Célibataire CSP+ - La croûte argentine
moss468
Le personnel de l’hôtel Charlotte avait tout arrangé selon les préférences qu’il avait exprimées au téléphone la semaine précédente. Deux coupes de fruits – sans mangue – étaient disposées sur la table, et une odeur d’infusion au maté plongeait l’ensemble de la pièce dans une ambiance tropicale. Cela faisait un moment que Borl n’écoutait plus les explications du réceptionniste sur le fonctionnement automatique des rideaux, mais une question le sortit soudainement de sa torpeur : « Désirez-vous que je fasse apporter la bouteille de champagne ? » Borl répondit par l’affirmative, et précisa qu’une seule coupe serait finalement nécessaire.
A quelques pas de la station Argentine, un digicode et une cour intérieure plus tard, Borl pénétra dans une galerie privée. Il donna son nom à l’hôtesse, qui lui demanda si Madame était avec lui. Il répondit que non, qu’il était seul, que tout était fini, que Buenos Aires ressemblait vraiment à Paris, et qu’il souhaitait tout de même un peu de documentation sur les œuvres exposées. L’art moderne n’avait jamais été sa tasse de thé.
Alors qu’il faisait face à un tableau, une femme dit à haute voix : « Cette toile dégage quelque chose, mais quoi ? » Il fit une grimace ; elle le vit et acquiesça : « une sombre odeur de merde suintante. Oui, c’est ça… » Elle se remit à marcher en tapotant sa lèvre inférieure. Borl songea qu’elle avait raison et qu’il était parfois difficile de distinguer une toile de maître d’un balbutiement pictural de bambin.