Comment écrire de la poésie?

Comment écrire de la poésie ?

Voici quelques conseils qui vous permettront d'écrire de la poésie (même si vous n'y connaissez rien… surtout si vous n'y connaissez rien d'ailleurs…).

Les erreurs à ne pas faire: ne faites jamais rimer « mer » avec « amère ». Pourquoi ? Tout simplement parce que la mer n'est pas du tout amère mais au contraire salée….

Evitez s'il vous plait « Amour et toujours », car, bien sûr, l'amour ne dure jamais toujours,  il ne dure jamais tout court…Enfin, toujours ne dure pas, mais jamais ne dure toujours, et il ne faut jamais dire jamais et c'est dur d'être jamais toujours en amour, bref…

Evitez d'écrire « Dans le bleu du ciel », (surtout si ce jour-là il pleut !).

Trouvez des métaphores originales et non des lieux communs banals à pleurer, rabâchés un million de fois.

Mais qu'est-ce une métaphore ? Non ce n'est pas une maladie transmissible bande d'ignares ! C'est une figure de style, et une figure ou A devient subitement B par la magie du verbe. Plus clairement, il s'agit d'une substitution d'un mot à un autre mot situé sur le même axe paradigmatique. C'est pourtant clair non ?

 Une métaphore ne peut être comprise réellement que dans son contexte.

Pour que vous compreniez bien ce qu'est la métaphore, base essentielle de la poésie. Voici un exemple concret.

Partons d'une phrase élémentaire : «  Ouah mec, si t'avais vu cette meuf, une vraie bombasse, elle m'a allumé grave ! » (Notez bien que « bombasse » est déjà une sorte de métaphore, certes primaire, mais c'en est quand même une!).

Comment pouvons-nous exprimer mieux que cela, ce sentiment certes touchant, mais néanmoins naïf et peu élaboré venant probablement d'un adolescent éduqué selon les méthodes modernes hélas en vogue au sein de l'Education Nationale, et subissant en outre l'influence néfaste de la télé ?

Débarrassons ce texte de cette interjection déplacée « Ouah ». Et remplaçons-là par cette phrase : «  Mon attention fut captée instantanément par cette femme, un sentiment d'exaltation m'envahit, et mon cœur tel un rossignol, bondit de joie … ».

C'est vachement mieux non ?

Remplaçons maintenant ce mot de bombasse, amusant, mais très imprécis au niveau de la description physique de la personne…

Essayons de lui substituer ceci : « Elle se tenait là, droite, altière, presque hautaine … Cependant, ses lèvres se courbaient en un doux sourire qu'on eut dit calqué sur celui des anges…Ses yeux étaient pareils à deux gouttes d'eau  comme posées en fragile équilibre sur le rebord de ses paupières  de pluie. (Punaise, ça c'est d'la métaphore bien envoyée !).

Remplaçons maintenant ce vulgaire « elle m'a allumé grave » par quelque chose de plus poétique. Essayons ceci : « Mes mains se mirent à trembler comme feuilles au vent, mon cœur se mit à battre comme battent les tambours sauvages. Mes yeux chavirèrent sous son regard, et je m'envolais loin, la haut, vers ces nuées inconnues ou seuls demeurent les dieux… »

Je reprends tout : « Mon attention fut captée instantanément par cette femme, un sentiment d'exaltation m'envahit, mon cœur, tel un rossignol, bondit de joie. Elle se tenait là, droite, altière, hautaine…Cependant ses lèvres se courbaient en un doux sourire qu'on eut dit calqué sur celui des anges…Ses yeux étaient pareils à deux gouttes d'eau comme posées en fragile équilibre sur le rebord de ses paupières de pluie...Mes mains se mirent à trembler comme feuilles au vent, mon cœur se mit à battre  comme battent les tambours sauvages. Mes yeux chavirèrent sous son regard, et je m'envolais loin, la haut, vers ces nuées inconnues ou seuls demeurent les dieux… »                                               .

Bon, ce n'est pas trop mal, beaucoup mieux que notre phrase du départ en tout cas. Mais il y manque quelque chose, une chose aussi essentielle à la poésie que la métaphore, j'ai nommée : la rime ! Faisons maintenant rimer tout cela ! Et, compliquons un peu l'exercice en faisant des « alexandrins ». Je rappelle qu'un alexandrin est un vers de douze pieds. Attention, ce ne sont pas de vrais pieds avec des orteils ! Ce qu'on appelle un pied en poésie est, grosso-modo une syllabe, une unité qui donne du rythme au texte….Pfff, faut vraiment tout vous expliquer, c'est fatiguant…

Allez hop, mettons tout ça en pieds, en vers, en rime, élaguons notre texte pour en faire un vrai poème…Et dédions-le à cette inconnue, cette « bombasse », dont parle notre adolescent…

« Lorsque je te vis, toi, la fière, la libre

Mon cœur bondit comme un rossignol dans la nuit

Tu étais là, droite, altière, hautaine

Mais tes lèvres se courbaient en un doux sourire

Qu'on eut dit calqué sur celui des anges

Tes yeux, deux gouttes d'eau pure en équilibre

Posées sur le rebord de tes paupières de pluie

Mes mains se mirent à trembler, pauvres mitaines

Et mon cœur lourd, tambour sauvage à frémir

Mes yeux chavirèrent sous ton regard étrange

je m'envolais loin, là-haut, vers ces nuées inconnues

Ou seuls demeurent les dieux…. »

Alors ? Ca a tout de même plus de gueule que : « Ouah mec, si t'avais vu cette meuf, une vraie bombasse, elle m'a allumé grave ! »

Et voilà, la poésie, c'est pas plus compliqué que ça !