Bande des synapses

   Mes seules lectures de bandes dessinées se sont pratiquement limitées qu'à Tintin. Bien que je le suspectais de zoophilie aggravée et qu'il choquât mes bonnes mœurs, j'étais fan. Il me faisait voyager dans un univers asexuel qui convenait à mon jeune âge, du racisme bon enfant et condescendant du Congo à l'étrange Mik Ezdanitoff de « Vol 714 pour Sydney ».

   Il me revient à l'esprit d'avoir fait quelques incursions, adolescent, chez Manara. « Le déclic » déclencha d'ailleurs mes premières relations avec Onan qui, depuis, s'est toujours montré être un fidèle compagnon et qui a toujours su m'épauler quand la solitude se faisait ressentir. Un peu comme son tenant féminin, madame l'ambassadrice des rochers Ferrero que j'imagine s'agripper fermement à ma sucette, histoire de lui faire découvrir d'autres fantaisies sucrées. À l'occasion, je pourrais lui faire rencontrer le concombre masqué. Il ne serait pas plus absurde de l'imaginer être le chevalier servant de cette charmante hôtesse que de lire ses bizarres élucubrations philosophiques. Quitte à buller, nous pourrions aussi convoquer les vignettes malabar pour que la maitresse des lieux conserve quelques jours un tatouage éphémère en souvenir de la soirée sur la fesse gauche.

   Il est vrai que j'ai quelques aprioris sur le neuvième art. Ce n'est pas que le snobe à proprement parlé. Mais il me reste tellement à lire de classiques de la littérature que je crains que je ne puisse avoir un jour le temps de m'attaquer à la BD. Et, je sais, vous allez trouver cela étrange. Quand je suis dans un livre, je peux y rester des heures sans lever la tête. Dans l'autre cas, je suis incapable de rester concentré plus de quinze minutes.

   Aussi penserez-vous que je ne suis pas un gai luron, la tête toujours penchée sur de poussiéreux ouvrages. Mais non, pas plus que je ne suis un gros dégueulasse quand je me permets une blague décalée. Je le concède bien volontiers, mes lacunes dans ce domaine sont mon talon d'Achille au niveau de la culture générale. Si d'aventure vous voulez me voir en difficulté au Trivial Pursuit, interrogez-moi dans ce domaine. Vous serez alors certain que je ne ferai pas le malin, je jouerai au grand Duduche, voire je serai le roi de la gaffe !

   Il est vrai que je ne fais pas beaucoup d'effort. Il est moins chronophage de lire un Spirou que Proust. Le souci est que le temps me manque cruellement. Toujours à courir de droite et de gauche. Quand ce n'est pas pour jouer le sapeur Camember, pour rentrer à l'heure et m'occuper de mes Schtroumpfs, c'est pour aller jouer au Superman avec une Bécassine, une cousine toujours prête comme moi à jouer à chat. Contrairement à Martine que j'aurais pu amener à la mer, en montgolfière ou en classe de découverte (respectivement troisième, trente-troisième et quarante-huitième albums de la série qui ont fait le bonheur des Guy Georges, des Outrelois et de beaucoup de membres de clergé pour l'apprentissage de la lecture et bien après), je n'ai eu d'autre choix que de nous rabattre sur un Ibis Budget.

   Je suis néanmoins la plupart du temps d'un caractère placide. Ce n'est pas mon genre de jouer à l'excité façon X-men et je n'ai pas précisément le physique de l'incroyable Hulk. Par contre, si j'ai quelqu'un dans le pif, je peux dégainer très vite pour riposter plus vite que mon ombre à la manière de Lucky Luke. Que voulez-vous, on ne se refait pas. Sans être un Bidochon, je n'en reste pas moins un irréductible gaulois. Je n'ai pas de potion magique à la sauce Panoramix, je ne possède pas les pouvoirs d'un Super Dupont mais je peux facilement vous en faire toute une tartine pour pas grand-chose, juste pour le plaisir de faire mon Droopy, you know what i mean ?

Ce n'est pas une raison pour faire mon Piscou. Mais si je peux choisir, je préfère investir dans un manuel des castors juniors pour aller construire une cabane dans les bois avec Célestin qu'à le voir toute la journée avachi à lire Titeuf et qu'il ne finisse tout rantanplan.

PetiSaintLeu

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