La Belinda.(1)

Cette nuit là, je voulais écrire une lettre de motivation à mon banquier ( y'en a bien qui écrivent ce genre de lettre pour faire croire que le travail les intéressent!), pour lui dire combien il m'était difficile de vivre sans lui, combien je l'appréciais, et surtout pour lui demander combien je lui devais, pour qu'il sache que l'air de rien, je me tenais informé et à disposition quant à l'état de mes comptes.

Puis j'ai réfléchi, je me suis dit que c'était peut-être inopportun d'écrire à 3 heures du matin une lettre à un mec qui devait avec mes agios, se taper sur les 12 coups de midi et pour 19,90 € tout compris tous les jours, ma conseillère clientèle dans un Flunch, c'est à dire pour 2 plats en sauce et deux cafés sur un plateau, pour pas plus.

Ma conseillère clientèle avait tout d'un agent immobilier: les cheveux un peu longs et les lèvres aussi pulpeuses qu'un pamplemousse d'Extrème-Orient ou qu'une Scarlett Johanson dans un Lost in translation devant un whisky et Bill Murray.

Ma conseillère clientèle prenait soin de moi. Elle me conseillait et me faisait visiter des tas de maisons fiscales, ses 'petits paradis'. Il m'arrivait même d'appuyer mon doigt sur les images de son catalogue en m'exclamant:

- Moi j'veux celle-là !

- La Belinda ?

- Ça c'est une Belinda ?

- Ben oui ! La Belinda c'est notre must ! La Belinda elle a les palmiers et la piscine autour !

- Ça va chercher dans les combien une Belinda ?

- Quelques comptes plus quelques verres...

Comprenant que ma conseillère n'était pas du style farouche ou à attendre en haut d'un escalator pour commencer la visite du premier étage, j'entamais une relation professionnelle:

- Pourrions-nous fixer un rdv ?

- Lundi ?

- Lundi qui vient ?

- Oui lundi qui arrive !

- Lundi quelle heure ?

- Lundi 18 heures ?

- Parfait... lundi 18 heures !

- A lundi donc !

- Oui à lundi donc !

...