Ce que nous dit la source

Que nous dit la source,
qui prend naissance, claire
au pied des rochers de mousse ?
Une part d'éphémère
confrontée à l'éternité 
sous les remparts de pierre ?

Mais quels murs aussi solides
soient-ils, résistent aux millénaires
avec cette eau limpide
qui court, impatiente,
s'infiltre dans la plus petite faille,
la moindre fente
pour devenir la reine
du royaume calcaire :

elle devient souterraine
à l'abri de l'air
élargit son domaine
avec un petit murmure
dans l'obscurité la plus totale,
contourne les roches les plus dures
pour sculpter de grandes salles :

des gouffres sans limite
au silence cathédral,
où tout se fait
sans que l'on construise
les piliers stalagmites,
temples secrets,
sans cloche d'église
où le temps paresse
aucune messe
n'a lieu :

ici, Dieu
n'a pas encore été inventé,
car tout se passe sous terre,
dans un monde inversé
et les prières
se heurteraient sans doute
aux parois irrégulières
qui n'accrochent pas de lumière :
car rien n'émerge
du lac de silence,
hors le patient goutte-à-goutte
noyant la lueur dérisoire des cierges.

C'est une autre dimension
livrée à la césure
des sensations,
si on évoque la sculpture
des instants
n'ayant aucune mesure
avec la proportion
de la vie humaine
quand on contemple la fontaine,
qui jaillit fraîche et glacée,
au bas de la falaise,
entre deux rochers...

RC