Quotidiens chez les primates

laseve

Synopsis

Dix ans de vie commune, un enfant, il n’y a pas de quoi en faire toute une romance. C’est commun, c’est la vie, il n’y a là rien d’original, rien d’extraordinaire. Les habitudes, le quotidien, le train-train, tout le monde vit ça. Les histoires d’amour finissent mal en général on le sait bien. A chaque nouvelle rencontre on est de nouveau amoureux c’est le plus beau jour de notre vie, c’est pas pareil, c’est mieux encore, c’est lui et pas un autre. Et ainsi va la vie. Et ainsi vont les histoires d’amour.

Et si pour une fois, les choses se présentaient différemment ?

Et si pour une fois la véritable histoire d’amour se présentait comme ça, sans que l’on s’y attende ?

Elle ne s’était pas préparée à vivre le reste de sa vie avec celui qu’elle attendait sans le savoir. 

Des retours sur les quelques dernières années de sa vie conjugale, des scènes de vie, des anecdotes, des banalités où chacun d’entre nous pourrait s’identifier. Cinq années de doutes, de querelles, de remords et de regrets. 

Elle s’interroge sur le sens que l’on donne à ces nouvelles rencontres qui font vaciller, qui font perdre la tête. L’amour avec un grand A, l’amour comme on le rêve tous. Elle se reconstruit après une rupture et puis l’improbable se produit. 

Elle rencontre l’amour. Le vrai. Pas de doute c’est une évidence. 

Oui mais voilà, enivrée d’un passé dont elle a du mal à se défaire, elle refuse de revivre un quotidien. Sa nouvelle histoire d’amour tourne à l’obsession parce que trop belle. Le doute s’installe. Elle qui s’était promis de ne plus jamais revivre avec quelqu’un, elle s’interroge. Elle ressasse les quelques dérapages issus d’une vie conjugale qui depuis longtemps a perdu de sa saveur. Saveur qu’elle retrouve aussitôt dans cette nouvelle relation qui fait d’elle une nouvelle femme. Ou plutôt qui fera d’elle, celle qu’elle a toujours rêvé d’être. Cette nouvelle rencontre est le début d’une histoire d’amour. Une histoire d’amour que chacun devrait vivre. Une histoire d’amour qui l’amène à quitter la région où elle vit, qui l’amène à commencer à vivre.

Chapitre premier ou le clic clac s’emballe

Comme chaque soir, ou presque chaque soir, je m’occupe de ma fille, les devoirs, le repas. L’homme aussitôt rentré va sous la douche, normal il a travaillé, moi je la prendrai après ! 

Après quoi je ne sais plus. Bref, il sort de la salle de bains, dans un boubou Marocain digne de ce nom. Je dis un parce que ce n’est pas forcément sa tenue de soirée quotidienne, des fois ça lui prend il enfile ce costume qui en ferait peut-être en pâlir certaines. A part être un remède contre l’amour je ne vois pas vraiment où se trouve l’homme là dedans !!. Quoique ; une main bien maligne saurait sans doute y trouver son bonheur. Je n’ai pas tenté de chercher, l’inspiration ne m’est pas venue, le boubou n’a pas eu l’effet souhaité. 

Les mains dans la vaisselle, je m’efforce de gratter la casserole laissée dans l’évier le matin, et avec un sourire coquin il vient se coller contre moi. Il se frotte lentement, glousse, marmonne, le grand boubou a des envolées quand je sens une petite chose en liberté !! Serait-il nu sous sa cape !! La casserole résiste. Il persiste. Mais c’est un Pic c’est un Cap c’est un Roc !! Que dis-je une péninsule !! Elle va y passer c’est sûr, je redouble de vigueur, il s’éloigne. J’ai eu raison de la casserole, je prépare le repas pendant que monsieur se détend. Normal il a travaillé, moi je me détendrai après. Après quoi je ne sais pas. Enfin si, après la vaisselle. 

C’est dingue ce que l’on peut passer comme temps avec les mains dans l’eau !!! La cuisine serait à la femme ce que le canapé est à l’homme !! Il n’y a rien de féministe là dedans, sauf que parfois j’aurais bien aimé m’évader sur une péninsule !!! Sans le boubou...

Toujours est-il que le temps passe, le repas avec en bruit de fond les dernières catastrophes suffit à mettre un terme à une éventuelle discussion. Entre passe moi le sel et maman j’en veux plus,  je demande si monsieur serait éventuellement là demain pour aller chercher la petite. 

Non il a une réunion importante, pourquoi je ne suis pas là moi ?

Retour à la cuisine, la vaisselle, les mains dans l’eau, ah non d’abord la petite. Une histoire, un câlin, la chanson du soir c’est son père. Elle l’appelle mais les informations ne sont pas finies. 

Tiens c’est étrange ce soir il ne râle pas.

Je vais pouvoir souffler un peu, après la vaisselle. 

J’entends le bruit du clic-clac. Il déplie le canapé-lit du salon. Et là je me dis “allez encore une soirée télé !”. Je termine et je m’en vais prendre une douche quand il me demande si je veux regarder la télé, y a pas grand chose alors c’est comme je veux...

Eh bien... là comme ça tout de suite j’en sais rien, je vais prendre une douche.

Sous la douche je m’égare.

Il arrive torse nu en jean, m’enlace, me plaque contre le mur, ses mains sur mes hanches parcourent mon corps, ses lèvres chaudes m’embrassent, il maintient mes mains au-dessus de ma tête... 

Merde y a plus d’eau chaude !!! D’ailleurs y a pas plus de chippendale !!

Douche froide. 

En sortant de la salle de bains j’entends de la musique dans le salon. 

Des bougies, une lumière tamisée et... l’homme étendu dans son somptueux boubou... 

Intérêt ou pas selon chacun, les préliminaires chez les primates évolués, je ne parle pas des primates primaires, je vous laisse le soin d’en faire vous même la différence. ont ce quelque chose d’intéressant dans leur comportement qui en font un être prévisible voire totalement prévisible. 

A ce petit jeu la surprise n’est plus de mise, et préliminaire ou pas la compagne du primate adhère totalement aux assauts curieux de son homme. 

Est-ce pour avoir la paix ? Sont-ce là les délices de l’extase dont elle se contente ?

A chacun son truc.

Chez le primate évolué dont la vie de couple a déjà quelques années d’expérience, différentes approches pour tenter de séduire, qu’est-ce que je dis, pour tenter de faire savoir à sa belle que sa virilité et son désir n’ont pas d’égal à l’amour qu’il lui porte. sont de véritables prologues pour une nuit d’ivresse et de plaisir.

Il paraît que les primates ont des comportements qui n’ont pas été inventés par un raisonnement intellectuel comme c’est le cas pour l’homme. Là je m’interroge, je serais donc passée à côté de quelque chose !! Ou bien l’homme en boubou serait-il un primate non avoué ??  

Et si j’avais soulevé le boubou !!

Cela ne m’aurait pas plus avancé que ça. Est-ce que j’avais envie de tout plaquer ? Oui. 

Est-ce que je l’ai fait ? Non. Pas tout de suite. Les choses ne se font pas comme ça. Enfin, si j’avais été honnête avec moi même je serais partie ce jour là. Sans un retour. Un aller simple pour ailleurs. 

Ce jour là je m’en souviens parfaitement. C’était le début de la fin.

La petite maison que nous avions choisie pour poser notre amour et accomplir ensemble un bout de chemin, n’était pas très grande. Une seule chambre. Nous l’avions réservée pour notre fille.

Elle vient de se lever, quatre ou cinq ans pas plus. Dans son pyjama de bébé elle rejoint son père dans le salon. Il est environ 7h30, un jour d’école. Il est encore dans le lit. C’est la dernière année de maternelle, et je réalise qu’en fait il ne la jamais accompagnée. Pas une seule fois en trois ans il s’est levé pour aller à l’école. Ca paraît fou !! Voir même on dirait que je délire ou que j’exagère.

Les yeux endormis, son jouet dans les mains qu’elle n’arrivait pas à arrêter, sans doute fallait-il appuyer sur une touche quelconque pour passer à autre chose, mais elle n’avait pas su le faire. Elle le lui tend, il commence à appuyer sur tous les boutons, mais la musique ne s’interrompt pas. 

Elle est devant le lit. Ses yeux grands ouverts et une moue inquiète car son père s’énerve. 

Le matin Monsieur n’est pas de bonne humeur. Mais là aussi on va dire que j’exagère. 

Il n’a pas cherché longtemps. Le jouet a atterri par terre, sous les yeux plein de larmes et de peur de ma fille qui resta plantée devant le lit. Là, le jouet a cessé de faire du bruit. 

Il s’est levé d’un bond, je n’ai pu contenir ma colère face à son comportement puéril, il s’est reçu la bouteille de lait que j’avais dans la main.

Je lui ai demandé de quitter la maison.

Pourquoi faut-il que les choses changent quand les années de vie commune s’accumulent ? On apprend à se connaître puis à force de se connaître on se dévoile tel que l’on est vraiment. Finalement on ne montre jamais le vrai côté de soi. Ou bien est-ce le plaisir de se laisser aller dans un doux cocon familial ? 

La belle est conquise, plus d’effort pour la séduire, on s’installe puis ainsi va la vie. Ou bien.

Le mâl est conquis, plus d’effort pour le séduire, on s’installe puis ainsi va la vie.

Ce serait malhonnête de dire qu’il n’appartient qu’à l’homme d’entretenir la séduction. La gent féminine a son lot de responsabilité dans l’installation d’un quotidien sans saveur, sans surprise.

D’où la réflexion : et si l’homme ne perdait pas ce côté primate que l’on découvre au début d’une relation, la femme ne se laisserait pas aller à ces “j’ai la migraine ce soir”. Ou bien quelque chose me dit qu’en fait, il y a en ce monde un homme pour une femme, et une femme pour un homme.

Autrement dit les couples qui se forment pensent avoir trouvé leur moitié, alors qu’en fait pour la plus part il s’agit d’un coup de foudre. D’ailleurs trouver sa moitié est une expression plutôt réductrice de sa personne. Il ne s’agit pas de trouver ce qui nous manque, mais de rencontrer celui ou celle qui est le reflet de qui on est.

Lorsqu’elle le rencontre elle n’est pas célibataire, lui non plu. Ils quittent tout pour vivre ensemble. En deux mois, ils trouvent la maison, larguent les conjoints respectifs. Ne se quittent plus et envisagent des tas de projets. Coup de foudre. Premières années sous le signe de l’amour, des promesses, des jeux de séduction. Des voyages. Un enfant.

Il est de ces hommes dont certaines rêvent un jour d’assouvir une envie extra conjugale. Parce qu’il a l’allure du mauvais garçon. Du voyou. Du mâle qui suggère des fantasmes. La plastique du beau brun à la peau mate peut s’avérer être un leurre.

Elle : dynamique, toujours en mouvement, son travail est son plaisir.

Lui : abandonne très vite ses quelques activités de loisir, le travail est une torture.

Elle : l’harmonie dans un couple est bien plus importante que les rapports sexuels.

Lui : les rapports sexuels sont une priorité.

Elle : elle a besoin d’être surprise chaque jour. Faire l’amour ne se prévoie pas.

Lui : le rapport sexuel se pense et se prépare.

Elle : indépendante, curieuse, possessive, jalouse mais elle se soigne.

Lui : beaucoup d’idées, la parole facile mais les actes ne suivent pas.

Elle : ses passions sont la lecture, la photo, l’écriture, le théâtre.

Lui : se complaît à s’attribuer les qualités de l’autre.

Acte y scène x

La soirée se termine, enfin plutôt le programme de la télé ne déverse plus rien d’intéressant, il rejoint la chambre. Je suis au bureau, un dossier à terminer ; tu viens ? Non pas tout de suite. 

Il passe derrière moi sans un mot de plus. Sa main n’a pas non plus pensé à me frôler en passant. Lorsque je le rejoins, ses chaussettes, son pantalon, son tee-shirt sont jetés à même le sol, il est sur le lit, nu, affichant un petit sourire en coin pendant que je me déshabille. 

La tête sur le coussin, les bras repliés, ses yeux ne fixant que moi, bien sûr que non, il ne m’attend pas. 

Je ne désire rien. Je ne désire pas comme ça. J’aurais aimé qu’il m’arrache à mon ordinateur. Qu’il soit l’amant impatient. Qu’il se permette de me bousculer. Au lieu de cela, je me retrouve nue dans un lit à côté d’un homme qui m’attendait pour faire l’amour. Attendre pour faire l’amour plutôt que de se saisir de l’envie là tout de suite au moment. 

Quant à moi j’aurais pu aussi à un moment donné aller le rejoindre, aller me servir sans attendre. Mais il faut dire que les soirées télé quotidiennes, ne me réjouissent guère. Le scénario, je rentre, je prends la douche, je regarde les informations, ne déclenche rien en moi.

Il faut savoir que chez le primate évolué, la notion de temps n’existe pas. Il n’a pas conscience des années qui passent comme il n’a pas non plus le moindre intérêt à se plaire. Une fois sa compagne conquise, une partie de son cerveau se met au repos, se laissant aller bon an mal an au gré des jours et des années. En accord avec lui même, fier du territoire sur lequel il évolue, il se contente de savourer un quotidien en parfaite harmonie avec lui même. Il y a cependant un art dans lequel il excelle et ou il se montre parfaitement redoutable c’est la maîtrise de l’air de rien. 

Acte y scène x

Vacances d’été.

Je suis partie avec ma fille, il n’a pas pu nous rejoindre, pas de congé, trop de travail. Je rentre après 3 semaines d’absence. Avant que nous arrivions, il a quelques jours de repos. Ca tombe bien.

Sur la table du salon, les restes d’un repas, du courrier, du linge propre. Le salon s’est transformé en seconde chambre, c’est plus pratique... Dans la cuisine on dirait qu’une dizaine de personnes avait mangé là ce midi. La salle de bains n’a pas été laissée pour compte, d’ailleurs celle-ci a trouvé une nouvelle fonction, c’est l’armoire de monsieur. 

Mais oui moi aussi je suis très contente de rentrer à la maison.

Mais non je ne relève rien du tout, c’est juste que...

Je décide de ne rien faire. Aucune envie de me taper le ménage de la maison. J’arrive cependant à trouver quelque chose pour le repas. Parce que les courses c’est moi qui vais devoir les faire.

A la vaisselle sale des autres jours, s’ajoute celle du soir. je lui demande s’il peut mettre le couvert. 

Ce qu’il fait. En même temps je ne peux pas être trop exigeante. Etre à table avec les restes d’un autre repas, ou avec le linge, ça n’est absolument pas grave. Ce que je peux être rigide des fois !!

Petite soirée en famille, on se raconte des trucs, notre fille va au lit.

Lui il a disparu, je ne le vois plus, je ne l’entends pas. En plus c’est bizarre la télé ne semble pas fonctionner. Je vais dans le salon, et pas dans la cuisine, la vaisselle attendra.

Et là mon homme m’attend sagement ; nu, les yeux fermés sur le canapé déplié, les bras et les jambes en croix, affichant une mine de détente comme si de rien n’était.

Mesdames je vous laisse le beau brun ténébreux. Il est tout à votre disposition. N’est-ce pas là une belle attention, son corps est à vous, déjà prêt, rien à éplucher. Rien à cacher. Nu, allongé, détendu.

Chapitre 2 - Rouge Blanc Noir

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