Celle qui sourit pas

redstars


 

30/09/2017 - Pensées automatiques

 

J'me sens si seule ce soir. Ou j'me sens si seule tout l'temps… en fait. Mais je crois que ça va mieux, un peu. Je crois que quelque part, une carapace se forme et me protège des mauvais sorts, des mauvaises idées, des mauvais maux. Elle est telle une jolie toile d'araignée dans un recoin sombre et caché, fragile oui, mais si solide… Pour cacher là derrière les blessures et les plaies infectées, pour que les autres s'agglutinent dedans sans parvenir entre les failles béantes de mon cœur…

 

Puisque je n'ai rien à leur dire, j'ai encore pris la fuite ce soir, et je crois bien que j'ai envie de pleurer, là, tout de suite. D'accaparer la première épaule et sangloter de me sentir si décalée du monde. Pas dedans, ni dehors, où alors ?... Je crains ne jamais découvrir quelle place est faite pour moi, quelle place ou quel moule. Je crains… oui, je crains que cela n'existe pas dans mon cas.

 

Je tisse et tisse la paille en or, mais cela ne m'apporte plus rien. Servez-vous, moi je n'en ai que faire, je n'en ai plus que faire… Une soirée, une migraine, et une angoisse qui grimpe en hiérarchie, en mode crescendo. Je pourrais presque en faire une chanson, avec des rimes et des accords, mais voilà je ne suis pas musicienne. Et de toute façon, ça ne donnerait rien de chantant, de mélodique, ça serait juste un murmure, un murmure qui se voudrait être un cri.

 

Je suis l'héroïne de mes cauchemars, celle qui se bat contre ses idées noires. Et cette soirée, voilà, je savais que j'allais avoir envie de fondre en larmes, muette, boudeuse, à côté, ailleurs, déconnectée ou trop lucide sur les noirceurs du monde. C'était au-dessus de mes forces d'entendre parler de maisons, d'accouchements, de bébés ou d'enfants, de bricolages, de mariages, de vacances dans des grosses villes moches et bétonnées, du travail des uns, des autres, non, non, tout cela était au-dessus de mes forces, car je me voyais déjà assise entre deux camps, ceux des hommes et ceux des femmes, seule face à mon verre de vin, seule face aux bouteilles, car quitte à se sentir mal, autant s'bourrer la gueule – pardon. Je n'ai rien contre personne, ou alors si, contre moi. Un ami m'a ramenée, et dans la voiture je paniquais, ne trouvant pas de sujet de conversation ou de réponse intelligente. Je dois manquer de conversation, ou alors à propos d'intelligence, j'en manque un peu, beaucoup, à la folie…. Je crois que j'ai besoin d'une clope. Je reviens. Je laisse ma page word ouverte, et le curseur qui clignote comme mes yeux épuisés….

 

….Fumer, il faudrait que j'arrête. Mais là, c'est un peu le cadet de mes soucis, j'ai besoin de mes longues bouffées toxiques pour rester en vie.

 

Ils ont parlé de lui à midi. Je ne l'ai pas connu mais son histoire brève me touche, disons que j'aurais aimé le connaître avant qu'il ne se pende à l'arbre « des amoureux ». Je me suis sentie mal à l'aise, car parfois ou souvent, je partage ces idées-là, ce idées-tristes, ces idées-fixes. Celles que chuchote la noirceur dans le dos, sa respiration là tout contre la nuque. Abandonne-toi, dit-elle. Laisse-toi tomber… tu verras, ça ne fait pas mal.

 

Ils font la fête et moi je pleurniche toute seule dans mon coin, pauvre et sombre idiote. Mais voilà, on ne m'a jamais appris à faire la fête. C'est pas naturel chez moi, c'est comme applaudir à un spectacle, cela ne me vient jamais spontanément, je n'en ressens pas le besoin. Est-ce cela, d'être asociale, ou est-ce autre chose ? Que suis-je au fond, perdue dans ma bulle sans couleurs, dans mon monde sans chaleur, dans ma tête en travaux ? Je suis un peu perdue, là, sur mon nuage grisâtre, je regarde le monde d'en haut, en plissant un peu les yeux. Et non, décidemment, l'envie d'y prendre part me manque. Extra-lucide, c'est maladif, c'est voir tout ce qui cloche comme si on portait des lunettes spéciales, celles qui trahissent les mensonges et les horreurs. Gardez le, votre doux et joli monde, ce doux et joli monde à crédit que vous comptez laisser à vos gosses, mais savez-vous vraiment ce qui les attend ? Je me tais, ok, je me tais, je me perds de toute façon, je finis par ne plus parvenir à écrire quelque chose qui a du sens, je m'éloigne, je ne sais plus même de quoi je parlais il y a cinq minutes. Peut-être simplement du goût des larmes, là, qui glissent et effacent le rouge à lèvres, qui font dégouliner le mascara, qui transforment en clown tristounet.

 

Je ne sais pas vivre avec eux. Eux, les autres, appelez ça comme vous voulez. L'enfer… non, rien, pardon, je me tais encore une fois. Je voudrais tant prendre un sac et partir droit devant moi, dans ma voiture minuscule, fuir là où personne ne me retrouverait, avec des carnets pour écrire, écrire encore, écrire toujours… seul et unique besoin, avec la peinture.

 

Dehors les nuages s'amoncellent. Je les imagine trinquer, le sourire aux lèvres. Ils vont rire et manger, délirer et parler, échanger et communiquer, autant dire que j'aurais tâché le tableau.

 

Non, je crois que… non, ce genre d'endroit n'est pas pour moi. Qu'on me laisse rejoindre ce monde, là où les étoiles n'existent pas encore. Qu'on me laisse me reposer, à jamais, éparpillée dans les airs. Qu'on me laisse, mourir en douce, ou vivre en toc. Je ne suis pas celle que l'on attend de moi. Je reste celle... qui sourit pas. Parce que c'est comme faire la fête ou applaudir. Je ne sais pas comment ça marche, ces choses-là...


Signaler ce texte