Berlin, Poulette
zardoz
Berlin, poulette
Synopsis
Été 1945. L'Europe n'est qu'un champ de décombres fumants et pourtant le deuxième round se met en place. Les anciens alliés d'hier sont en passe de devenir des ennemis fratricides. Les combattants s'observent chacun depuis un coin du ring, prêts à bondir au premier signal.
C’est dans ce contexte trouble que Yelena Jaroslava Volodia est recrutée par le GRU, service du renseignement militaire de Staline. Le contrat est simple : en échange d’informations sur son passé qu’elle croit connaître mais dont il s’avère rapidement qu’elle ignore tout, Lena sera infiltrée en Grande-Bretagne afin de devenir une source de renseignements pour les services secrets soviétiques. Une fois arrivée sur le sol anglais, son éducation est prise en charge par Lady Windermere, séduisante aristocrate qui n’est pas à une contradiction près, puisqu’elle est aussi une socialiste convaincue. Si Yelena parle parfaitement anglais, elle a appris la langue dans les livres grâce à son père ; elle ne connaît en revanche rien des us et des moeurs de la société britannique. C’est dans le manoir gothique de Lady Windermere, dans les Cotswold que Yelena, désormais sous le nom de Chastity Heights, fait son apprentissage de femme occidentale et affûte les armes de sa séduction. Se faisant passer pour la nièce revenue d’Australie de Lady Windermere, Lena - ou plutôt Chastity comme il faut maintenant l’appeler - entre au service du capitaine Mycroft Bleech. L’excentrique, mais néanmoins élégant militaire, est en charge de la Sous-division 13, un bureau qui semble être de prime abord un obscur service d’intendance perdu au fin fond de l’organigramme de l’armée de sa Gracieuse Majesté. Très rapidement, l’activité de la Sous-division 13 s’avère être plus mystérieuse qu’il n’y paraît. Flanqué de sa secrétaire, la sculpturale et envoûtante Jennifer Tweed ainsi que de son ordonnance, le Sergent Bagget, Ecossais lubrique, roux et sourd comme un pot depuis Dunkerque, Mycroft Bleech répertorie et sélectionne les stocks de fourniture capturés à l’ennemi en vue de leur rapatriement sur le sol anglais. Alors que son service découvre un important approvisionnement d’amphétamines destiné aux troupes allemandes stationnées en Italie, le capitaine Bleech apprend l’existence d’une étrange pellicule photo dont le contenu aurait pu, s'il avait été dévoilé, changer l’issue de la guerre… Objet de bien des convoitises, recherché par à peu près tout ce que le monde civilisé compte d'espions, d'agents secrets et autres mercenaires, trouver cette pellicule et découvrir les secrets qu’elle recèle deviennent alors une priorité absolue pour les membres de la Sous-division 13.
C’est dans l’univers interlope des services secrets que Lena va tenter de découvrir qui elle est. Pour qui travaille-t-elle exactement ? Mycroft Bleech est-il lui aussi un agent des services secrets britanniques ? Ou bien un agent d’une des nombreuses officines américaines appelées à être rassemblées plus tard sous le nom de CIA ? Pourquoi tous les indices sur l’origine de sa famille la ramènent inexorablement à Iekaterinbourg où le Tsar et sa famille furent assassinés en 1918 ? Et pour quelles raisons a t-elle été vraiment envoyée en Angleterre ? De l’URSS à Londres, des palais vénitiens aux ruines de l'Allemagne en passant par les salles de briefing enfumées du War Office, commence alors la trouble et double – que dis-je, triple ! - vie de Yelena, agent soviétique travaillant pour le compte des services secrets occidentaux à la recherche de ses propres origines. Voilà qui va demander beaucoup de doigté… De doigté, soit, mais pas que.
Scène érotique
Chastity contemple son reflet dans la grande glace en mercure de la chambre. En un clin d’œil, elle est capable de juger froidement, analytiquement presque, son potentiel de séduction. Et ce qu’elle voit lui plaît. La robe de soie noire lui laisse le dos nu ; la coupe ajustée, rehaussée par deux épaulettes de tulle transparent, met en valeur la courbe concave de ses hanches. L’échancrure de son décolleté, soie noire sur peau blanche, mène directement à la vallée généreuse de ses seins. Tout cela forme en vérité un charmant spectacle. Satisfaite, Chastity émet un petit claquement de langue ; se retournant, elle adresse un clin d’œil au satyre bandé au mur et qui la suit du regard alors qu’elle quitte la pièce.
Baldassari l’attend à l’embarcadère en bas du palazzo, adossé contre une vedette qui n’est que chromes rutilants et marqueterie vernie. Impeccable comme de juste dans son smoking et ses cheveux noirs gominés. Ses pectoraux gonflent le tissu de sa chemise blanche, tendue comme une peau de tambour. Voilà donc le charme italien : discret comme un défilé de kolkhoziens chantant le plan quinquennal sur leurs tracteurs... et tout aussi efficace ! sourit Chastity. Elle décide de prendre d'emblée la main.
- Ne me dites pas que c’est avec ça que vous trafiquiez entre la Libye et le continent ! Elle brille tellement que vous auriez été repéré depuis Gibraltar…
Baldassari part d’un éclat de rire qui dévoile l’alignement de ses grandes dents, aussi blanches que sa chemise :
- Au moins, vous êtes directe, vous ! Je faisais les traversées sur un S-Boot. Moteur Isotta Fraschini de 2500 chevaux. L’ingénierie navale teutonne au service du goût italien immodéré pour la vitesse … Non, ça c'est un Riva – vos chaussures s’il vous plaît, merci. Ce qui se fait encore de mieux pour aller à la Fenice écouter Verdi, ajoute-t-il en l’aidant à monter à bord.
(…)
A peine installés dans leur loge, les lumières se baissent et le rideau se lève. Il fait chaud dans la salle et les programmes servent d’éventails de fortune. Le souffle de Baldassari est brûlant alors qu’il se penche pour murmurer à l’oreille de Chastity :
- Violetta est une métaphore de l’Italie. Moitié candide, moitié catin. Une femme perdue par l’amour parce qu’elle au lieu d’aimer tous les hommes, elle décide de n'en choisir qu’un seul Entendez comme la soprano se perd dans les hauteurs célestes du contre-ut. Elle crie sa passion, son désir de jouissance ; son plaisir est annoncé par la tirata.
De sa main il caresse la cuisse sous la soie.
Chastity se souvient des leçons de Windermere. Regarder son interlocuteur dans les yeux, mais ne jamais soutenir son regard plus de deux secondes, comme le veut la bienséance. Pourtant, quand elle remonte lentement sa robe sur ses jambes, ses yeux ne cillent pas, au contraire, son regard reste planté dans celui de l'Italien, tandis que sur scène Violetta chante :
Jouir, toujours libre,
Il me faut passer de jouissance en jouissance.
Je veux que ma vie s'écoule
Par les chemins du plaisir.
(…)
Le majeur de Baldassari est désormais bien ancré dans l'intimité moite de Chastity jusqu'à à la deuxième phalange, tandis que son pouce tourne autour de son clitoris en un mouvement circulaire et régulier.
- Entendez ce tourbillon, cette spirale qui monte pour ne pas redescendre. Ce mouvement isochrone, cette montée vers les cieux et l'extase...vers la petite mort. Violetta chante son insouciance...Écoutez le contre mi-bémol de fin, ressentez-le au plus profond, ajoute-t-il en enfonçant son doigt plus avant.
Chastity a tôt fait de perdre toute retenue. Les jambes écartées sur son siège, elle tient sa robe au-dessus de ses genoux. Elle est persuadée qu'on l'observe, leur ménage ne peut pas ne pas être passé inaperçu dans les loges voisines. Elle pousse un profond soupir, abandonnée dans son propre plaisir :
- Tu veux que je te parle de spirale ? Je vais te prendre dans ma bouche et faire tourner ma langue autour de ton phare, marin d’eau douce…
Baldassari la regarde avec dans ses yeux brillants la même concupiscence que celle du satyre dans sa chambre, celle du fauve hypnotisant sa proie :
- Oui …. d'abord le deuxième acte ! Et qui dit deuxième acte… dit deuxième doigt !
Scène d’action
Les poumons en feu, Chastity avise la carcasse calcinée d’un char, planté au milieu du carrefour de Kronprinz Avenue et de Worringerstrasse. La bête est désormais inoffensive, un tir bien ajusté ayant fait sauter la tourelle qui gît contre le flanc du panzer décapité. Dans la pénombre, en s’y glissant dessous, il fera un abri temporaire. Le temps de reprendre mon souffle. Chastity dispose d’à peine quelques minutes d’avance sur ses poursuivants, ralentis dans leur progression par leurs déguisements.
Alors qu’elle s’accroupit dans la poussière, deux Jeep surgissent de la Worringerstrasse, slalomant à toute vitesse entre les décombres. Les véhicules ont à peine stoppé que des soldats en jaillissent, armes au poing. Blyat !... La cavalerie… manquait plus qu’eux ! Je suis coincée ! fulmine Chastity. Les Américains prennent position dans les immeubles en ruine de part et d’autre de la rue. Elle entend distinctement le clic-clac du levier d'armement d'une mitrailleuse. Un officier prend alors la parole :
- Eh, les Popoff, vous êtes ici en zone américaine ; alors on baisse ses armes et on rentre tranquillement baiser sa sœur, d’accord ?
Pour toute réponse une rafale vient cueillir l’homme qui s’effondre sur un tas de briques.
- Pas bon, pas bon du tout ça, grogne Chastity.
Par réflexe, elle vérifie son Lüger. Quatre balles dans le chargeur. C’est peu. Certainement insuffisant pour espérer sortir de là avec gloire et fracas. Un déluge de feu s’abat brusquement sur les Russes. Un instant décontenancé, les Yankees répliquent en rendant à leurs adversaires la monnaie de leur pièce. Au centuple et au calibre 7,62 mm. La mitrailleuse se met en branle dans un chuintement métallique et arrose méthodiquement l’autre côté du carrefour. Un arbre qui avait par miracle survécu à douze années de national-socialisme et aux combats d'avril, s’effondre dans un craquement lugubre. Les vitres volent en éclats, des mottes de terre et des éclats de pierre sont projetées dans la nuit.
Puis le silence.
Le silence morbide, alourdi par l’odeur de poudre et de poussière sèche. Une odeur fumée, à la fois astringente et un peu sucrée…
- Cochons de fascistes, crie l’un des Russes en retard d’une guerre.
- Salopes communistes, fuse la réponse. Puis, à nouveau le fracas des armes. Des deux côtés cette fois-ci. Le staccato rapide des pistolets-mitrailleurs, la détonation sourde du Garand et celle un peu plus aiguë du Mosin-Nagant … L’odeur de la poudre est toujours la même, quelle que soit la nationalité de celui qui tient l’arme songe Chastity. Elle devine à la maladresse de leurs tirs que les Russes sont tous ivres morts. Schlass, peut-être, mais numériquement supérieurs… et l'ébriété n'a jamais empêché l'Armée rouge de faire beaucoup de dégâts. Au contraire. Les balles sifflent, ricochent sur la pierre et le blindage du char, même quelques bouteilles de vodka vides retombent au sol dans un bruit de verre brisé. Prise entre deux feux, coincée au milieu du carrefour, Chastity est en très mauvaise posture. Impossible de fuir… surtout ne pas tomber entre les mains des Russes déguisés en soldats napoléoniens, et encore moins celles des Américains. Au moins, ces derniers n’ont pas encore deviné sa présence….
Description
Fille ordinaire prise dans la tourmente extraordinaire de l'Histoire, Yelena Jaroslava Volodia naît le jour de la Révolution d’octobre, le 7 novembre 1917. Elle n'a jamais connu sa mère : morte en couche, dit-on. De son père, elle garde un souvenir diffus. Professeur d'anglais devenu concierge dans un immeuble décrépit de la banlieue moscovite, elle en a l'image d'un homme érudit mais simple, sévère mais juste. Malgré leur pauvreté – ou peut-être grâce à elle - ils forment une famille unie. Il lui apprend l'anglais, elle découvre l'amour dans Shakespeare, le romantisme avec Walter Scott, et le don de soi chez Thackeray. Ce sont des années à la fois dures et douces. Son père meurt de phtisie l'année du cinquantième anniversaire de Staline, triste ironie pour celui qu'il appelait « le montagnard du Kremlin » .
Comme pour tous les enfants nés le Jour de la Révolution, la Mère Patrie a des grands projets pour Lena. Sa valise dans une main et l'étoile rouge des Octobristes dans l'autre, elle est envoyée dans une école de Jeunes Pionniers, à Krasnoperekopsk, en Crimée. Là, elle y découvre le matérialisme historique en même temps que les émois de l'adolescence. Elle a son premier orgasme, les doigts luisants, le 1er décembre 1934, jour de l'assassinat de Kirov, qui marque le début des purges staliniennes. Yelena comprend rapidement qu'elle est différente de ses camarades: les livres qu'elle a lus, les choses apprises par son père font d'elle une personne à part. Yelena fait l'expérience du libre-arbitre et les filles l'attirent aussi bien que les garçons... et elle dévore les deux avec avidité.
Après le temps des foulards rouges brandis lors des défilés, des moissons de blé sous la torpeur estivale, des mains sous les chemisiers blancs et frémissants d'Oksana ou d'Evegnyia, vient celui de l'orage d'acier.. Lorsque la Guerre arrive, Yelena travaille dans une usine de bromure à Leningrad, en se rêvant un destin d'héroïne comme dans les livres lus jadis. Le siège de la ville est pour ses habitants une épreuve atroce. Lena s'illustre dans les combats, un peu par hasard d'ailleurs, et se forge une réputation de grande témérité. Alors que l'issue du conflit mondial ne fait plus aucun doute, elle est approchée par le général Vassili Vassilievitch Kouliguine, qui lui révèle – preuves à l'appui – que son père n'est pas son père. Souhaiterait-elle en savoir plus ? Justement, le général souhaiterait lui faire une proposition...
Physiquement ? Comment dire … Yelena est, selon nos critères contemporains, très bien gaulée : longue chevelure brune, silhouette musclée sans excès (ancienne capitaine de l'équipe de natation des Pionniers de Crimée, les Flèches de Staline), seins bien ronds aux tétons arrogants (surnommés aussi les Flèches de Staline par ses amant-e-s). Ses yeux en amande, gris, prennent alternativement la lumière d'un ciel d'orage en été ou la matité de l'acier d'une baïonnette. La finesse et la clarté de sa peau font douter ses interlocuteurs de son âge : elle a, alors que commence l'histoire, presque vingt-huit ans; on lui en donnerait pourtant dix de moins. Lena est belle, mais d'une beauté atypique: ses traits sont réguliers, bien proportionnés, on plonge dans son regard en espérant ne pas remonter à la surface … et pourtant il manque à son visage une petite étincelle qui le ferait irradier, ce petit détail qui fait que la beauté illumine et rayonne. Est-ce parce que Yelena est une très belle femme... mais qui l'ignore ?
Bien documenté.
· Il y a plus de 13 ans ·Marcel Alalof