Cavalcade
petisaintleu
Durant quinze ans, il avait arpenté le monde, se construisant un bestiaire de la misère humaine. Il ne s'était jamais fourvoyé avec les associations humanitaires qui avaient pignon sur rue. Il les avait vues à l'œuvre en 2004, après le tsunami, débarquant avec des 4x4 flambant neufs devant les caméras. Une semaine plus tard, la plupart n'avaient laissé sur place qu'un étique bataillon pour s'assurer a minima que l'aide d'urgence ne partait pas entre les mains de réseaux mafieux. Il avait préféré louvoyer d'un continent à un autre. Ce ne sont pas les crèves la faim qui manquaient en Roumanie, en Inde ou au Pérou.
Grâce aux rentes amassées par les générations précédentes, des industriels besogneux qui avaient su construire une fortune sans la dilapider, il disposait d'un confortable budget annuel de cinq cent mille euros. Il n'en dépensait guère plus de vingt milles à titre personnel, la majorité dans les avions. Sur place, il la jouait intégration locale, se contentant de gargotes où pour cinq euros il avait le gîte et le couvert.
Pendant très longtemps, il ne posa pas de questions existentielles. Il œuvrait sans préjuger des autres, des non-agissants. Il n'avait pas la prétention d'être un saint ou un donneur de leçons. Son engagement s'était construit de manière déductive. Il n'avait aucune appétence pour l'argent et il avait toujours fui les mondanités dont il aurait dû être un des fers de lance. Pendant très longtemps, il avait été catholique, non pratiquant. Il se contentait de lire le Nouveau Testament, persuadé en son for intérieur, que les conciles n'avaient été qu'une succession d'arrangement séculiers faits pour dénaturer la parole originelle. À ses yeux, le Christ devait se comprendre de manière littéralement biblique, sans fioriture, envoyé pour passer un message de paix et d'amour. Instinctivement, il opta pour aider les plus démunis.
Puis, il tomba amoureux. Il décida de ramener sa Malgache en France, de se marier, d'opter pour un travail plus casanier, de lui faire des enfants. De jour en jour, l'amour et l'attirance physique s'étiolèrent, entretenus par une routine qu'ils ne surent pas casser. En parallèle, il supportait de plus en plus mal son environnement matériel. Il les avait côtoyés tous ces invisibles, esclaves des usines textiles au Bangladesh ou des mines de coltan au Congo qui finissait dans nos smartphones. Petit à petit, il supporta de moins en moins l'uberisation, la selfisation et toutes ces dérives d'un monde occidental à vaux l'eau.
Il fit la connaissance du Père Albert ; un choc. Il fut conforté dans sa foi par cet ecclésiastique iconoclaste. À plus de quatre-vingt ans, il pouvait se permettre de s'affranchir des convenances et de préparer sa venue auprès du Très-Haut en soulageant sa conscience. Il prêchait un catholicisme où il aimait à rappeler que Jésus était venu pour accompagner d'abord les putes, les pédés et les renégats. C'est alors qu'il fit la connaissance d'Emeline.
Au début, il culpabilisait. Les relations avec son épouse, à défaut d'être sexuelles, étaient courtoises. Il se sentait honteux de rentrer au bercail dans la blancheur du petit matin, après avoir prétexté une sortie avec un ami célibataire qui lui servait d'alibi. Puis, il se fit une raison, qui tenait d'un bon sens moral qui n'allait pas de soi au début de ses infidélités. Il avait toujours été d'une très grande rigueur pour se battre aux côtés des laissés-pour-compte. Il n'avait jamais laissé tomber les plus humbles. Et, avec Emeline, ils s'étaient trouvés des accointances intellectuelles et surtout salvatrices dans leurs confidences de leur enfance esseulée, terreau propice à réclamer des montagnes de libido.
Alors quand il l'eut compris, il fit la paix avec lui-même. Quand Emeline se faisait chienne, suppliant de se faire traiter comme une salope, il comprenait la catharsis. Quand elle se cambrait, réclamant que son sexe vienne baiser son cul fort et profond, il prenait cela comme une boutade salvatrice. Quand le soir il regardait les news, ces tombereaux d'exhibitionnisme pour satisfaire les peurs et pour pousser à s'enfermer dans l'égoïsme consumériste, il était heureux de repenser à Emeline, et aux plaisirs bien innocents qu'ils avaient à se faire jouir.
Ah! un peu de douceurs pour noël ;)
· Il y a presque 9 ans ·ça va bien à ton style la provoc' de la chute!
c'est le contexte qui fait qu'on ne retient que la vulgarité je crois, là il s'excuse presque qu'ils soient attirés l'un par l'autre
Mais t'ira pas chez harlepinpin toi non plus ;)))
julia-rolin
Ce père Albert est vraiment extra ! Et tout à fait dans l'esprit du Pape François.
· Il y a presque 9 ans ·veroniquethery
L'amour nous sauve ! C'est la main, le corps que l'on saisit pour oublier le reste.
· Il y a presque 9 ans ·Louve