Célibataire - Elle avait dit neuf heures.

Je relis son mail pour la vingt-troisième fois, mes doigts s'agitant nerveusement sur l'écran tactile. Elle avait dit neuf heures.  J'ai tout de suite adoré sa photo sur le site, son profil décalé, sa passion pour les voyages et la douceur de ses phrases. J'avais inventé tout un scénario, une rencontre sur Paris, dans un "Boutique Hôtel" où j'aurais séjourné la veille, et peut-être même gardé la chambre une nuit de plus. Je l'imaginais assise sur un gros fauteuil de velours dans ce salon lounge, croisant et décroisant les jambes, le regard balayant la pièce, les mains glissées à tour de rôle dans ses cheveux. Elle aurait un gros livre sur les genoux, un café gourmand posé près d'elle, des sacs remplis de ses achats posés à ses pieds.  A l'heure qu'il est, je l'aurais emmenée faire un tour dans la capitale, déguster d'incroyables pâtisseries, ou admirer une exposition d'art pour laquelle j'aurais dû feindre l'intérêt.  Quel imbécile ; pourquoi lui raconter que je suis sans arrêt en déplacement pour le travail, un habitué de ces beaux et singuliers hôtels dans lesquels je n'avais jamais mis les pieds auparavant.
Onze heures. Et dire que j'ai pris deux jours de congé pour faire sa connaissance, mettant probablement à mal mes espoirs de promotion. Pris d'une bouffée de chaleur, je me lève et sors sur le parvis m'imprégner d'un peu d'air frais. Le temps est splendide, la ville est incroyable. 
Juste derrière moi, un bruit de talons s'évanouit à ma hauteur. Elle toussote. "Sylvain ?"