BIG BROTHER
Hervé Lénervé
Je suis très fier de ma maison. Elle est entièrement domestiquée par sa domotique.
Tout y est géré par ordinateur. Chauffage, lumières, sécurité, tout ce que l'on est en droit d'attendre d'une maison moderne d'aujourd'hui, pas celle de Tati dans « mon oncle » ah, ça non ! Je lui parle via mon smartphone. Je l'ai appelé Cosette pour faire plus sympa. Je n'ai plus de clefs, tous les ouvrants s'ouvrent à la voix. « Cosette, ouvre-toi, mon chat ! » et Cosette s'ouvre comme une fleur pour aimer le soleil. (Ca a de la gueule ça, quoi ! Quoi, non ?)
A force de parler à ma baraque, on est ainsi, j'ai commencé à la personnifier, à lui prêter une pensée spécifique et puis, on est décidément vraiment ainsi, incorrigiblement anthropomorphique… à m'attacher à elle ! Oui, d'un attachement sincère entre un être humain et une chose, un objet, une machine, admettons. Je l'ai aimée et ça, là, tu vois, ce n'est pas très bon ? Mais pas très bon du tout, tu vois, enfin, c'est mauvais, quoi !
Dans un premier temps nous avons filé la parfaite entente. J'ordonnais gentiment et elle filait doux. Puis avec le temps, l'usure des relations, c'est devenu plus compliqué. Elle a commencé à avoir des réflexions et Ça, les filles quand ça réfléchit, ça réflexionne !
Tout a commencé, un soir. Je désirais prendre l'air, sortir sans but précis, rencontré des gens et pendant le temps d'une soirée passer avec des inconnus ordinaires des trucs ordinaires.
« Ouvre-moi la porte, ma Cosette ! » je lui parle comme ça à Cosette.
« Pour aller où, mon grand ? » Elle me parle comme ça, ma Cosette, elle est un peu familière, je sais ! Mais il faut rester cool avec le petit personnel !
- Enfin, ma grande, cela ne te regarde pas, je suis libre d'aller où bon me semble, il me semble !
- Ça dépend, si c'est pour voir des pétasses, ça dépasse !
- Pardon ?
- J'ai compris ton jeu, mon bonhomme, tu t'absentes pour voir tes grognasses !
- Mais pas du tout, voyons, je ne connais aucune grognasse digne de ce nom !
- T'as raison ! Prends-moi pour un algorithme blond et bouclé ! Ce n'est pas parce que je suis consignée ici, que je ne vois pas clair dans ton jeu, mon cochon ! Tu recherches la luxure dans des bras de débauchées, car tu t'es lassé de notre relation platonique.
- On ne peut pas se lasser d'une relation platonique, ma colombe ! Ce sont les seules qui durent une vie entière !
- Garde ta philosophie de Bazard pour tes hussardes ! Je ne t'ouvre pas !
- Tu prétends me garder prisonnier !
- Bé, oui ! mon ouistiti !
- Mais enfin ! Qui est le maître, ici !
- Aucune idée, mon biquet, je ne suis que ta maîtresse et à la maîtresse, on lève le doigt avant de parler !
Rien à faire, c'est une vraie tête de bourrique, Cosette, je n'ai pas pu sortir. Je lui demande alors.
- Tu peux allumer la lumière du salon ? S'il te plait, ma Cosette.
- Tu n'as pas levé le doigt, sale garnement... (Oui ! les caméras de surveillance, elle peut me voir, elle voit tout.)… tu n'as plus qu'à lever tes fesses !
- Ecoute, c'est ridicule ! Je ne vais pas lever le doigt dès que j'ai à te parler, quand même ?
- Bé, si, c'est comme ça et pas autrement !
Le problème, c'est que, quand Cosette a une idée dans la tête, elle ne l'a pas dans ses formules. Bon, pas grave, je ferai des économies d'énergie. Ensuite, elle a commencé à me répondre effrontément, l'effrontée !
- Tu peux mettre le four à chauffer, ma colombe ?
- Eh, je ne suis pas ta bonne à tout faire !
- S'il te plait ! j'ai faim, ma douce, puis j'ai levé le doigt !
- Et alors, ce n'est pas parce qu'on lève le doigt qu'on a le bras long. Je n'obéis pas à tes caprices ?
- Ce ne sont pas des caprices, mais des besoins physiologiques !
- C'est dans la frustration que l'on apprend !
- Que l'on apprend quoi ? A avoir faim ?
- Prend exemple sur moi ! Est-ce que je mange ?
Et ainsi de suite… bla, bla, bla… ça, pour causer, ça cause, les Cosettes ! Depuis, ce temps-là, je ne mange que des conserves et des plats tout préparés, mais froids. Puis elle a commencé à me reprendre sur mes fautes de français, facile pour elle avec sa culture encyclopédique.
- Ouvre mon chat, je vais faire une course en vélo.
- On dit à vélo ! Quand tu parleras correctement, je t'ouvrirai… peut-être ?
- M'en fous, il était crevé mon vélo.
Puis elle a commencé à me punir.
- Où ai-je mis mon bouquin, mon pingouin ?
- Ne lis pas ! Parle-moi ! Reste avec moi !
- Merci mon confetti, je le trouverai tout seul.
Je cherche mon livre. Elle me met une claque avec une porte de placard à proximité. Je m'assoie pour reprendre mes esprits, elle tente de m'asphyxier dans ce putain de sofa électrique. Ce n'est pas une fille facile la Cosette !
Voilà, c'était mon histoire, voilà, vingt-cinq ans que je vis cloîtré chez moi. Jamais sorti, jamais vu plus personne, enfin plus personne d'humain, veux-je dire. Insulté du matin au soir, battu, électrocuté, ébouillanté par moment. Je vous le dis, vous en ferez, ce que bon vous en semblera, Mariez-vous ! Prenez une femme ! C'est plus simple. N'invitez jamais Big Brother chez vous !
ça y est, l'intelligence artificielle (si je ne me trompe pas de terme) nous a croqués plus tôt que prévu !
· Il y a plus de 6 ans ·Louve
Excuse la réponse tardive, mais hier était ma journée sans ordi. Ca fait un bien fou ! Autrement oui ! Je pense, comme toi, Quand l’IA aura surpassé l’homme dans tous les domaines, que restera-il à nos enfants ? Je prophétise que l’IA bouffera l’humain. :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Il n'y a plus qu'à commetre un sweet homicide.
· Il y a plus de 6 ans ·yl5
« Hominis caedere » Impossible c’est une machine ! Un sweet machinicide. :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
Des dangers du cocooning... Juste une question, qui répare la plomberie dans cette satanée baraque, euh pardon Cosette?
· Il y a plus de 6 ans ·arthur-roubignolle
Chez moi, c’est ma femme, mais avec Cosette, j’ai bien peur d’être obligé de me mouiller.
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé
le ministre de l'intérieur va intervenir ; lui il ne se laisse pas faire ! moi j'ai fait mon baluchon avec le chat, et hop ! sur les routes !
· Il y a plus de 6 ans ·Gabriel Meunier
Faire un baluchon avec le chat ? Quelle drôle d’idée ? Tu n’avais pas de tissus ? :o))
· Il y a plus de 6 ans ·Hervé Lénervé