Ce serait parfait pour les enfants
victoria28
C’était une petite maison qui était à vendre depuis quelques semaines. Elle était trop chère pour eux mais ils avaient demandé à visiter quand même. A vrai dire, ils n’avaient pas l’idée d’acheter. C’était elle qui avait insisté. Ils voulaient voir, par curiosité.
Le vendeur leur avait donné rendez-vous à 14 heures. Il faisait très chaud pour un début d’été. Ils étaient arrivés un peu en avance, et ils se promenaient devant la grille écaillée en jaugeant la qualité des voitures garées le long du trottoir. C’était un bon quartier, avec la gare à côté, Paris à quinze minutes, et les écoles pas loin non plus avait dit le vendeur en les guettant du coin de l’œil. On allait construire une crèche au bout de la rue. Ce serait parfait pour les enfants.
Le pavillon des années 30 sentait le vieux avec ses carreaux noir et blanc et son papier peint délavé. Elle avait regardé les chambres, la grande en bas pour eux, les deux plus petites en soupente, et le jardin mal débroussaillé. Tu as vu il y a un pommier avait-elle dit, et un cerisier tout au fond. La poussière volait dans la lumière de juillet. Lui examinait l’électricité en s’inquiétant d’avoir à la refaire. C’est vrai qu’il y avait du travail, avait dit le vendeur. Mais quand on est jeune. Sa voix résonnait dans les pièces vides. C’était une jolie maison. Elle partirait vite. Il leur conseillait de ne pas trop tarder pour faire une offre.
Ils étaient rentrés en se tenant par la taille, chacun perdu dans ses pensées. Sur le quai du RER il avait brusquement dit allons à la banque, d’une voix hachée. Elle avait dit tu crois ? Il avait essuyé la sueur sur son front. Il n’avait pas répondu. Elle avait pris rendez-vous pour le lendemain matin.
Après leur rupture elle s’était installée dans un petit immeuble à quelques rues de là, dans un deux-pièces un peu sombre. Sur le chemin de la gare elle faisait chaque jour un crochet pour passer devant la maison. Elle s’arrêtait en face des grilles rouge vif. A la longue, les enfants avaient fini par ne plus la regarder. Elle lisait les noms sur la boîte aux lettres. Parfois, elle croyait voir son profil derrière les rideaux tirés.
Après avoir lu ce texte j'ai lu les autres évidemment ! J'ai découvert un auteur, c'est pas si courant. "Le vendeur" et "la cliente" sont très réussis, "J'aurai ta peau" est peut-être mon préféré...enfin je me fais pas de soucis pour toi, on sent le souffle, ça enroule...
· Il y a presque 14 ans ·P M
Touchée par l'émotion. Bravo, c'est très réussi !
· Il y a presque 14 ans ·mls
C'est violent effectivement, mais comme le sujet traité... Je trouve aussi que c'est un très joli texte
· Il y a presque 14 ans ·sushi
J'aime toujours autant ton style. On s'y croit, les descriptions sont excellentes et les détails savoureux.
· Il y a presque 14 ans ·Tout petit bémol pour l'ellipse, un peu brutale à mon goût (mais sans doute était-ce l'effet cherché) ;)
grenouille-bleue