Châton tout timide

francesca

Il m’écrit : Salope. Puis il m’écrit : Gueuse.

Deux adjectifs pour me définir. Des mots bien choisis ? Je ne dis rien, je ne pense pas. Après, les mots parlent d’autre chose. Ils évoquent des filles. De la nuit. Dans un hôtel du Nord. Il me dit qu’il est dans une chambre, qu’il est minuit, qu’il n’est pas seul. Il m’écrit qu’il nique. C’est très bien. Il passe une bonne soirée. Et demain, il sera à Paris. Nous baiserons, parce que je suis une grosse baiseuse, parce que je réfléchis avec ma chatte, toujours, et non avec ma tête. Je ne veux pas. Si tu dis vrai, alors aucune exclusivité pour mon cul. Pas d’histoire d’amour, mais une petite communauté du sexe dans laquelle j’ai ma place réservée. Je refuse. C’est impossible. Je sens son cœur qui bat, son esprit qui résiste malgré les mots qui blessent. Je te baise comme j’en baise d’autres, petite salope. Je n’aime pas ses mots, qui tuent de A à Z. Mal, archi-mal. Quelque chose m’enserre. Et mon corps se resserre sous la pression d’une force qui pénètre et me fouille, en dedans, bien profond. Elle extirpe le bon. Elle laisse le mauvais. Et tout se brouille en moi.

 

Il m’écrit : J’arrive. Et je lui réponds : Monte.

Il est chez moi, ce soir, loin du Nord, des hôtels et des filles de joie. Je ne pense plus vraiment à sa bite dans leurs chattes, à sa peau sur la leur, à ses mots que pour elles, à ses mots que pour moi, acérés et mesquins, qui me saignent le cœur. Je ne les ressasse pas. Je ne veux rien abîmer. Je ne veux pas m’abîmer. Il est chez moi cette nuit, que m’importe le reste. Assis. Sur le balcon. Son verre dans une main, sa cigarette dans l’autre. Et moi, je le regarde. Je me dis qu’il est beau, qu’il ne m’appartient pas. Qu’il est très loin, mais près. Que je veux l’embrasser. Fougueusement, sauvagement. Alors j’effacerai ce passé trop présent, cet avenir trop tracé, qui l’empêchent de céder, d’être lui avec moi, d’être bien dans mes bras. Sa bouche me sourit. La mienne lui répond. Je m’évade et je rêve. Je ne crois plus au destin, mais juste à la douceur d’une vie longue et belle, sans embûche, sans mot fin. Il s’allonge sur le lit et je me déshabille. Je crois à la magie, je crois à la folie. Tout est possible cette nuit, dans mon rêve avec lui. Je glisse dans les draps, je touche son corps nu. Il sensible et dur, je suis douce et mouillée. Nous chuchotons nos mots, nous frottons nos deux peaux et mon esprit s’emballe. Nous allons faire l’amour aujourd’hui et demain et après et toujours car nous nous sommes choisis et qu’il n’y a que nous.

 

Il me dit : Salope. Je proteste. Il me dit : Salope.

Droit dans les yeux, la tête dans l’oreiller. Salope. Encore, trop. Je ne veux rien entendre, je ferme les oreilles. Saleté de briseur de rêve. Je t’aime et tu te venges. Mes mains dans tes cheveux. Ma chatte contre ton sexe. Je suis toute excitée, toute humide, toute tremblante. Tu me fais peur, tu sais, quand tu me dis ces mots. Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus quoi dire. Un chaton tout timide, voilà ce que je suis. Enroulée sur moi-même, le dos rond, frissonnante, je me sens apeurée. Alors tu t’attendris. Ta carapace s’effrite, tu susurres d’autres mots. Il s’agit de tendresse et de complicité. Quelque chose de très fort arrivé par hasard. Un amour qui se cherche, qui se perd, qui se gâche. Un amour malvenu que tu repousses au loin. De l’amour, trop d’amour, tu détestes ce mot quand tu es avec moi. Et tu redis : Salope. Tu renais de tes cendres, détendu, rassuré. De nouveau tout puissant. Tout est simple, tout est clair. Nous sommes là pour baiser. Il y a juste ton sexe et mon sexe qui s’appellent. Juste deux corps perdus, égarés par la vie, qui cherchent du réconfort et se collent dans la nuit. J’ai si chaud contre toi. L’excitation m’emporte, elle me prend tout le ventre. Je suis prête à me perdre. A me perdre dans la baise. A n’être plus qu’un corps, tailladé par ton sexe. Je fais de va et vient. Tu es dressé, vivant et tes yeux grands ouverts, bleu profond, me regardent. Je me relève un peu et je redescends vite. Comme j’aime ton sexe chaud qui glisse au fond de moi. Tes paupières deviennent lourdes. Tu as les yeux mi-clos. Je gémis doucement, heureuse et impuissante face au désir qui monte.

 

Il me dit : crie. Je respire fort.

Je te sens derrière moi, au plus profond de moi. Tes mains sur mes deux hanches, au rythme de l’amour. Tu accélères un peu, je t’encourage un peu. Je veux que tu ailles loin, que tu perces mes chairs. Que le mystère se lève. C’est un affrontement. C’est notre guerre des sexes. Va plus loin, mon amour, va très loin, que je gagne. Que le désir te perde, que l’orgasme te gagne. Je gémis un peu fort. Mon souffle s’accélère. Je ne contrôle rien. Je sens que tout en moi, va céder sous ton poids. Je crie presque maintenant. Tu es tellement puissant, quand je courbe l’échine et râle sous les coups de ton sexe dressé. Je crie. Je jouis. Tu tombes dans mes bras.

 

Tu me dis : dors. Je pense.

Je te regarde dormir. J’écoute ton souffle fort. Comme tu me sembles las, assoupi dans mes draps.  Nous n’avons pas d’avenir, rien ne sert de se battre. Il y a la baise, point barre. Et l’amour dans tout ça ? L’amour c’est rien, je crois. L’amour se barre, crois-moi. Je regarde ta nuque. Elle me fait face, va-t-en. Je la fixe, je te hais. J’ai l’overdose. Je pleure. Et tu ronfles calmement. Bien baisé. Bien repu. Mes yeux se trempent. Trois fois. Tu m’as baisé trois fois dans le noir de la nuit et j’ai des idées sombres. Je me sens très meurtrie et presque meurtrière. Pas un geste ou je tire. Ou je touche ou je tue. Tu es au loin. Parti. Tu es là, c’est un rêve. La paix. Et je me tourne. Je ne veux pas de toi. Pas comme ça, toute trempée. De mes larmes de rage. De ma peine de jeune fille repentie de sa baise. Dégoûtée d’être une pute et de se faire sauter par le premier salaud qui lui dit des mots tendres, des choses belles, pas que ça, des choses belles, en tout cas.

 

Tu me prends la main. Je me blottis contre toi.

Tu ne peux plus. Tu ne veux rien. Et tu t’en veux d’être là, avec moi qui suis seule, qui ait tout à donner et la vie devant moi. Tu penses que tu me bloques, que nous faisons fausse route. Et pourtant, tu es là. Chaque fois, tu es là, près de moi dans la nuit. Tu arrives à Paris et te glisses dans mon lit. C’est comme un rituel. Quelque chose d’anodin, quelque chose de léger. Et peut-être demain RIEN. Stop, fini, on arrête. Et alors, je saurai, tu sauras, nous saurons, si l’anodin existe, si ce n’était pas grand-chose. 

  • Coup de coeur !

    · Il y a presque 13 ans ·
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    saint-james

  • Un très bon texte Fran, complet. Des réflexions qui sonnent justes, authentiques, incroyablement fragiles...C'est intense et émouvant. Un coup de coeur pour ces coups de reins qui souhaitent simuler l'amour, imparfait et destructeur amour lorsqu'il faut le partager...

    · Il y a presque 13 ans ·
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    leo

  • C'est violent, amoureux, ces deux chairs qui se rencontrent, et comment, en cherchant tout au moins pour une, non, en ne cherchant pas, en découvrant qu'elle est un esprit, et puis encore une fois cherchant la porte, le code...ëtre cela...Oui cela est si bon, mais aussi autre chose...Et puis, et si? Non rien...
    Je n'aime pas le cul gratuit qui ne raconte rien, il y a dans ton récit autre chose, des portes qui s'ouvrent à travers le plaisir, mais se referment immédiatement, se rouvrent, se refermemt, et si..etsi? J'aime bien ce désordre amoureux, violent et questionneur... Bravo
    je veux savoir si le reste de ton écriture questionne et répond en questionnant tout aussi bien.

    · Il y a presque 13 ans ·
    Persopsy

    Jacques Lagrois

  • C'est un très beau texte ! Mais oui ! Coeur et corps à l'attaque ! Envie et puis chagrin et puis Amour, non ?

    · Il y a presque 13 ans ·
    Ma photo

    theoreme

  • C'est très bien écrit... ceci pour la forme. Sur le fond : non pas d'anodin... (c'est avis personnel)

    · Il y a presque 13 ans ·
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    Edwige Devillebichot

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