restants noirs de vieilles digues sont témoins de l'échange. Les mouettes aussi, et les mouches également, qui se disputent capricieusement les algues rouges échouées pendant la nuit. Dans les dunes chevelues, au milieu des herbes pâles, des brisures de coquilles roses et bleues scintillent, tentant de les attirer. Un crabe transparent dévale la pente et s'immerge dans un bain d'eau salée.

 

Atlaîme a milles yeux mais aussi plusieurs visages, qui resplendissent au soleil de midi.

Sur une colline, elle garde les contours doux et tendres de son enfance. Les fondations ocres et blanches qui en couvrent le sommet au milieu des arbres rappelle son origine coloniale : un jour, des caravelles débarquèrent sur sa côte, des pionniers construisirent ses remparts. Aujourd'hui, l'on y vient écouter de loin l'écho assourdi des foules, au milieu des pierres couvertes de mousse et des allées de sable.

En dehors de ce parc fortifié, des quartiers au tracé tourmenté couvrent les pentes. Les bâtiments se soutiennent à l'aide de passerelles aériennes et semblent danser la farandole, en ronde, bras dessus dessous. Au sol, les routes, escaliers et passages piétonniers se chevauchent, circulent autour de bâtiments circulaires. Des fontaines ludiques et des bacs à sable agrémentent les places, et le bruit des cours de récréation résonne entre les façades. Femme jusqu'au bout des ongles, la ville entretient sa chevelure végétale : un damier de jardins verticaux recouvre certains quartiers, et dans le vent flottent leurs branches vertes et parfumées. Ce duvet adoucie le relief dur de ses rues, et de loin, le ville parait frémir comme un champs de verdure.

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