Céleste

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                           CELESTE

                                                             Par Dora B .

Ma mère, cette pute, gloussait dans la pièce voisine avec son nouveau mec . Son psy devait être content d’elle, elle avait enfin décroché des beaux gosses fauchés pour un vieux de son age, qui rangeait ses Todds dans l’entrée et posait son Figaro sur la desserte. Parfois, sans doute quand elle venait de lui faire une pipe ,j’entendais le monsieur s’écrier : « Ah Mon Dieu ! » , et elle , elle riait aux éclats. J’aimais bien quand elle était de bonne humeur, j’avais la paix, ensuite elle somnolait toute la soirée, béate. Je cherchais des restes de nourriture dans la cuisine, le type apportait souvent des plats de chez Fauchon . Je calculai mes heures de tranquillité au  nombre de bouteilles vidées , car ça picolait sec. 

A 14 ans, j’avais le charme incandescent des petites femelles trop vite exposées au monde du sexe . J’étais aujourd’hui la copie conforme de l’adolescente qu’elle avait été, le même corps, aux jambes longues, à la carnation pâle . J’ai été longtemps jalouse de sa beauté froide, genre Isabelle Huppert et puis c’etait elle qui s’est mise à me regarder avec une insistance malsaine  . J ‘ avais parfois l’impression que,  face à moi, un vertige la prenait .  Elle aurait pu poser ses lèvres sur ma bouche comme on embrasse son miroir.  Quant à moi, je ne supportais plus qu’elle me touche , ni ses blagues  débiles quand elle  me parlait  du chat en disant « ta sœur ».  Malgré tout , je ne pouvais  m’empêcher de venir dormir dans son grand lit tiède qui sentait Allure, le parfum que je lui ai toujours connu ,que j’ai respiré quand je la tétais.

Je n’ai jamais su qui était mon père, sur ce sujet, elle était mutique , et comme elle collectionnait les vierges avec une obstination louche, j’avais fini par imaginer qu’elle était peut-être la seule , depuis Marie, à s’être retrouvé encloque sans s ‘être fait baiser , qu’elle avait, sorcière moderne, inventé un type de  clonage  que venait confirmer cette incroyable ressemblance , une insémination dont le secret était connu d’elle seule, ce qui faisait de moi un être exceptionnel, fille de l ‘ esprit et non de la viande.

Dans un ryad à Marrakech,cette ville sans portes,pour la première fois , j’avais vu ma génitrice entre les jambes d’un homme . Elle le prenait dans sa bouche . Un choc électrique m’a parcourue  des orteils à la racine des cheveux et cette image est restée imprimée dans ma rétine , entre traumatisme et révélation .   Je n’ai jamais oublié la gueule du mec , ses yeux blancs d’extase ,ses soupirs d’agonie .

Parmi ses amants, il y avait eu cet italien rencontré sur  Internet , de 15 ans son cadet .  Comme il était un peu empâté et fringué façon sdf ,la différence d’age ne se remarquait pas trop . Elle admirait son talent d’écrivain , moi , je le trouvais grotesque avec son début de calvitie et ses T.shirt à slogan .Dans un court roman, il racontait ses aventures sur les sites de rencontres. Il avait fait de ma mère l’un des personnages , une femme séropositive dont il profitait pendant qu’il tirait son coup à droite à gauche. Ma mère était très fière de ce petit torchon  qu’il lui avait dédié. Elle m’ avait interdit de le lire, j’avais du le faucher  au Virgin. Un passage m’avait donné envie de gerber :

 page  114 :» Elle me laisse les clés de son appartement. Je reste des après-midi entiers à fumer dans son lit . A feuilleter des revues féminines, à fouiller dans les tiroirs,à me branler sur les culottes sales de sa fille. » ,

J’avais pété un câble . Qu’il l’ai fait ou pas, ce n’était pas la question, qu’il ait pu avoir cette pensée était immonde ,dégueulasse .Sale con. Sale pute. Je me vengerais. Quand je serais forte, quand je serais belle,quand je serais guérie. Je le briserai, je détruirai chaque morceau de sa vie de pourri. Pour qu’il comprenne qu’on ne fait pas ce genre de choses, qu’on ne baise pas la mère en fantasmant sur  la  gosse . Est-ce qu’il pensait à moi en l’embrassant elle ? Parce que maintenant, je m’en rends compte, rien n’était anodin  ,

 Page 59 «  Il m’arrive d’acheter un livre pour l’offrir, en guise de bienvenue dans ma vie, à une fille qui m’intéresse particulièrement. C’est toujours le même ,  Dora Bruder  de Modiano, un roman qui raconte la quête d’un fantôme . » 

 C’est comme par hasard ce livre qu’il m’avait offert pour   mon 13ème anniversaire,avec cette dédicace: « Pour Céleste, splendide gamine, la vie qui s’ouvre comme un livre. »

Dans notre appartement de famille monoparentale, il n’y avait aucune place pour l’intimité . Je connaissais tous les petits  tiroirs secrets ,  avec le gel lubrifiant, ah oui, la sécheresse vaginale,la pauvre, la ménopause ( moi, mon petit organe est mouillé en permanence, trempé d’un  joli jus ), un collier clouté, un petit god en silicone bleue, et des préservatifs taille XXXL ( toujours un peu mytho,  , la daronne). Quelques serre-tailles  des culottes fendues, des bas Victoria Secrets, qu’ elle pourrait tout aussi bien les acheter chez H&M, vu l’usage qu’elle en fait, puisque je les retrouve en lambeaux dans la poubelle avec les restes lacérés de nuisettes (que le mec achète chez Tati ,lui , pour mettre en scène ses fantasmes glauques sans trop exploser son budget de cadre radin ) .

 Souvent livrée à moi-même, je surfais sur le net et pas que sur Facebook . Internet, cette grosse machine molle, est en fait très facile à gruger .  A la question : «  Etes-vous agé de plus de 18 ans ? », il suffisait de cliquer sur Oui et on  entrait, royale. Pour aller plus loin, il était demandé  les coordonnées d’une carte de crédit  et comme j ‘avais mémorisé celui de ma reum, je pouvais m’aventurer encore plus loin.

J’adorais YouPorn. J’adorais toutes ces petites vignettes animées, celle en appât de la fille aux énormes fesses qui s’agite sur le ventre d’un mec en lui serrant le cou, puis lui fout une grosse claque en montrant les dents ,dans un retroussis féroce  de babines. Il faut dire qu’avant , il lui inonde le cul d’huile et lui entre la main entière dans le fion. Pas étonnant que ça la rende enragée, moi aussi je serai vénère.

 Surtout, j’étais fascinée par les live cams : un visage , un bout de décolleté, et en arrière plan, le décor de la dame, son mobilier, son papier peint . Mon imagination fertile leur inventait des histoires, comme les romans que je me fabriquais au colombarium du Père-Lachaise, avec 2 dates et un nom .

Au bout d’un moment, j’avais repéré les codes du site et  les particularités culturelles : les colombiennes mâcheuses de chewing-gum, cuisses grandes ouvertes face à la caméra, se branlant sans conviction. Les filles d’Europe de l ‘ Est, avec leurs peluches alignées sur le canapé, ravissantes et nunuches, souvent à plusieurs dans un espace (on entendait le cliquetis des claviers, parfois les gémissements tarifés de leurs collègues derrière la tenture ) . Les américaines, plus joueuses, plus bavardes . J’avais bien exploré le système grâce à mon pseudo masculin , Humbert 35 . J’avais été le plus loin qu’on puisse aller  sans payer .Je maîtrisais  le principe du Gold Show, où il faut faire monter les enchères pour que les  filles commencent enfin leur spectacle. J’avais  repéré les grosses malines. qui  allumaient les mecs et finalement ne dévoilaient rien du tout . Certaines étaient presque des sœurs de coeur, comme LollyPop4U, gracile silhouette d’elfe péroxidé , dont je connaissais par cœur la fiche , avec ses émouvantes fautes de français :

A propos de mon show : « Tout ce qui est lié au sex mais je voudrais que tu me donne des nouveaux idées . J’adore essayer des nouveaux choses avec toi toujours . Donc utilise ton imagination , amour. »

« Ce qui m’excite : J’aime fumer quand je fais l’amour, j’aimerais beaucoup avoir un orgasm avec un simple fleur, j’adore te regarder dans les yeux quand je te fais rêver. Je croix que c’est super sexy et excitant la lingerie avec dentelle « 

Moi aussi , je voulais aller dans la petite boîte , me mettre en scène, je voulais que l’on me prenne, que l’on me choisisse . Je voulais m’exhiber . Danser ma danse de fillette intoxiquée d’images et de légendes contemporaines.

« Si vous désirez travailler depuis chez vous, fixer vos propres horaires, être votre propre patron et tchatter en direct sur votre webcam, cliquez ici pour devenir un modèle dès aujourd hui . »

Un espace pour les créneaux horaires, un autre pour les commentaires 

Après il fallait remplir les rubriques : taille, poids, couleur des yeux, des cheveux, corpulence, taille du bonnet, poils au pubis, langues parlées, et « kinky attributes » : caoutchouc, pieds, gadgets, uniforms and masks, sous – vêtements .

Je voulais y ajouter : livres.

L’horaire du mercredi après midi était parfait :la mother travaillait toute la journée avec ses gosses tarés, laissant sa  précoce fillette peu farouche libre de faire ses petites expériences, héhé . J’aurais tous les profs, les instits, les surveillants de collèges, qui pouvaient être  sensibles à mes lubies littéraires .

Lolita l’effrontée était évidemment mon modèle, j’avais lu plusieurs fois le roman mais pour l’adaptation cinéma, je préférais  l’Adrian Lynn , burlesque et si  sexy .  Celle de Kubrick,comme il  l‘avait avoué, avait du se plier aux consignes de la censure de l’époque et donc la puissance érotique et l’humour de Nabokov en avaient été altérés .

 Pour mon baptême du feu, Mercredi dernier, j’avais fait fort.

  Je m’étais installée face à la caméra, jambes écartées ( sandales compensées cuir velours à brides, les ongles vernis d’un orangé pimpant). Je portais un débardeur Dim  noir , tout bête,  genre microfibre seconde peau , mais qui dessinait parfaitement le contour de mes petits seins hauts perchés et leurs pointes menues . Et un boxer Hello Kitty .

 Je tenais une Chupa Chups d’une main, et de l’autre le « Manuel de civilité pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation » de Pierre Louÿs .

J’avais planté  mon regard droit dans le petit œil froid de la cam . J’avais mis le paquet sur le mascara , Gemey_Maybelline , le Colossal Super Noir, et j’avais des yeux de ouf . Je sortis un bout de langue, passai la sucette dessus, je la fis tourner entre mes lèvres avec des petits bruits de bébé. Puis je commencai :

 Ne dites pas : « J’ai douze godmichés dans mon tiroir. »

 Dites : « Je ne m’ennuie jamais toute seule. »

Ma main descendit, d’un doigt, j’écartai l’étoffe du boxer, je fis glisser de haut en bas la boule de sucre rose dans ma petite fente  luisante de sucs, je l’insèrai un peu, à l’orée de ma vulve . Je la remis dans ma bouche, la calai dans une joue. Je poursuivis :

Ne dites pas « Sa pine est trop grosse pour ma bouche. »

 Dites : « Je me sens bien petite fille quand je cause avec lui. » .

Je terminai par un plan rapproché de mes lèvres serrées sur le bonbon qui, en un simulacre de pénétration, s’enfonçait .

Les commentaires furent dithyrambiques, j’étais aux anges . les compliments étaient nombreux, les victimes du syndrôme « sauver une pute »  étaient tout émoustillés , je ne faisais d’ailleurs  pas toujours  bien la différence avec des cyberflics à la chasse aux pédiphiles, mais je me sentais enfin exister  sous ces regards masculins .

 Aujourd’hui, j’ai enfilé la robe d’une panoplie de marquise de quand j’avais 8 ans, corselet étriqué ,  manches ballons et  dentelle synthétique sur  faux satin bleu ciel .  Elle m’est un peu trop petite mais c’est ce qui donne le coté trash si charmant . J’enclenche le truc, je suis allongée comme endormie , sur ma couette fleurie, poupée molle, mes longs cheveux blonds épars .J’ai le pouce dans la bouche , je tourne le dos à la camera . En fond sonore, Gainsbourg :

 « De son sexe corail

Ecartant la corolle 

Prise au bord du calice

De vertigo Alice

S’enfonce jusqu’à l’os

Au pays des malices

De Lewis Caroll . »

Je bouge doucement, comme si je m’éveillais. Pour me mettre en condition, j’ai vaporisé mon parfum dans  ma  chambre, Angel , barbe à papa et praline . Je remonte mes reins, position prière islamiste, la robe fait comme un rideau de théâtre, dévoile les deux hémisphères , symétriques dragées de communion , dessus les fossettes exquises de mon joli croupion et dessous  l’amande fendue dans sa crèche de boucles miel, humide , les petites lèvres que j’ai fardées avec le gloss Touche Lumière de Saint Laurent N°18  (24 euros quand même..)  de  ma  reum  qui ensuite s’en tartinera la bouche  sans se douter que le parfum un peu acidulé de ce cosmétique haut de gamme vient  de l’intime de sa progéniture .

 Me mouvant comme en rêve, j’écarte les globes blancs , mes fesses angéliques et malicieuses, de mes  ongles vernis en bleu lagon, un peu écaillés, et je dévoile une raie toute nette, rehaussée de rose tyrien , Là , il me manque un zoom pour que le spectateur puisse jouir du spectacle, mais j’ écarte bien  à 2 mains , l’ouverture moite et vernie de jus , et  j’expose le petit trou froncé frémissant , point aveugle du désir,  que je vais forer de l’index.  Je porte ensuite à ma bouche  et je le lèche,  je le suçote d’un air mutin .

 Puis la dentelle des nymphes et le pépin oblong, le grain de riz, toute petite éminence si  sensible,  que je dégage de son capuchon.

J’imagine tous ces mecs derrière leur ordi, en train de se tirer sur la queue, les mêmes sûrement qui rétabliraient la peine de mort pour les abuseurs d’enfants .

Dans ma cage de verre , je me branle, enfin je fais semblant, je mime ce que j’ai vu faire sur les écrans, mon plaisir est bien plus cérébral que physique, et pourtant des nappes de chaleur irradient mon ventre. Je m’imagine, pure petite pute sur les genoux d’un homme sans visage, me lovant dans l’embrassade sale d’un père ravi face à une mère qui chiale. Je séduis tous les papas, les mamans peuvent crever, je suis enfin la préférée . Toute à mon scénario oedipien, je ne maîtrise plus  la chaleur qui se fait plus intense, je me crispe sur le matelas , je me frotte sur mon nounours calé entre mes cuisses , j’ai chaud , des vagues roulent l’une après l’autre du bout de mes doigts au creux de mon ventre , je halète , je ne veux pas crier. L’orgasme vient me terrasser et  me laisse pantelante, comme un petit animal sacrifié .

-« Céleste, je sors. N’oublies pas ton cours de maths à 18h ! »

Merde, je l’avais zappé, celui-là . Maman m’a trouvé un étudiant de l’école des Mines ,copain du copain du fils d’une collègue, pour tenter de remonter ma moyenne de maths catastrophique. Ferdinand,  un vrai nom de geek . Mais quand j’ai ouvert la porte la semaine dernière, que j’ais vu cette fraîcheur, sosie du chanteur des BB Brunes, avec sa tignasse bouclée et son petit blouson The Kooples, je me suis dit que le théorème de Pythagore méritait bien que l’on lui consacre quelques heures par semaine.  Un détournement de majeur , c’était un joli problème à résoudre , non ? Une équation payée par la mother en plus . Je cliquais vite fait sur déconnexion. Je lirai  les commentaires plus tard . J’ai tout mon temps.

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  • Excellent texte que je découvre. De l'imagination et du porno délivré par deux caractères féminins bien plantés.
    Bravo et félicitations.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Omicron 1 orig

    Christophe Dessaux

  • JE TROUVE LE TEXTE INTERESSANT MAIS TU NE VAS PAS ASSEZ VITE DANS SA ¨PROGRESSION" ET L ENSEMBLE EST TROP DILUE. ENFIN CE N EST QUE MON OPINION. LA PREMIERE PHRASE PAR CONTRE EST REDOUTABLE!

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Img 20140929 091136

    amisdesmots

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