Chic vue

Dans le quartier du quartier où j'ai échoué, on croise un nombre exponentiel de visages refaits. Des bouches déformées. Des yeux écarquillés au bistouris, des traits tirés à quatre épingles. Dans ce quartier il n'y a pas de bistrot, pas de vie de quartier, pas de mendiant, pas de station de trom à moins de 7 arrêts de bus, ni même de papier sur le trottoir, juste des merdes, éparses, de ces canidés que l'on brushe, lustre et parfume comme la coiffure de madame. Les gens de ce quartier ne s'abaissent pas à ramasser les déjections de leur toutou, jamais. Même lorsque leurs domestiques philippiens sont en congés.

Dans le cœur du quartier, des troquets enfin, enquillés tous les trois arrêts de bus, sont habillés de stores grand chic rayés noir et blanc assortis de petits fauteuils bicolores en rotin. Sur les terrasses, ça cause Grimaldi, dernier cours à HEC, ou métaphysique de starlettes du petit écran.

Dans le quartier du quartier où je dors, ma chambre donne sur la Seine. Au septième et dernier étage. La vue y est prise en sandwich par le mont Valérien et les tours couleurs du temps de la Défense.

Et souvent, dans le ciel dioxydé, le vol lumineux d'un couple de cygnes, un essaim vert fluo de perruches libertaires échappées du zoo de Vincennes, un héron solitaire et monomaniaque qui remonte le serpentin du fleuve et passe sous le pont de Puteaux, chaque soir à la même heure, et, même altitude.

La vue de ma chambre donne sur un petit coin de paradis.

Chance.