Combien de rêves ont-ils brillé sans jamais n'éclairer personne ?

Juliet

-Tu vois, ces médicaments, si tu les écrases,

ça fait de la poudre.

-Où est-ce que tu veux en venir ?

-Que tout cela n'était rien que de la poudre aux yeux.

-Excuse-moi, mais je ne comprends pas.

-Je parle de son suicide. Son suicide, en réalité, ce n'était qu'un meurtre.

-Qu'est-ce que tu racontes ? Il s'est suicidé ! Il savait ce qu'il faisait lorsqu'il a

avalé tous ces médicaments alors,

pourquoi est-ce que tu parles de meurtre ?

-Et le suicide n'est rien qu'un meurtre savamment détourné. Comment crois-tu

que je l'avais pressenti ? Cela n'a rien à voir avec ce que les naïfs appellent

de l'intuition. Ce n'était rien de plus que de la logique ; ou même, c'était

l'évidence !

Je l'ai vue, moi.

La tristesse dans ses yeux. La détresse. Le désespoir. Et la surprise aussi.

Tu ne peux pas savoir à quel point est-ce qu'il semblait surpris lorsque je lui

ai dit que je l'aimais.

C'était même de l'effarement. De l'incompréhension.

Juste, comme si être aimé lui paraissait tout bonnement impossible.

Et tu sais pourquoi est-ce qu'il pensait ça ?

Parce que personne ne l'avais jamais aimé jusque-là. Personne.

Toujours et à jamais, cet homme n'a vécu que dans la haine, les moqueries

et le mépris de ces monstres. Ces prétendus humains qui ignoreront à jamais ce

que c'est réellement, un être humain.

Quelqu'un qui est capable de souffrir. Et lui qui n'était pourtant qu'amour

souffrait profondément de ne pas être aimé.

Cela, je l'ai compris lorsqu'il m'a dit merci. Répéter merci des dizaines et des

dizaines de fois parce que l'on a simpelment avoué "je t'aime", tu ne trouves

pas cela inquiétant ? Moi oui. C'est comme ça que j'ai compris.

En voyant sa reconnaissance démesurée, et son incompréhension totale.

Je ne lui donnais pas deux ans à vivre. Et je les avais prévenus, tous.

Ils ont continué à le mépriser, à se moquer de lui et

à le rejeter comme un malpropre.

Lui qui avait un coeur bien trop pur pour le reste du monde.

-Alors, tu es en train de dire que...

-Les médicaments, c'étaient l'arme. La tristesse, la composante de cette arme.

Et la tristesse, ce sont eux qui l'ont faite. Taillée dans la matière brute de la

cruauté.

Ils ont fait l'arme. Ils la lui ont donnée. C'était tout ce qu'il avait dans ce monde.

Alors il s'en est servi.

Et je dénonce publiquement que le suicide de cet homme

est le meurtre prémédité de tous ceux qui l'ont entouré.


(07/05/2012)

Signaler ce texte