Attila te remercie
Stéphan Mary
Tu voulais un texte pour toi, rien que pour toi. Tu voulais un texte que tu porterais en pendentif comme une perle rare. Tu m'avais expliqué que tu aimais les perles car elles n'apparaissent que s'il y a un défaut dans l'huitre. Toutes les perles, blanches ou noires sont de subtiles émanations d'imprévus. Nous ne parlons surtout pas des perles de culture, grosses comme le poing d'un nouveau né, vendues cher certes mais sans défaut. Or à défaut d'autre chose, je t'offre un texte à l'instar de cette perle sauvage, unique, hors de prix. Je ne l'ai pas mis en terre pour mieux le cultiver, je te l'offre comme il naît, avec ses défauts et quelques qualités.
Ecrire au fond d'un lit, unité B du service psychiatrie, sans rien d'autre qu'un stylo et des bouts de papiers ramassés ici où là pour écrire des bouts de phrases insensées. Après je reconstituerais le puzzle pour peut-être, t'en faire une lecture un minimum cohérente.
Le papier est bleu, bleu comme du papier toilette. Il faut juste faire attention à ne pas laisser le stylo traverser les trois épaisseurs pour la grosse commission. Sinon c'est cochon le stylo, beurk, caca ! Pan la claque sur les doigts qui tiennent la phrase, Caca ! Quoique... on s'en fout un peu toi et moi de ces cacas là n'est ce pas ? Somme toute, il ne s'agit que de petits bouts de maux de tête mal compris. La constipation est si douloureuse que parfois elle perturbe le sens, l'essence même du verbe.
Toi et moi ce n'était pas caca. Toi et moi c'était une mélodie que nous aimions écrire à quatre mains puis nous l'écoutions ensemble. Jouer ensemble. Oh oui, jouer et jouet encore.
Je ferme les yeux. Je te vois avec ton regard si pénétrant, la mélancolie et le rire enlacés au fond des prunelles. Dans tes iris il y a cet océan d'amour, d'envies et de partage. Partager le bonheur d'être ensemble, d'être en vie. Mais brutalement, en une fraction de seconde, la haine ! La haine prend le pouvoir. Absolument pas invitée, elle se pointe comme ça, totalement inattendue. Dans ton si beau regard, une haine terrible. Et tu hurles "Je n'ai plus que de la haine pour toi !" Attila s'est servi de toi pour reprendre la bonne route. Pas de petits cailloux essaimé ici ou là pour ne pas perdre son chemin. Attila se contrefiche du petit poucet et n'a rien à faire des bottes de sept lieues. Bien plus finaud, il passe derrière toi, là où l'herbe ne repousse pas. Ta haine lui donne tous les pouvoirs. Il n'a plus qu'à s'engouffrer dans ce paysage dévasté pour répandre la terreur. Attila aime la haine, autant qu'un alcoolique aime son vin.
Il pleut ! Il pleut des larmes d'acier tranchantes comme la lame d'une guillotine. Mais ce qui différencie cette tempête de larmes criminelles et l'exécution d'une peine de mort par la tête tranchée, c'est le temps ! Dans le cadre de la guillotine c'est net, précis, sans appel alors que dans la tempête de haine, il y a le temps d'avoir peur et d'avoir mal, très mal. Je zigzag entre les gouttes du pouvoir de l'extinction massive. Je cours dans tous les sens pour les éviter mais c'est peine perdue, elles tombent en n'oubliant personne, haineuses traînées des bas quartiers qui contaminent au vitriol tous leurs clients sans exception. Le pouvoir de la haine est immense. C'est un piège, un trou sans fond, énorme. C'est un piège à éléphant dans lequel l'animal s'empale sur des pieux dressés droit vers le ciel. En haut des larmes de sang, en bas des arbres taillés en flèches empoisonnées. Pieux plus pluie et le tour est joué. Conscient, subconscient ou inconscient, la douleur est là, éponyme. "Douleur je crie ton nom."
La fistule des sentiments devient purulente. Adieu les exonérations de souffrances. Adieu le tableau sur lequel crissait la craie pour m'apprendre à lire, à compter, à réfléchir et surtout à aimer. Je n'écrirais plus, ne lirais plus et enfin je cesserais de comprendre. Les saisons passent. Automne, hiver, printemps accompagnent le chant du rossignol. Mais l'été est torride, caniculaire. Il n'a pas plu des larmes de sang depuis longtemps. Sous l'effet de la chaleur la terre s'effondre sur elle même mais l'éléphant continue à tomber dans le piège, ne sachant comment faire pour l'éviter. La terre de l'affect se dessèche a une vitesse vertigineuse. "Pas de bras, pas de chocolat". Pas de vie, pas d'amour ou si tu préfères pas d'amour, pas de vie, pas d'envie, plus aucune trace d'un quelconque rapprochement avec ce puissant moteur qu'est l'amour. L'amour a fait place à la haine et la haine est un tsunami qui a le pouvoir de tout massacrer en un tour de main. Victoire ! La haine d'Attila a encore gagné du terrain. Déflagration totale sur l'amour qui pourtant rimait bien avec toujours. "Tu m'aimes ?" Bien sûr que je t'aime. Je t'aime à pas de loups. Fie toi à mon instinct, je vois la nuit comme je vois le jour. Prends-moi la main et viens. Viens là où aucun pied n'a foulé le désordre de tes pensées. Aime cet hymen non encore défloré. Effleure puis cueille la fleur mais n'arrache pas le bulbe. Il fera d'autres fleurs, d'autres pensées. C'est bien une pensée quand elle pense ce qu'elle dit, qu'elle dit ce qu'elle fait et qu'elle fait ce qu'elle dit. La pensée est belle quand elle est sincère mais gare aux arrières pensées...
"Tu m'aimes ?" Oui mais... Mais où et donc or ni car ? Où a t-il été se cacher celui-là ? C'est fou, dès que l'on a besoin de lui, on ne sait plus où on l'a rangé. Dans l'immense capharnaüm du chagrin qu'engendre la haine, dans le bordel sans nom des sentiments, dans la partouze extatique des émotions, c'est la haine qui a pris le pouvoir. Elle rend orgasmique la douleur, jouit les dents serrées et concrétise son regard inhumain pour me lacérer de la tête aux pieds. Elle prend son pied la haine, fait un pied de nez à tous ses concurrents, un bras d'honneur au jury et le poing serré, soulève son majeur en éclatant de rire. Entre deux hoquets elle plisse les yeux et articule bien comme il faut "Dans le cul les sentiments. Je te la mets bien profond, bien sentie. Je suis LE pouvoir, l'ultime condamnation avec une vulgarité sans nom. Je suis une haine vulgaire qui dit merde, qui dit je t'emmerde toi et tes sentiments. Je te quitte. Out. Schnell. Nicht ausweiss. Ter mi né ! Fuck you. Tu comprends ça ? JE TE QUITTE. Je n'ai que de la haine pour toi, dégage".
La haine a passé le doigt à travers le papier bleu couleur chiottes. Puis elle a tiré la chasse d'eau sur l'histoire d'amour. Plus de caca dans les toilettes. Seule persiste l'odeur, l'odeur de merde que toutes les bombes désodorisantes n'enlèveront jamais. Il faudra détruire les lieux d'aisance pour chasser l'odeur de la haine, l'odeur du pouvoir nauséabond.
Cette haine qui a pourri ton regard en une fraction de seconde a tout fait basculer. La fraction est devenue infraction, coup de poignard dans le dos, égorgement des mots qui ne passent plus la porte du dialogue. Mi mi fa mi ré ré dos - mi mi fa mi ré sol ! Bourrée la haine ! Complètement cuit Attila danse et s'agite jusqu'à te pousser dans le piège aux éléphants. Il veut t'empaler sur une éternité d'amour qui rimait avec toujours. Elle est érosion du temps qui passe, se surpasse puis trépasse. Elle a tout raflé, maintenant elle passe son tour. Il n'y a plus rien à gagner. Ne reste plus qu'une plaie béante qui jamais ne cicatrisera, jamais ! Elle te l'a promis et la haine tient toujours ses promesses.
L'éléphant n'est pas tombé dans le piège par hasard. L'éléphant écœuré s'est suicidé.
Bonsoir Stéphan,
· Il y a presque 11 ans ·Entre Platon qui parlait de l'âme et de l'autre, et Xavier de Maistre qui lui parlait de l'âme et de la bête, il y a je crois la psyché de l'esprit qui détermine la pensée du moi dans le plurivers de l'autre, en autorisant l'exception !
5/5.
Au plaisir de te lire.
Bien amicalement.
Paul Stendhal
Paul Stendhal
Merci Paul. Je pense à cette divine philosophie de Socrate "Connais toi toi même"et évite la haine et son régiment de pouvoirs aussi dictatoriaux que caricatureaux
· Il y a presque 11 ans ·Stéphan Mary
texte complexe mais le sujet en valait la peine ...
· Il y a environ 11 ans ·on voit que la Vie t'as donné de la matière à penser ...
woody
Il n'y a qu'à bien regarder autour. Depuis quelques temps le pouvoir d'exprimer sa haine est apparue dans des propos extrêmement dangereux. Fascisme xénophobie homophobie et j'en passe. Mais la haine dans une rupture est encore plus frappante car il n'y a pas de témoin. Ça se joue en lieux clos. Attila a du aimer ça ! Merci de ton commentaire
· Il y a environ 11 ans ·Stéphan Mary
Tres bon texte, tres bien mené! C'est tres enrichissant de lire ce que les autres ont fait du theme! merci
· Il y a environ 11 ans ·jasy-santo
Merci à toi.. as-tu participé au concours ? Si ou donne le lien sur ton texte. J'aurai du plaisir à ye lire
· Il y a environ 11 ans ·Stéphan Mary
http://welovewords.com/documents/sienne-1 - voila le lien! bonne chance a toi!
· Il y a environ 11 ans ·jasy-santo