C’est le pied !

Les tableaux dans l'ensemble étaient bien peints, disons pour les avoir exécutés sans les mains, comme des footballeurs, quoi ! Maintenant, je remarquais une toile très en dessous de la moyenne de l'ensemble de la production. Je demandais naïvement au galeriste.

-     Et celui-ci ? Il n'y a pas le nom du peintre !

-     Celui-ci est spécial. Il a été peint avec les pieds, certes, mais par une personne valide.

-     Quel drôle d'idée ?

-     Oui ! L'artiste considère qu'il possède la même adresse avec ses pieds qu'avec ses mains et il préfère peindre couché.

-  Cyniquement, on pourrait dire qu'il peint comme ses pieds !

L'homme, m'abandonna, ma réflexion n'avait pas dû lui plaire. Mais comment aurais-je pu deviner que ce galeriste était peintre également et l'auteur de la toile.

En m'approchant d'une toile pour en distinguer la touche, je sentis l'odeur encore âcre de l'essence de térébenthine, mélangée à celle plus doucereuse de l'huile de lin et un soupçon de fragrance de chaussettes. Il n'y avait pas de tromperies sur la marchandise, ces toiles avaient été bien, enfin façon de parler, peintes avec les pinceaux.

Je remarquais une petite toile avec la mention dessous : « Peint avec la bouche. » Merde, l'artiste devait être un peintre tronc, heureusement qu'il lui restait la tête. Cette petite toile ne devait pas être celle du galeriste, car il revint vers moi, en me voyant détaillé la peinture.

-         Effectivement la bouche est, quand même, moins adroite qu'une main droite.

-         Pour un droitier, il va en le disant !

-         Ou un artiste ambidextre.

-         Un peintre ambidextre peint deux fois plus vite !

-         Remarquez, qu'un gaucher ambidextre est un gaucher qui vit dans l'ignorance de sa maladresse.

-               Comme un droitier ambisénestre !

-       Certes ! Intéressant ! Pour ma part, je serais tenté d'essayer les oreilles, car j'ai une ouïe très développée.

-         Intéressant en effet ! Je peins également par contre je suis sourd comme un pot de peinture.

-            Avez-vous de l'odorat ?

-           Pas davantage !

-      Fichtre ! effectivement il ne vous reste que les mains, dommage !

-         Si j'osais ?

-         Osez !

-         Je suis assez doué en amour.

-         Ça peut être une piste à explorer.

***

C'est ainsi que ma femme m'a quitté en m'apercevant le cul à l'air, une brosse attachée à mon sexe, à attendre patiemment une érection en feuilletant des magazines pornographiques. Mais qu'a-t-elle bien pu imaginer ? Je ne l'ai jamais su et finalement, je préfère encore l'ignorer.