Bonne année

prejudice

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9…

8…

Je sens cette gêne s'immiscer en moi, soudaine et culpabilisante à la fois, elle vient à point nommé, au cœur de l'excitation des autres et nourrit mon malaise troublé. Le compte à rebours est plus grave, alourdi d'une tension qui ne regarde que moi.

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6…

La fête est omniprésente et je me liquéfie, une coupe de champagne à la main, le goût du macaron sucré encore dans la bouche pâteuse de toujours trop. Les effets de l'alcool se sont dissipés bien vite cette année, ils ne peuvent plus ma rattacher à l'ambiance, m'unir au tout de l'euphorie et constituer ce baume apaisant de mes angoisses de nouvel an.

Bien-sûr je sourie. Bien-sûr je suis heureuse. Mes frères sont mes meilleurs amis, j'étudie, je parle trois langues étrangères, j'ai des projets d'écriture, des projets, de beaux projets. Mais tous les ans, j'ai cette petite boule au fond de la gorge, certainement pas la même que ma grand-mère a, non, pour elle le temps est l'ennemi depuis maintenant vingt ans. A la cinquantaine elle parlait déjà de mourir, j'ai toujours trouvé cela affreux et manipulateur. Non, cette petite boule dans la gorge est faite tout à la fois de questions et d'espoirs tristement vécus.

Je voudrais que l'on soit heureux pour de réelles raisons et en même temps que l'on se satisfasse de peu. Je voudrais être plus exigeante en étant moins dure. J'ai l'espoir de faire mieux sans me rendre malade de ce qui ne va pas. Je veux être généreuse sans me bousiller, donner plus tout en me protégeant. Et cette promesse qui est la mienne tous les ans, je ne sais pas encore la respecter. Alors je me gêne, m'interroge et observe en silence les émotions de ces instants mesurés, de ces dernières secondes symboliques qui s'écoulent rapidement.

5…

4…

Cette année, tante Mathilda a survécu aux allers-retours à l'hôpital, Venise bientôt submergée, le froid rattrape la chaleur, le soleil fait fondre le verglas plut tôt, de la grêle interrompt nos pique-niques en mai, dans la discontinuité la plus totale la nature se rebelle aux côtés de ses hôtes imbéciles. Le papa est au chômage. La mama est déprimée. Pourtant, je peux vous assurer que ces quelques secondes chronométrées à la télévision et redoutées des célibataires sont heureuses. Ce ne sont ni les petits feuilletés ni les blagues réchauffées de l'oncle un peu lourd qui les rendent spéciales. Je dirais que c'est davantage l'espoir d'un mieux qui leur donne de la gaieté.

3…

2…

Mais sans doute est-ce là le problème. L'espoir du bien devrait se substituer à l‘espoir du mieux. Saisissons nous des bons instants de notre vie, sans se reposer sur ce qui va suivre, sans redouter ce qui était, à la quête du mieux préférons le bonheur, le simple bien, car il est à notre portée.

1…

Bonne année à tous !

  • Ce texte est très beau ! Bonne année au passage. :)

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Btvwdficaaavjqp

    Léonardo Di Carpaccio

  • Bonne année à toi !

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

  • Cette année je suis alée chez une amie, puis pensant recevoir quelq'un d'important - genre mon futur mari - je suis rentrée à 23h20, avec mes enfants qui étaient épuisés et mon amie qui avait fait tout ce trajet... et je lis ce texte...je n'ai souhaité la bonne année qu'à ma mère au téléphone et mon amie en lui serrant la main...
    ce fut un réveillon de merde...bravo

    · Il y a plus de 5 ans ·
    00

    gone

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