Ballade sur la plage

Le vent souffle dans ses cheveux qui fouettent son visage, revêches, libres comme des oiseaux, incoiffables et indomptables. Le sable crisse sous ses pieds nus. L'odeur iodée de la mer picote ses narines. Ses chaussures à la main, les lacets tapant contre sa cuisse, elle marche. Où? Elle ne le sait pas elle même. Le soleil disparaît  à l'horizon, teintant le ciel de rose, de rouge, d'orangée et de blanc. Une explosion de couleur, une oeuvre picturale qui resplendit, l'éblouit, l'illumine. Elle laisse des traces derrière elle, qui s'effaceront sitôt que l'eau les atteindra.

Soudain, elle s'arrête. Les bras ballants, le regard tourné vers la mer, elle pense. A qui? A lui. Celui qui est parti. Un jour, en mer, en bateau, sur sa coque de bois, les voiles ouvertes, accueillant le vent en son sein. Il voulait parcourir le monde. Voir du pays. Voyager, aller en Inde !
Il était peintre. Dessinateur. Pas navigateur.
Il voulait colorer sa toile et représenter des femmes en saris, les mains en coupe, à attendre l'eau qui coule le long de leurs doigts squelettiques.
Il a peint le fond de l'océan, les poissons, les carcasses de navires.

Tout le monde lui disait qu'il ne reviendrait pas. Mais elle espérait, toujours, chaque soir, quand le soleil venait lécher la ligne de l'immensité bleue, elle l'attendait, avec l'énergie du désespoir, assise face à la mer.
Car c'était elle. Et elle sans lui...
Ce n'était qu'une moitié d'elle. L'amour dépasse les frontières, même celles de la mort.