chienne de vie
Jean François Joubert
Synopsis
Chienne de vie...
Dans la vie, il y a comme cela des mots, des phrases qui nous accompagnent tout le long de notre parcours... Ils sont comme un leit motiv, une locomotive qui ronronnent dans notre tête et s'entêtent... L'enfance en est souvent le berceau... Certaines phrases sont de vrais mystères...On les entend... On les pense en image souvent... Les mots manquent encore et les écrire encore plus... L'imaginaire est un puissant magicien... Et l'on devient son apprenti sorcier... Maladroit souvent au début... On les fait valser dans tous les coins du cerveau, ces phrases remplies de mots inconnus, mais toujours accompagnées des gestes ou des mimiques des personnes qui les ont prononcées... Imaginez une fraction de secondes revenir à quelques années à peine du début et entendre :
«Elle perd les eaux???» ...
Et personne pour vous expliquer dans l'affolement général, qui s'en suit, de quoi il retourne ... Bien sûr vous avez quelques indices... Vous avez remarqué des changements , maman a changé de garde robe... oui vous savez bien... Cet endroit bizarre et féérique, rempli de déguisements et d'accessoires de princesse ou de chevalier don Quichotte ou de tout ce qui nous passera par la folie douce d'être un enfant qui d'un bout de ficelle, d'un chiffon, se crée tout un univers merveilleux... Rien que d'y penser les scenarii s'enchainent et se déchainent... Mais revenons à nos moutons.... Personne donc pour vous éclaircir le mystère qui plane lourdement... Et surtout pour l'écrire noir sur blanc sur un tableau... Même si vous n'êtes pas un cancre en devenir, l'imagination galope cela peut- être Fulgurant... Certains penseront même:
«Elle perd les os???»...
Et restez avec cette image un bon bout de temps... Quand arrive le jour de l'Illumination...TILT!!!... Forcément on se sent très Bête... ???... Un bout d'enfance qui se fait la belle... On sait maintenant !!!... Mais on se sent un peu vide tout à coup comme si toute vérité n'était pas bonne à dire … Ou démunie de cette part de nous même qui rendait les mots magiques parce qu'ils étaient associés à des images... Un kaléidoscope, une boite à bijoux, une caverne d'Ali baba... Un «sésame ouvre toi» sur un trésor sans pareil... Alors certains s'y accrochent à ces bidules, machins, choses... Ils s'en font tout un monde et le répercutent dans leur vie et la ponctuent ainsi...
«Chienne de vie!...»
Mon professeur de voile n'arrête pas de dire cela... A propos de tout et de rien... Chienne de vie! dès qu'il nous voyait arriver au centre de loisirs... Chienne de vie, quand il nous expliquait les petits bateaux sur l'eau matelot... Chienne de vie parce qu'aujourd'hui les Optimistes n'iraient pas en mer... Chienne de vie parce qu'aujourd'hui ils peuvent... Etc...Un enfant... Bon vous avez deviner que c'est moi, qui entend ce leitmotiv, fini par l'enregistrer, s'en imprégner, s'en imbiber comme un buvard … Et les mots répétitifs deviennent un petit refrain, un air de rien, une chanson, un poème, une histoire, un roman... s'alignent déjà dans La tête et lui font cortège... Un jour je serai marin et écrivain pour raconter tout cela compter sur moi... Chienne de vie...
«Raconte-moi Grand-Père...»...
Tu es mon héros... Je t'observe et tout ce qui sort de ta bouche, c'est des petits bouts de sucre avec ce goût qui adoucit... un petit morceau et je m'envole, je deviens le petit garçon de Mary Poppins... Grand-père, je t'écoute, je te regarde et tu me surprends avec tous tes sons qui sortent de ta bouche... Tu me fais penser un brave vieux chien avec pleins poils sur sa figure et des sourcils en bataille et ton bon regard aimant aimantant... Je vais nous créer un décor avec tout cela... Tu vas voir à ton tour voir ce dont je suis capable quand je lâche mes chiennes de vie... Je te suis, je ne suis pas loin derrière toi et même si il faut, je vais me mettre à courir pour y arriver... Je m'envoie dans la mer, je plonge je suis en apnée tout à coup je suspends mon souffle... Je t'écoute toujours... Je m'imprègne de ton odeur, de tes mots, de la couleur de ta peau, de chaque détail de ton visage... De la drôle de manière que tu as de relever un sourcil broussailleux quand quelque part quelques choses t'interpelle... Et que tu te rends compte, que même toi le patriarche, tu te sens dépasser par les événements... Tu ne comprends plus rien... Mais c'est vrai que je ne sais pas grands choses... Tu as beaucoup vécu... Bourlinguer... Dériver sur toutes les Mers et Océans... «Mais on est à égalité et peut-être bien, mon petit garçon, que tu pourrais, toi!!! m'en apprendre des vertes et des pas mûres... T'a l'air futé … Oui grand père... Je comprends pas tout ce que tu me dis mais j'ai des notions de navigation en visuel et en oreilles ... Chienne de vie»... Je vais t'expliquer avec mes crayons de couleurs ce que tu comprends pas ... Tes mots je les vois comme des objets animés doués de paroles... Sois indulgent, je retranscris en image tout ce que tu me fais vivre en exaltant mon imagination... Et ses couleurs... La réalité, pour ce que j'en connais avec ton poste de télé toujours allumé, çà me fait l'effet d'une bombe à retardement...Si tu restes trop devant, elle va t'exploser à la figure et te disperser en mille morceaux… Tu auras rien vu venir et tu resteras à nouveau en suspension avec ton incompréhension ... Propulsé dans des univers parallèles abscons... Qu'est-ce-qu'on peut avoir l'air con des fois!!!... Mais c'est pas grave, si on le reste pas trop longtemps...Je vais te secouer les puces grand-père sur çà aussi tu peux compter... Arrêtes les matchs à la télé, çà te rends bête... Tu fais semblant par paresse ou par malice... un peu... Comme ce personnage de film qui déforme tout quand on lui parle et que cela l'em...bête de n'entendre que des banalités d'usage et de coutumes... Ces us qui font civilité et cortège de flatteurs pas très inspirés et suants de suffisance et de doléances... la pluie et le beau temps comme introduction , cela te vide la tête... Ce ne sont que des idées creuses... Y a rien à creuser, justement !!! … C'est du vide... Des sens interdits et les sens aussi... Des voies sans issues où tu t'arrêtes et tu demandes mais «qu'est-ce je peux bien faire là???»... C'est quoi ce match, après quoi ils courent, si vide et si vite... Quelles sont les règles au juste et pourquoi je comprend rien moi à tout cela... Ils applaudissent, se lèvent, gesticulent... Alors je me lève, je gesticule, je hurle ola, quelle vague!!!... Et je m'écroule dans mon fauteuil tout étourdi, avachi... «Mais qu'est-ce- qui me prends???»... tu peux m'expliquer mon petit garçon???... «Sport, never sport», c'est la devise de Churchill... Tu as du l'appliquer puisque ta longévité l'atteste... Alors laisse tomber... Et puis, moi non plus j'y comprends pas grand chose... Mais je ressens bien les ficelles qu'ils tirent... Elles sont trop grosses pour ne pas les voir... Et ce genre de sentiments ,c'est que du ressentiment... Çà me donne envi de vomir... Et je sens la migraine des mauvais jours qui se pointe et me prive de mon énergie vital, me brouille les idées, me voile la lumière en m'obligeant à me plonger dans le noir et à prier tous les saints pour qu'elle s'arrête... Jusqu'à souhaiter mourir plutôt qu'elle continue à marteler ses pulsations à un rythme frénétique... Elle joue les héroïnes en Diva, en cabotine... Quel cabot, chienne de vie... la souffrance laisse des marques indélébiles... Et pourtant... Paradoxalement au passage, elle ravage plusieurs neurones de plus en même temps... J'ai pas encore l'âge d'être addictif aux substituts de morphine j'ai bien le temps... On verra... Et la souffrance à tout âge, cela ne devrait pas exister... Ça.. çà me révolte que dans ce monde le bon sens se soit fait la malle... Et que les migraines restent... Allez grand-père, je change de sujet... J'arrête d'aboyer... Chienne de vie... La caravane vient juste de passer... Viens, on va aller regarder la mer... Je vais te raconter comment je la vois avec tous mes crayons de couleur et objets animés puisque les mots c'est pas encore çà... Et aussi les îles et l'amour... Oh oui, l'amour!!!... Je sens bien que l'amour c'est un bon sujet... Aussi vaste que les océans et les mers et aussi changeant... J'ai hâte... oui là !je tiens le bon bout... vas-y doucement mon petit garçon!!!... je ne suis pas aussi sûr que toi... Après mûres réflexions que je garderais pour moi, je vais quand même te raconter quelques anecdotes pour alimenter ton moulin à parlottes!!.. L'Amour avec un grand A, crois-moi évites!... Il est parfois où tu ne l'attends pas et même que des fois tu l'a sous le nez tu as beau le renifler, tu le vois pas!... C'est normal, c'est pas le même sens, la vue et le flair c'est pas le même combat!!!... Souvent ils te trompent, tu es attiré comme les pies par tout ce qui brille c'est beau!... Il y a rien à dire... L'évidence... Çà te saute aux yeux comme ils disent... Tellement d'ailleurs que cela te brouille tous les autres sens, dont tu aurais vraiment besoin au moment précis où la foudre te tombe dessus s'en crier gare... «Attention en dessous çà va faire mal!!»... Alors un petit conseil, ne te laisse pas abuser par les apparences... Cherche... Creuse... Pas les idées creuses çà on a compris tous les deux... Mais le fond … Le vrai... L'âme... Oui frôle l'âme... Caresse- là … Et si ce n'est que douceur générosité, sincérité, tu auras trouvé la vraie beauté celle qui s'accrochera à ton cœur et ne pourras plus s'en décrocher... Elle te mettra à nu... En mue... Tu raccrocheras ton habit des grands soirs... Ton déguisement de parade... Tu pourras revêtir ton habit de lumière... Un peu comme un toréro... Mais en plus noble... Tu combattras contre les faux semblants... et les bêtes qui sont des hommes et les hommes qui sont bêtes... Tu as le droit de l'être bête... C'est même peut-être... et même j'en suis sûr maintenant... La meilleure partie de toi... Quand il s'agit de l'instinct, des sens sur-développés... Ne dit-on pas: le flair d'un chien,la vue d'un aigle... Retomber sur ses pattes comme un chat, malin et agile comme un singe, fidèle comme un chien, courir comme un lièvre, ruser comme un renard, fort comme un taureau ... L'oreille d'un sourd qui regarde et comprend avec les gestes et la vue d'un aveugle, qui lit avec ses doigts tous les sens des mots... Et tant et tant : l'avoir dans le nez, dans la peau... Enfin je m'égare... Mais je crois que tu m'a compris ... Oh oui merci, c'est trop bien comme tu m'expliques toutes ces choses cela me fait un de ces effets... C'est fulgurant à mon tour, les images défilent les mots se précipitent... Ils courent... Ils s'inscrivent en lignes droites dans ma tête... Çà y est l'écrivain est en train d'embryonné... Ce n'est plus seulement un souhait c'est une réalité...»...
«J'écris mon premier roman...
Il s'appellera et c'est une évidence et pour moi et pour vous maintenant :
Chienne de vie.»...
Un roman pleins de maux dans la gueule des hommes et de mots dans la bouche des chiens... Plusieurs personnages «centraux- croisent» aux fils des phrases, de ma réflexion, des questions que je me pose et qui m' interpellent,en vous prenant à témoins face à cette explosion d'images, toutes en couleur, en ressenti ,avec un imaginaire qui frôle les mots, les caresse et laisse place à une autre dimension...
Ils sont 4 voix Albert,sa sœur Julie , Lucien, le maire, pharmacien de son état et sa femme Fernande et Dudule, 1 grognement... chercher qui est qui???... Et «bien à vous», je suis... mais à vous de le trouver en laissant, surtout oui s'il vous plait, votre imagination libre de vagabonder, de gambader et même de ruer des quatre fers pour vous laisser surprendre et séduire par ces histoires d'amour et cette histoire d'amour qui a du chien...
Le décor est niché sur une colline... La mer, une toile de fond... Avec des rayons de couleurs qui se comportent comme des crayons et des crayons qui prennent la parole... C'est une «porte» qui revendique qu'on l'ouvre pour de bonne raison sans raison aucune mais liberté... Une «bulle» qui fait wizzzzz, bip, pob... Un festival de souvenirs à s'approprier pour coller avec les vôtres en adhérence et en légèreté pour quand elle explose cette bulle... Et pour que vous vous retrouvez peut- être être un des personnages ou son opposé si vous voulez ou ce qui vous viendra en tête et s'entête à revenir vous surprendre… Regarder ela vitrine» comme un écran virtuel, un mur internet, un spectacle des plus surprenant... Franchissez le pas de «porte» vous obtiendrez son «code» en me lisant... Faites preuve d'humour, de malice ou de sarcasmes, suivant votre humeur du moment.. Mettez vous en mue... Changer de peau… Trouvez vous nu ou à poil... Courez en toute liberté... Regarder comme un train les vaches passez... Écoutez les feuilles chantez et une sauterelle tombée... Amoureuse... Courez après mes mots à en «prendre haleine» comme à un rendez-vous qu'il ne faut pas rater parce que l'on sent qu'il est révélateur d'une vérité enfin bonne à dire mais sans prétention... Et qu'enfin certaines de nos questions auront des réponses... De celles qu'on se pose chaque jour et que la réflexion, le mot, l'expression, la mimique font que tout à coup tout devient clair enfin... On a compris... La révélation se fait pour chacun en particulier... On se pose chacun nos questions s'évader dans l'univers d'un autre... Se l'approprier permet souvent l'osmose, l'empathie et on ose...et on se dit à soi-même : «Mais oui il a raison ou tort qu'importe, il a écris exactement en mots mon ressenti ou mon ressentiment»...
Je vous laisse lire mon livre maintenant, vous me faites déjà un vrai cadeau, si vous finissez de lire ces derniers mots... voilà le mien, mon tout premier livre je vous le confie... Merci... Bonne lecture... Bien à vous... Jean-François Joubert.
Préambule...
Je me souviens de mon grand-père, étrange et nu. Je devais tout lui expliquer... Je me souviens de ses yeux hagards face à cette phrase :
«Avant de descendre du singe, l'homme avait du descendre de l'arbre ou peut-être, est-ce le contraire?»...
Je savais pertinemment que cette phrase était le sujet de nombreuses polémiques. Seulement lui, il ne comprenait pas et moi encore accompagné de l'insolence de ma jeunesse, je lui demandais de raconter son histoire. J'ignore encore si il grognait, si il jappait, j'ai dû apprendre à le comprendre. Ce fût long et difficile. Comme la persévérance paye toujours, nous nous sommes offerts un cocktail de patience et d'amour et j'ai ri.
Ne cherchez-pas à comprendre où il a vécu, oubliez ce que vous connaissiez au préalable de ce préambule. Ma traduction est fidèle aux images de mon grand-père. Si le ciel est rose et les nuages sont verts, ce n'est pas issu d'une folie ordinaire. C'est de cette couleur qu'il a vu sa vie défiler, lui, l'humain dans un pays où il était tenu en laisse par des chiens. Ne le croyez ni fou, ni ivre ou encore junky. Il s'agit de la mémoire de la jungle de son passé, où moi, je vous livre un ersatz de traduction, un essai sans prétention. Ne cherchez pas de vérité, elle a déjà subi la déformation des temps, des langues et l'imperfection malicieuse de mon imagination.
1ère PARTIE
En Automne
Personne ne s'étonne,
Si les rayons bleu azur du soleil,
Égayent nos contrées monotones,
Nos forêts, nos monts, notre ciel,
Quelque part dans l’univers…
Lucien ne trouvait plus sa cravate. Il héla son épouse, elle était ailleurs. Peine perdue, l'animal se glissa dans son fauteuil, un cuir de grande classe. Lucien trouvait cette matière pure et si agréable, qu'il aimait y sommeiller durant des heures, tranquille, en se prélassant devant son poste de télévision...
«Driiing!!!»
L'explosion sonore de son téléphone lui avait mis les nerfs en fleur. Albert, son ami de toujours, venait juste de l'appeler. Lui proposant de monter sur la colline. Une invitation pour admirer la nuit et la venue tardive de l’Automne. Spectacle que ce vieux chien tartare était désireux de partager, simple plaisir d' inhaler l'atmosphère et d'observer le festival des couleurs. Mais Lucien, si peu poète, se moquait pas mal du temps. Le sien étant compté !
Le sachant, il s’appliquait surtout à ne pas le perdre en de futiles rêveries...
Lucien se souvenait encore trop bien d'une invitation identique : dix ans auparavant, il avait cédé aux désirs d'Albert et cela avait signé le début de ses ennuis. Les piqûres du son de son téléphone l'avaient ulcéré. Ce chow-chow fou désirait absolument le convier dans sa maison, au demeurant charmante...
«Pourquoi ?»...
Pour que ces anciennes culottes courtes, en vieilles connaissances, puissent souffrir des émotions.. A cet âge où l’arthrose s'éveille, ils cultivaient tous deux ces joies de l'observation... l'inépuisable et renouvelée permutation des saisons .était un spectacle merveilleux... Ces tableaux gracieux, offerts par la nature, se reproduisant tous les ans sans discernement, ils s' allongeaient sur une terrasse en sirotant un liquide de choix. Sans voix, les yeux écarquillés et se laissant porter par les évènements, ils devenaient deux simples spectateurs !
Cette nuit de contemplation où ils étaient restés en éveil, l’un admirant la ligne bleue du ciel et l’autre la jeune sœur d'Albert...
«Lucien avait souffert toute la nuit..»...
Ce matin-là, l'ennui accompagnant et les Blacks Unions menant au score : Lucien, le bouledogue français, regardait l’écran, il ne comprenait rien au Pittcherball et de toute façon strictement rien au sport...
Jamais, il ne se serait attardé sur toutes ces règles complexes. L'intérêt suscité par ce jeu était justement de ne rien y comprendre. Ainsi un flot continuel d'images déferlait sur lui, tendrement. Elles s'agrippaient à ses neurones, l'empêchant à tout moment de penser...
Lucien se laissait aller. Il s'évadait par le songe, porté par une multitude de points, vers le néant absolu. La conscience en sommeil, il plongeait dans cette constante merveille de l'inconscience et il y trouvait la saveur du bien être... Cette volupté qui vous pousse vers un monde parfait, sans fautes, ni regrets .. C'était l'unique fonction de son téléviseur et il en était ravi !
Ce bouledogue français ne pouvait plus penser et il ignorait l'existence des rêves. Ce chien n'avait pas de monde intérieur, une absence totale d'évasion, une imagination immobile diraient les médecins.
Lucien ne pouvait plus penser depuis plus d'une dizaine de longues années. Était-ce le fruit du hasard ?
Si, par inadvertance, distrait, il recommençait à réfléchir, il se trouvait de suite bloqué sur la touche arrêt sur image. Cette fixation demeurait en lui profondément ancrée, enfouie sous ses couches de haine. Son obsession n'avait pas de limite, depuis cette dernière visite, un sentiment étrange et inconnu l'accompagnait. Lui, il ignorait qu'il était à la poursuite de promesses d'amour, marié par intérêt, le désir d'approcher cette chienne le faisait souffrir.
«Julie, sa déesse...»...
Cette beauté divine qui l'asphyxiait quotidiennement de toute sa splendeur et qui le rendait toujours plus malheureux, encore plus vieux, toujours plus con !
Chacune de ses pensées provoquait l'apparition de la belle braque altière aux reflets roux, et cette image l'étourdissait. Toutes ses forces ôtées augmentaient son mal de vivre et ce désir constant de la séduire avait tendance à l'étouffer.
Lucien cultivait dans le secret sa peine, celle de lui plaire évidemment mais aussi ce désarroi indésirable, alors il noyait son impuissance dans ce torrent d’image sans sens.
Ses années lui dictaient l’irréalité d’être aimé d’elle et des autres. Il n'aimait personne ni son image ni celle des autres, seul point commun qu'il avait l'illusion de partager avec Julie.
Son honneur était l’enjeu, marié, maire du village, il ne pouvait pas devenir une cible, être montré du doigt, devenir paria, même par amour.
L’humour n’en parlons pas. Ce mot était un terrain vague qu'il écartait de sa conscience, étant donné que le rire est par essence inutile par manque de sérieux.
Alors que penser de ce sentiment qui l'atteignait. De cet amour, de cet état qui lui procurait un mal inlassable. Une incursion sous les pores de sa peau, creusée au plus profond de sa chair. Son cœur devenait fragile sous les assauts de ces images, la belle piquait son ego. Touché au vif, blessé par le mal et la banalité ordinaire, ce mâle souffrait...
Lucien n'arrivait plus à réagir, simplement, il pâtissait de cette douleur persistante et puissante. Ce cabot devait protéger ses contours, ne pas s'exposer, livrer son secret. Ses jours devenaient de la résistance pour ne pas se jeter tête baissée sur la colline, et de lui crier à la gueule son désir.
Rester muet, ne pas japper ce mal de vivre naissant, oublier cette envie passion qu'un soir, elle sombre dans ses bras...
L'impassible!
L'inaccessible Julie, qui froidement restait insensible à tous les assauts de ses nombreux et visibles courtisans.
Elle, cette braque Hongrois à poil court, promenait sa robe rouge fauve devant ses regards hagards. Cette chienne ne cédait en rien aux caprices de ces êtres. Son péché d'innocence devenait dans l’imaginaire commun, un délice, une friandise, que l'on voulait s'offrir.
La gourmandise ne lui faisait pas défaut. Le dog s’efforçait de ne pas perdre la boule et d’oublier son chagrin naissant. Lucien, ce jaloux perpétuel transformait son impuissance de ne pas pouvoir l'approcher en plaisir. Tellement cette certitude égoïste l'habitait : celle que la belle réfutait les avances des autres chiens et cela peut importe l'élégance ou l'intelligence de la race que l'on soit Terrier de boston ou Dalmatien. Cette certitude lui procurait le confort de la jouissance. Vraiment ce chien était con , même pas cocu, juste convaincu !
Des fois, l'idée de tuer le spectre de son Amour, devenait son obsession. Mais qui est capable de tuer un fantôme ?
Des heures durant, l’air absent devant son tube cathodique, sans un mouvement, les yeux ouverts, fixés sur ce déferlement d'images, il chassait le corps de Julie de son esprit. Lucien reprenait vie et paroles à de rares instants et toujours pour injurier sa tendre et chère épouse. Elle qui, docilement, accomplissait ses délicates tâches de ménagère, en lui portant ses petits plats chauds préparés, eux, soyez en certains, sans amour...
Curieusement, aimer ne lui donnait pas encore d’ailes, que déjà il lui coupait la faim !
***
La nuit fut heureuse et longue, chez les De Bronsigny. Décidément, le programme de la nature est un spectacle qui vaut toujours la peine de rester en éveil.
Cette lumière étourdissante, d'un bleu si cru, inondait toute la vallée. Ces chants d'oiseaux qui s'élevaient de là-haut. Ces champignons saugrenus qui se terraient en s'enfouissant sous l'ombre secrète des arbres. Tous ces mouvements de l'écosystème qui se mettaient en place autour d'eux. Simplement suivi du murmure incessant des anciens qui accompagnaient de leurs plaies, sur leur corps, dans leur âme, ce tableau ahurissant...
«L'âge apporte savoir et douleurs, au corps et à l'âme, n'en doutez-pas !»...
Un étrange mélange de couleurs, né du délire d'un enfant peintre expressionniste, s'installait, comme surgissant du néant. Tout était là pour nous rappeler, comme si nous en éprouvions encore le besoin, que la nature est une merveille, car elle est pure et reste saine...
***
Albert venait de se laver avec un soin méticuleux, proche de l'abîme du vice. Sa bonne humeur due en partie aux délices de cette détente musculaire, il siffla Dudule, son air favori, signalant par ces sons maladroits son humeur : un curieux mélange d'espièglerie et de courtoisie qui indubitablement cherchait à atteindre son objectif en se baladant entre tous les murs...
«Cet objectif, mon grand-père!»
Soucieux de l'épater , il observa une froideur de réserve et se dirigea résolument vers son maitre qui à ce mouvement d'approche eut alors un sourire approbateur Nul n'aurait pu, ce jour là, mesurer la satisfaction du maître, car elle n'avait point de commune mesure...
Sur le faciès d'Albert, une idée folle s'inscrivit un instant et de par sa nature disparut illico-presto.
Changeant d'avis comme de chemise, ce type de pensées qui partent comme elles arrivent, toujours incognito…
Un court silence s'ensuivit après le passage de cette idée. Albert lourd de toute l’expérience de son passé ne se laissa pas submerger par la folie ambiante, ramenant à juste raison : sa raison.
Il refoula le silence et le sourire malin de Dudule. Mais son état d'absence, due au conflit interne qui l'accompagnait, les idées folles ont des aspects traumatiques évident. Ce vieux chien se résigna donc à voir l'humain lui passer cette horrible laisse multicolore autour de son cou.
Et Dudule du attendre patiemment, le retour de son maître sur terre, puisque là il avait manifestement la tête en l'envers.
Les secondes semblaient interminables, l'homme fort à son aise en expressions corporelles se lança dans une danse infernale. Il se mit à tourner, sur lui-même et autour de son sujet. Imaginez la caricature d'un sorcier vaudou, voyez le ridicule de ses balancements de hanches et ses dangereux jetés de pieds. Et cela tout autour d'Albert, sans discontinuer.
Étrange, ces bêtes là!!! Dudule venait par son rite, d'entortiller deux de ses pattes dans cette objet multicolore. Le privant soudain de son précaire équilibre. La caresse d'une laisse est rarement indolore!
Dudule ne put réfréner un sourire de satisfaction en voyant son chien lutter contre le vertige et choir. Albert n'étant pas démesurément grand, la chute fut brève. Toutefois, elle ne se fit pas sans un énorme fracas. Le poids des années, voyez-vous, n'allège pas !
Ce jour-là, comme tant d'autres avant, ils devaient partir chasser ensemble, lui s'accommodait de cet humain comme une partie de plaisir très superficielle qui ne ressemblait en rien au partie d'échec qu'il prisait en fin limier. Il ne fallait pas confondre !
Dudule ne faisait que des rondes et se plaisait à arroser les sentiers. Et oui, les humains pissent partout, vous le savez bien.
Dans cette partie de chasse, lui, le stratège des échecs, s'encombrait de ce compagnon qui ne lui était d'aucun secours et sa piste s'en trouvait «pat» face à ses odeurs nauséabondes.
Pourquoi l’emmener, alors, puisque l'humain ne possède pas l'odorat indispensable à tout bon chasseur?
Il plaisait à Albert de s'encombrer de choses inutiles. Un goût inné pour la provocation, sans aucun doute ! Restons «mat»ois!!
Comme une escalope panée, Albert se ressaisissant de sa chute, secoua prestement son nuage de poussière. Rappelant Dudule qui cessa aussitôt de jouer, ils partirent en trombe.
Las de penser !
Il saisit de sa patte droite le fusil mitrailleur, de l'autre, il étrangla tendrement mon grand-père. Le forçant ainsi à avancer, en attrapant sa laisse. Trop pressé, car très en retard, Albert fonça gueule baissée vers la sortie. La porte résista un instant !
Puis elle s'effondra.
Par son étourderie, Albert venait juste de s'apercevoir que la porte avait émis un avis de grève surprise. Quelles sont ces manières, je vous prie !
Depuis que l'électronique l'intégrer et la protéger, cet objet inanimé avait des états d'âme, elle l'abreuvait de reproches, ce qui finit par lui donner froid aux os et l'interpeller.
Aurait-il omis de lire quelques avis , pouvait-il émettre quelques excuses sensées ?
Ce vieux chow-chow venait de s’octroyer un nouveau conflit, et il ne voulait pas d'ennemie, lui qui était surtout las des sanglots de ce tas de bois rouge. Déterminé à quitter les lieux, Albert signa sans trop réfléchir un compromis en six exemplaires, sans le lire. Pas le temps de joindre son avocat!
Furieux de ce dernier contretemps, fulminant de rage, il vociféra sur le champs des slogans incongrus, dont quelque uns firent baisser les oreilles des animaux aux alentours et d'autres fermer leurs yeux, pudiquement.
Les deux compères continuèrent à tailler leur route, pestant toujours et encore contre tous les gadgets électroniques existant sur cette planète !
***
L'Automne s'installait, un écrin de Klein enroulait la planète de ses étranges rayons bleus recouvrant le sol et vous aveuglant au passage, tôt le matin. Ces rayons étaient si épais qu'ils laissaient péniblement deviner l'arrière plan, pas une montagne ne s'élevait, rien, le brouillard total. Pourtant, le paysage sublime, s'évanouissait sous la menace bleutée de l'espace envahissante. Aveugle devant l'étrange, les êtres se perdaient au fond de leur mémoire. Impuissant, luttant contre ce sentiment de trop exister...
Le réel perdait son air anodin, on se plaisait à rêver. Les yeux grands ouverts devant la transformation du paysage. L'émotion suivait chaque détail. Cette brume cyan devenait Lumière. Chaque pouce de terre, chaque brin d'herbe, changeaient de ton. Les reflets sur le bois se teintaient d’azur, parfois se projetaient dans les airs. Tout semblait s'envoler pour peindre l'environnement avec le même plaisir artistique du peintre saisissant les couleurs.
Certains racontaient, qu'il existait autrefois, ailleurs, une terre couverte d'un Océan de cette couleur, bleu parsemé de vert.
Il était puissamment beau, Il projetait son éclat jusqu'au centre de l'univers...
Au-dessus de cette vaste vallée divine, se trouvait l’habitat d’Albert et Julie, sa sœur. ils nichaient là tous les deux, la surplombant. De cet endroit se projetait une ombre, tel un ogre, elle semblait dévorer les malheurs.
De toute manière sans lunettes, Albert avait l'outrecuidance de confondre les lieux et le paillasson, c'est dire le peu d'importance qu'il accorder aux choses, seule l'odeur pouvait le ramener à bon port, au pied de son logis.
la porte gréviste s'en plaignait de plus en plus et devant ces incessants va et vient, finit par lui suggérer une augmentation. S'ensuivit un lourd silence, sans appel, ponctué par un bref échange d'insultes...
Albert souhaitant impérativement rentrer chez lui, se vit dans l'obligation de graisser la patte de cette stupide gréviste cupide.
Un peu d'huile et enfin, il pouvait, retrouver la joie de l'intérieur de sa demeure. Il respira un instant le calme voluptueux qui y régnait. Puis, pressé tel un goyave ou une papaye peu fraîche, Albert fit trois fois le tour des pièces de sa maison. Furieux, lassé, désabusé, malheureux d'être une fois de plus trahi par sa mémoire.
Luttant devant l’évidence délibérée des multiples escapades de ses verres protecteurs, il s'effondra sur une simple chaise de cuisine.
Sur la table gisait un demi-citron...
Sans aucune hésitation, il le goba !
Son soulagement fut réel, quand il sentit revivre en lui un zeste d'énergie. De nouveau en alerte, retrouvant sa jeunesse, Albert reprit ses recherches. Il n’imaginait pas que ses petites pestes de lunettes resteraient introuvables si longtemps. Elles l'attendaient paisiblement à l'étage, se moquant délibérément de lui. L'abstraction de leurs rires avait le don de réveiller sa colère.
Que d'énervement! Un instant, son regard s'arrêta sur l'humain.
Albert lui connaissait cet air énervé. Cette bête n'arrêtait plus de lui lancer des messages, à gauche, au centre, à droite.
Toutes les forces de Dudule entraient en action pour tenter de capter l'attention de son maître.
Albert, d’ordinaire, ignorait ces facéties mais perplexe devant tant de détermination et séduit par l’attitude sans reproche de grand-père, il se trouva bête et resta songeur.
Le chien le dévisagea, se demandant au plus profond de lui-même : si d'autres races que la sienne pouvaient souffrir d'intelligence ?
«Belle blague, ah! ces idées folles, je vous jure, bien sûr que non, cela se saurait !»
Rassuré, il oublia sans peine cette pensée.
Manifestement, l'Humain tentait un interlock. La communication entre les deux races ne semblait pas évidente, de prime abord.
Mais Dudule, ce fidèle compagnon, indiquait clairement la cachette de ces satanées lunettes fugueuses.
Albert, se trouvait une fois de plus confronté à une situation inattendue, il comprenait que ces voyeuses étaient penaudes et honteuses.
Que fallait-il faire pour ne pas vexer ces malheureuses?
Le Chow Chow, appelé aussi «chien tartare» et doté d'une intelligence surnaturelle, trouva immédiatement la solution adéquate.
D'une patte lourde de détermination rageuse, il ôta les lunettes de la zone mortuaire, où elles s'évertuaient à le narguer et les mit directement à sa gueule, sans piper un mot.
Aucun commentaire ne suivit cet acte!
***
Julie, la sœur cadette, était très appréciée au village. mais pourquoi donc?
Son savoir, peut-être?
Elle l'avait acquis à la force d'un travail forcené de l'esprit suscitant le respect, évidemment !
Mais aussi, et surtout, pour cette beauté plastique innée.
Par ces deux faits conjugués, un public nombreux d'amateurs éclairés assistait à ses longues conférences qui s'avéraient très étonnamment longues et absconses, donnant à son public de fans un air penché de somnolence.
Il se divisait en deux clans, par catégorie ésotérique d’âge et de sexe.:
Les premiers s'intéressaient à ses propos. (étaient-ils fous ou aveugles ?)
Les autres, vieux ou jeunes.
(bien en sève et virulents! De toute probabilité!)
La deuxième catégorie, on s'en doute, bien meilleur public, portait simplement beaucoup moins d'attention à ses discours qu’à sa plastique et son corps ferme.
Les chiens les plus âgés de cette catégorie se moquaient éperdument de ses propos, près à entendre n'importe quoi pour la voir et ressortir heureux, l’air ébahi, des tonnes d'idées en tête...
Adulée par tous, Julie était cependant, haïe par toutes les chiennes.
Normal, n'est-ce pas, elle, la plus belle ?
Qui aime la perfection ? Vous ? Moi ?
Personne !
Personne au monde n'est capable de supporter la perfection!
Julie, elle ressemblait à un modèle de vertu, une exception... Celle dont on nous parle pour confirmer la règle...
«les règles, quelles règles ?»...
Julie était adorée comme une déesse, de celle que les chiennes détestaient par maladresse...
Image ambiguë de l'espoir des uns et du désespoir des autres...
Quoi que l'on puisse faire, dire ou penser !
Son charme irréel opéré sur chacun un attrait certain: instruite, coquette, gentille, elle représentait l'idéal, comme un vieux rêve de Labrador...
Elle ensorcelait son auditoire par ces chaleurs d'automne, les époustouflant totalement.
Des personnes, de tous styles, de tous âges, entouraient Julie. Comme aux temps des baladins, des troubadours qui chantaient l'amour dans leurs aubades et leurs gestes...
Elle déclamait ses vers à l'encontre des rustres et des malappris.
Un enchantement que cette voix qui s'élevait, tendre, douce. Une bête de scène possédant ce don de faire pleurer et rarement rire. Peu importaient les mots, le contenu avait parfois moins d'importance que le contenant...
«Que dire de ce principe?»...
Ces mots étaient un message de paix, d'amour, de vie. Pourtant, elle ne parlait que de désastres, de guerres, de misère...
Sa voix, seule sa voix comptait. Elle était le reflet paisible de son image interne.
Ces jours là, sur la place envahie, les mots ne comptaient plus, ils devenaient illusoires, dérisoires, devant la pagaille et l'agitation ambiante. De nombreuses chiennes vivaient mal ce culte de la plastique, par péché d'orgueil où par vanité. Elles portaient de lourds seaux d'eau, qu'elles jetaient rageusement à la gueule des jeunes chiens, pour refroidir leurs ardeurs naissantes.
Mais rien n'y faisait : ils répondaient à l'appel de ses mots alignés.
Cette braque hongrois ,aux poils court, était tellement désirable qu'ils la dévoraient des yeux !
L'ordre de sa pensée paraissait magique, divine (irréelle comme Dieu, un pécher d'y penser).
Les mots attendaient, disciplinés, un par un, sans aucune déformation. Ils sortaient de sa gueule sans subir aucun affront. Il étaient parfaits.
Alors, la fluidité de son élocution agissait sur ces cerveaux endoloris par tant d'années de servitude.
Les mots s'élevaient, résonnant sans raison, au fond de chaque conscience qui inconsciente, absorbée par la grâce, se laissait envahir, muette...
. Des larmes d'émotions jaillissaient à chaque son.
«Le bonheur ?»...
Imaginez un instant, l'état de ses chiens, lorsque la belle, émue par son propre discours, laissait ses grands yeux turquoise se recouvrir d' un léger voile humide, sa voix et son corps en transe, en vibrations visuelles et sonores.
Le silence de la foule faisait le reste...l'émotion atteignant son apogée...
«Quelle artiste !
Tous pleuraient à grandes eaux!»...
Au premier plan, les caniches nains ou miniatures, tout étourdis derrière leurs chevelures de roi, les petits Shih-Tzus et les Shar-Peis, à leur côté les Mastiffs, Dogues du Tibet ou Dogues allemand pleuraient, accompagnés des larmes des sang mêles, Akita-chien de la Serra Estrala , Doberman-Komondor ou Bobtail-Bouvier de Flandres, les Saint-Bernards, Samoyèdes et le Siberian d'Alaska (lui qui en plus avait froid), pleuraient.
Et que dire des Bouviers Australien, des Bergers de Brie, des Saints-Bernard , des Buhunds Norvégiens (tous en habits de saison).. Leurs larmes muettes s'écoulaient lentement sous le canal des mots biaisés (le poussant à sortir de son lit,où bien sagement il dormait !).
Les «Chiens Unis» oubliaient un temps leurs conflits de races et le miracle se trouvait vraiment là, Julie devenait le Pôle d'attraction universelle !
un Don bien réel, ce pouvoir surnaturel de répandre la vie, l'amour et l'amour de la vie.
Pourtant Julie, paradoxalement n'y connaissait rien...
***
« Réservé aux chiens !»
Albert et Dudule dévalèrent ensemble ce sempiternel sentier, se moquant allègrement du qu'en-dira-t-on. Ils respectaient l'ordonnance de 48 : l'Animal nu comme un vers et le Chien devait cacher ses poils.
Albert était coquet. Vous l'auriez vu ce jour-là, avec son blazer marine, sa chemise jaune, ses chaussures en peau d'âne, un pantalon de drap aux reflets pomme et son foulard gris à point rouge-orangé.
Il n'y avait aucune faute de goût...
Le problème, voir le blasphème, c'était la relance, le relent, l'arrière goût amer qui naissait du passé.
Oui, les humains étaient considérés comme une plaie face à l'Histoire... son grand H...
Cette race parasite ne pouvait être que détestée par tous les chiens, à les voir se promenaient insouciants souriants, défiants les vents et les arrières pensées, flirtant en pleine lumière avec les interdits...
Et nos deux compères se sentant presque libres. Que d'audace !
Personne au sein du village n'aimait cette excentricité. Cette liberté désinvolte...
Une pluie d'injures les accueillit dès leur arrivée. Les reproches fusèrent clairs et précis, l'un était trop humain et l'autre trop vieux...
Dudule, de nature sensible, ne supportait pas ces multiples élucubrations, cette agressivité gratuite. Il tirait comme un fou furieux sur la laisse multicolore, en passant par une multitude de couleurs.
Albert s'étranglait sous cet indescriptible effort, bousculant au passage quelques-unes des règles de ces péquenots.
Mais, mon grand-père, narquois (on ne se refait pas!) remerciait d'un sourire niais, mais poli, ces mauvais plaisants sur son passage. Les défiants et leur renvoyant par la même occasions leurs allusions déplaisantes...l'effet boomerang...
Démontrant ainsi que l'homme et le Chow chow se moquaient des «us et usages» détenus par la coutume et les «useurs» de costumes étaient aussitôt rhabiller... L'indifférence en aller-retour comme seule défense...
Cependant, ces rues ne sem