Comme ça
redstars
Notes – 21/03/17 -
La cigarette électronique entre les lèvres. Saveur fraise tagada. Remplacer une dépendance par une autre – peut-être. J'en sais rien. Une polaire sur le dos, de toute façon, quand j'essaie de me faire jolie, tu ne vois rien. Alors bon. Voilà. Mes jupes prennent la poussière dans leur placard. De toute façon, la hache de guerre refait surface entre mon corps et moi. Le vent a balayé la terre, je la voir luire là, avec les tâches de sang d'antan, assombries sur son tranchant.
Je me regarde dans le miroir et je grimace. Je me regarde sur de vieilles photos et je regrette. Les os me manquent, leur provocation, leur toucher. Je regrette l'inquiétude des proches et des soignants. L'indice de masse corporelle trop bas. Putain quand j'y pense… anorexique, je faisais seize kilos de moins qu'aujourd'hui.
Parfois j'ai des envies de rechute sans trop savoir pourquoi.
Parfois les cliniques me manquent, oui, parfois j'aimerais retourner y déposer ma carcasse en vrac et faire la morte quelques temps sous le regard furieux des infirmières. Ne plus réfléchir, et surtout, les murs qui protègent de la réalité. Des murs épais qui font une frontière entre la folie et la normalité, puisque c'est comme ça que les gens pensent : on est soit fou soit normal, même si au fond normal ou fou… ça n'a pas de définition. Oui, errer dans les couloirs, les salles communes, le jardin, parler avec ces autres avec qui c'est tellement plus facile que dehors, dans la jungle d'aujourd'hui. Entre-nous, pauvres fous, se comprendre et s'épauler entre deux rires ou crises de larmes.
Parfois, la chaleur de la lame contre ma peau est un manque terrible. Ou la cigarette que l'on écrase. Et puis, je regarde mes cicatrices, réalisant en avoir bien assez, même celles cachées sous les tatouages. Elles seront toujours là, même sous le dessin en noir et gris.
Putain, dans une semaine j'aurai 31 ans. Je n'ai toujours pas digéré la trentaine. Je ne réalise toujours pas avoir atteint un tel âge, il y a un tel décalage, j'ai encore des comportements ou pensées d'une gamine de dix huit ans. Si on m'avait dit y'a dix ou quinze ans que je serai encore là à 31 ans, j'aurais bien rigolé. Vu le nombre de fois où j'ai voulu mourir. Mais voilà, je n'étais pas très originale. Je sais que s'il doit y avoir une prochaine et dernière fois, ça sera radical. J'irai là où sautent tous les suicidés de la région. Et je me laisserai délicatement tomber.
La cigarette électronique entre les lèvres. Je vapote non-stop. Et toi. Et toi, tu me sembles tellement loin. Tu me sembles tellement distant. J'essaie de m'endurcir, et retrouver un semblant de carapace. Je te laisse souvent seul, comme tu le désires. La vie de couple, c'est pas pour toi. Je sais. Mais moi, j'avais le vertige de penser que je te changerais. Que je deviendrais essentielle, vitale. Mais la fusion c'est pas ton truc, ni la passion, alors je te laisse tout seul parce que tu en as besoin. Je ne t'en veux pas, je suis juste un peu triste, parfois c'est comme si je vivais avec un célibataire. Je sais que t'es pas fait pour ça, la vie à deux, que ce soit moi ou une autre. Trop solitaire, trop indépendant, pas affectueux, ni tendre. Mon ours à moi. Même si parfois j'aimerais que tu me serres fort à m'en briser les os. Si tu savais comme j'aimerais.
Je continue de prendre ces p'tites pilules qui me régulent. Parce que tu me surveilles. Je serais seule, je crois que je jouerais avec le feu : adieu les cachets, bonjour les crises diverses et variées, l'impulsivité, le danger. Je retournerais sur le fil, là, juste au-dessus de l'enfer. Le sang coulerait à nouveau. Tu sais, j'ai essayé de changer, de (me) changer, de devenir plus optimiste et positive, quitte à me créer un personnage, comme les acteurs. Mais voilà je ne suis pas de ce moule-là. J'essaie, j'essaie, mais le noir est ma nuance préférée il faut croire.
Je me noie dans la lecture. En ce moment, c'est Haruki Murakami. J'enchaîne ses ouvrages sans prendre le temps de respirer. J'ai plus envie de continuer mes romans, ceux que j'envoie et qui reviennent avec une jolie lettre de refus. J'ai plus envie de m'acharner, vouloir laisser une trace, vouloir retrouver mes écrits dans un rayon de la FNAC et me dire, j'y suis arrivée. Non, je suis lasse. J'ai cet ami, grand écrivain pour Albin Michel, à qui j'envoie de temps à autres des morceaux de mots, et qui me donne son avis de pro. Pas publiable, il répète. C'est quoi alors, un manuscrit publiable ? Je m'égare. Je m'en fous. Je pense au pont. Je pense à tous ces gens qui s'en sont jetés. Je me demande si moi aussi, un jour, j'y serai. Ou pas. J'aime contrôler les choses. Et que ce soit dans deux mois, deux ans, dix ans, je sais que ma mort, je la choisirai. Si je tombe malade, si je suis trop malheureuse, trop seule, si je me sens défaillir… il y aura toujours une bonne raison de se laisser glisser. Mais toi, t'es trop habitué aux filles qui se jettent dans le vide. Pas deux fois. Alors je serre les dents, et tu ne le sais même pas. Je résiste, et tu ne peux t'en rendre compte. T'as pas de bol quand même. Fallait que tu retombes sur une névrosée attirée par le vide. Une autre, encore. Comme si t'en avais pas assez bavé.
J'écris, j'écris, j'écris sans savoir où je vais, je laisse juste les mots s'aligner, sans chercher à les faire chanter, danser ou sourire. Je déverse juste ce qui vient, ce qui passe avant de disparaître. Je vais sans doute me plonger dans l'univers de Murakami en ce jour pluvieux. Ou regarder Girls. J'aime bien Girls. La folie créative s'est éteinte. Ils me redemandent cette année pour l'exposition de peinture d'octobre dernier. Ca me touche, même si je sais plus dessiner, y'a un blocage, un cadenas, et nulle clef. J'ai un vide dans le cœur, tu sais. Un gros trou béant. Ca tire, comme s'il y avait des points de suture prêts à se rompre. La solitude a toujours eu ce goût aigre-doux. Je me demande pourquoi je me rappelle de ce sac rose que j'avais dans la cour de récréation, en maternelle. J'étais seule et terrifiée, perdue, alors je regardais avec attention les détails sur mon sac – des bonbons variés – je les regardais encore et encore pour ne pas tomber. Rien que d'y repenser et mon cœur s'emballe. Ma phobie sociale, c'est une vieille copine toxique, qui a toujours été à mes côtés. Et oui, dans la petite cour qui me semblait si grande, je fixais mon sac, les larmes aux yeux, complètement perdue et tétanisée.
Il fait gris-jaune dehors.
Je voulais me remettre à courir ce matin. J'y étais presque, j'avais revêtu une polaire, un jogging, mes baskets, et puis je sais pas, j'ai haussé les épaules. Je n'y suis pas allée. On s'en fout, je sais. Je sais bien.
Tu travailles de sept heures à vingt. Le soir, je te laisse jouer sur ta console de jeux favorite. J'essaie de tenir pour m'endormir à tes côtés. Mais je m'endors trop vite pour profiter de ta présence. Je note tes dires, le moindre de tes dires, je note les remarques, les détails. Je me demande parfois pourquoi tu me jettes pas dehors, parce que quand je t'écoute, j'ai l'impression que tu vis avec une vilaine sorcière.
Blues et cafard. Un blues foncé, un cafard plus gros qu'une blatte. La cigarette électronique n'a plus de batterie. Je vais aller me noyer entre les mots. Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil….
Parfois on se rate. Enfin, ça tu le sais déjà...
· Il y a plus de 7 ans ·_wendy_
Ou parfois on y arrive. Ca passe ou ça casse.
· Il y a plus de 7 ans ·redstars
C'est vrai que le deuxième étage c'était trop bas. Mais chez moi il y a des tours très élevées. Mais bon, si ça se trouve, je serai tétraplégique cette fois. Dans le doute, je m'abstiens.
· Il y a plus de 7 ans ·_wendy_
Passe à autre chose miss. Ici, si un jour je dois en finir, il n'y a aucun rescapé à ce pont de 150m de haut, et si je survis je n'aurai à m'en prendre qu'à moi-même. Mais je n'ai pas d'idées noires donc ça va.
· Il y a plus de 7 ans ·redstars
On va mieux donc tant mieux :)
· Il y a plus de 7 ans ·redstars
J'espère que c'est juste une "idée de sortie de secours" pour apaiser ton angoisse et pas un véritable plan.
· Il y a plus de 7 ans ·_wendy_
Bien évidemment c'est un exutoire
· Il y a plus de 7 ans ·redstars
Tant mieux! :)
· Il y a plus de 7 ans ·_wendy_
Un texte écrit avec les tripes terriblement touchant. Merci de ce partage.
· Il y a presque 8 ans ·Bryan V
Merci à vous :)
· Il y a presque 8 ans ·redstars
Merci à vous
· Il y a presque 8 ans ·redstars
Une pensée très forte, terriblement émouvante.
· Il y a presque 8 ans ·...Et ... oui, c'est quoi publiable ? Moi, j'ai horreur des règles, et faut pas rêver, le monde de l'édition : souvent une mafia ! Je dis souvent, parce que certains doivent quand même sortir du lot...
Louve
Merci pour ton passage sur ce texte. Oui, sans doute certains sortent du lot... espérons.
· Il y a presque 8 ans ·redstars
On aime se rassurer en se disant que si on a rien maitrisé de notre naissance notre mort on choisira le lieu, la date et la façon... Encore faut-il qu'elle ne vienne pas te chercher avant... sinon, sais-tu que Desproges disait "Suicidez vous jeune vous profiterez de la mort"...
· Il y a presque 8 ans ·Marcus Volk
Il est trop tard pour mourir jeune, merci d'être passé
· Il y a presque 8 ans ·redstars
:/
· Il y a presque 8 ans ·mark-olantern
:)
· Il y a presque 8 ans ·redstars