Autrefois, j'avais des rêves...

"Autrefois, j'avais des rêves... Rêves de fraternité, rêves d'amitiés, rêves d'amour même. Tous se sont brisés sur l'écueil d'une réalité forcenée.
J'ai essayé pourtant d'être audacieux, inventif, tout ce que l'on veut. Mais ce monde n'est définitivement pas pour moi, humble rêveur.
Je vais me retirer en ermite pendant quelques temps, oublier cette civilisation sauvage."
J'étais à écrire ces mots de désespoir tenace quand le téléphone retentît pour la première fois depuis longtemps, trop longtemps. Qui était-ce donc pour perdre son temps avec un perdant pas du tout magnifique comme moi?
Numéro inconnu... Ça partait mal ! Et pourtant, je décrochais, à cran et à crocs, n'espérant qu'un peu de chaleur humaine. Je tombais sur une opératrice qui, de sa voix monocorde, m'annonçait que j'avais gagné un prix en tant que millionième client de je ne sais quoi. Ô rage, Ô désespoir, n'avais-je donc tant vécu que pour cette nullité crasse? Je raccrochais donc au nez de cette emmerdeuse, cette empêcheuse de déprimer en paix.
Le téléphone fît de nouveau des siennes : nouvel appel. Je décrochais sans regarder le numéro et déversais mon fiel sur celle que je pensais être la harceleuse professionnelle. Au bout de quelques secondes, d'une voix timide, ma soeur m'annonçait être enceinte... La gaffe ! Je m'excusais bien évidemment de ma furie qui ne lui était pas destinée. Pour une fois qu'elle voulait communiquer avec moi... Elle me raccrocha au nez, vexée...
J'essayais de la rappeler, je tombais sur son mari, furibard, qui me traitait de tous les noms. Je m'expliquais. En vain... Et notre conversation s'arrêta là.
Décidément, ce monde n'était pas fait pour moi, l'handicapé affectif. Je préparais donc mes affaires, et m'apprêtais à partir en retraite dans un monastère, histoire d'oublier tous mes soucis.
Quelqu'un vînt sonner à ma porte pendant mes préparatifs... J'ouvrais donc la porte, n'ayant pas de judas, et je découvrais effaré mon ex-femme. Je lui demandais donc ce qui l'amenait ici, elle qui m'avait quitté avec pertes et fracas pour un soi-disant ami proche. Elle voulait se rabibocher, l'ami en question ne voulant plus d'elle... Ne désirant pas être un plan B, je lui fermais la porte au nez, et juste après, j'eus comme un regret... Je me rendais compte que j'avais fermé mes écoutilles à la vie, en ce qu'elle comporte de bon et de moins bon... Je rouvrais donc ma porte, elle était toujours là...
Désormais, je pouvais de nouveau espérer, et surtout rêver...