Botte secrète

Sophie Marchand

il a chu et j’en suis restée marrie

48, 49, 50, 51 bougies !
Je l'avais pas sentie passer cette année-là ; j'ai fermé les yeux, retenu ma respiration lors du passage fatidique (à 8H45) en pensant …pas vu, pas pris… Eh puis si ! il m'est arrivé un truc incroyable le soir même. Pour la première fois depuis près de 30 ans, j'ai loupé mon effet, ma botte secrète, qui les laisse tous ébahis, fait qu'ils en restent comme deux ronds de flan avant de s'esbaudir.
Ce sont des années d'entraînement et de pratique, évidemment ça je ne leur dis pas… ; je leur dis « c'est rien, c'est génétique, mon papa était basketteur », ça les fait rire bien sûr, c'est déjà bien et après ils en redemandent, il faut que je leur refasse le coup chaque fois et parfois pas qu'une fois !
Pourtant ce n'est qu'un simple préliminaire de rien du tout mais l'effet est garanti, pas un échec en 30 ans…
Ben oui un préliminaire. Le sujet t'intéresse on dirait, mmh ? Tu meurs d'envie d'en savoir plus, je le vois dans tes yeux qui se sont mis à briller !
Bon, j'hésite…une botte secrète par définition, ça ne se livre pas comme ça, ça se mérite…
Enfin, aujourd'hui je me dis qu'il est peut-être temps de la faire passer à la postérité même s'il n'est pas question que je passe la main.
Alors, Voilà. Au moment de l'effeuillage réciproque, je dis « stop » ce qui les perturbe quand même un petit peu je dois le dire puis j'enchaîne « tu vois le portemanteau là-bas ? » « Oui » qu'ils me disent plus ou moins interloqués, se demandant où je veux en venir. Alors attrapant mon soutien-gorge par une extrémité, je le fais tournoyer comme un lasso au-dessus de ma tête et je l'envoie valdinguer et se ficher en plein dans le mille, en bref s'accrocher à la patère.
Je t'assure que certains applaudissent et même me disent « encore ! » Évidemment je ne me fais pas prier, je renouvelle l'exploit. Tu peux pas t'imaginer comme cette affaire-là les émoustille ! un véritable aphrodisiaque…
Mais ce soir-là où j'achevais la première année de la deuxième moitié de mes cent ans, patatras ! le soutien gorge s'est écrasé lamentablement, comme si la machine s'était enrayée ; il a chu, oui, il a chu et j'en suis restée marrie.
Lui, il n'a rien dit, n'a même pas osé me regarder mais j'ai bien vu que le coup était rude, qu'il était déçu comme s'il n'avait pas eu son rituel.
Ce que je vais faire ?
Ben, quelle question, je vais changer ma paire de lunettes…ma vue qui a baissé, voilà ce que j'ai gagné cette année !



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