Comment je peins.
Christophe Hulé
Mon parrain m'avait déposé pour la journée dans un champ de maïs. A l'horizon, il y avait les hauteurs de Saint Mont et, tout autour, des maïs et des vignes à perte de vue. J'avais une toile immense et rectangulaire et mes couleurs à l'huile.
Je me prenais pour Van Gogh, j'étais tout seul en pleine chaleur et pourtant la journée a passé très très vite.
J'étais presque en transe et je travaillais par petites touches à la Monet.
Bon, le résultat n'avait rien à voir avec un tableau de Van Gogh ou de Monet, mais j'étais vraiment fier quand mon parrain a accroché le tableau dans l'entrée à Pujo.
A l'époque, je ne maîtrisais pas vraiment l'huile, je m'en servais comme de la gouache. Beaucoup plus tard j'ai appris à faire dans l'épaisseur ou les aplats, au pinceau et au couteau, et ne pas copier le réel dans le choix des couleurs, à la Gauguin.
Les arbres devenaient bleus, avec des rehauts de rouge ou d'orange. J'ai enrichi la gamme de couleurs car la superposition des couleurs sorties du tube me paraît bien plus puissante qu'un mélange sur la palette. C'est là que le couteau joue son rôle.
Comme les émaux qu'on passe au four, le résultat s'apparente au hasard. Eh oui, ne dit-on pas que le hasard fait bien les choses ? En posant un aplat avec le couteau, on nettoie le couteau et on pose une autre couleur en appuyant plus ou moins fort, à la verticale ou à l'horizontale.On peut aussi creuser des hachures plus ou moins larges, toute droites ou tremblées.
C'est ainsi que naît un ciel orageux ou une mer agitée.
Le résultat n'est jamais décevant. J'ai appris avec l'expérience à trouver les bonnes couleurs.
Par exemple, pour la mer, l'écume déposée au couteau avec du blanc de titane ne peut être que la dernière étape. Ce qui fait la profondeur, ce sont de grandes bandes de couleurs posées d'un jet avec un très gros pinceau. Allant du plus foncé (gris de Payne, presque noir) au plus clair (bleu de céruléum). En fait, les bandes se superposent et s'entrechoquent comme des plaques tectoniques. Le résultat semble monochrome, mais ce n'est qu'une illusion. C'est cette tectonique des plaques qui rend la mer puissante, presque effrayante en fait. On peut mettre du bleu ou du vert de Prusse, des touches de violet ou autres.
L'effet le plus intéressant se trouve à la frontière entre le sable et l'eau. Le sable a deux couleurs, beige et jaune de Naples, le mélange inégale, juste au bord, plonge le sable dans la mer en transparence. Le bleu devient aussi plus clair et donc l'eau de moins en moins profonde.
Quand tout semble parfais, on peut ajouter l'écume qui stagne et qui mousse en fin de vague.
J'ai appris aussi qu'il fallait savoir laisser les parties du tableau dont l'effet est totalement fortuit et sublime. En fait, on ne contrôle pas du tout le résultat et c'est là tout l'intérêt.
Si on fait un gâteau au chocolat et qu'on mélange les ingrédients un peu au hasard, il y a de fortes chances pour que le gâteau finisse à la poubelle.
En peinture, c'est l'inverse tout ce qui est programmé, pesé, réfléchi (surtout si l'on s'obstine à vouloir copier le réel), il ne reste plus qu'à tout gratter pour sauver au moins la toile.
Je reviens sur la tentation de reprendre des parties du tableau qui sont parfaites, c'est un défaut fréquent au début. Comme dans la vie, il faut parfois laisser les choses aller.
Autre erreur, que je crois modestement ne plus faire, c'est de plaquer une technique réussie, ou tel ou tel mélange d'un tableau précédent.
En fait, la toile est comme une page blanche. Le récit se construit au fur et à mesure.Une couleur en amène instinctivement une autre. Pareil pour les effets. On comprend très vite que cette toile sera plutôt réaliste avec de petits détails au pinceau fin, ou cette autre toile va inexorablement vers l'abstrait.
De même, varier les techniques, c'est visiter des planètes totalement différentes. Si on prenait le même modèle de portrait par exemple, au crayons graphites, au fusain, aux pastels secs ou à l'huile, à l'encre (avec ou sans aquarelle), à la sanguine ou autres, on pourrait penser que chacune des reproductions a été réalisé par un artiste différent.
J'en viens donc à une autre erreur (même si je suis loin d'avoir épuisé le sujet). Certains artistes ont trouvé une caractéristique qui leur est propre. Ils peuvent bien multiplier les variations par centaines, c'est toujours le même tableau que l'on voit. Mais ma page est finie hélas.
MERCI Christophe pour vos tons chatoyants et d'avoir cité le Bleu de Prusse dans laquelle je me noie souvent sur ma page. et merci aussi du passage ;)
· Il y a presque 3 ans ·Apolline
Merci à vous Apolline, le Bleu de Prusse est le plus difficile à nettoyer, comme les souvenirs heureux.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
Intéressante leçon et quel beau tableau, tu as vraiment un don !!!
· Il y a presque 3 ans ·Louve
Merci Louve, c'est gentil.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
Moi aussi, je suis un barbouilleur des dimanche. :o))
· Il y a presque 3 ans ·Hervé Lénervé
Le dimanche on s'emmerde, quand on a tout peint dans la maison, ben on achète des toiles.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
Saine passion qui occupe la vie agréablement !
· Il y a presque 3 ans ·yl5
Reste à savoir où mettre toutes ces toiles.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
C'est vrai ! Moi, je ne les donne pas, j'ai trop peur qu'on les refuse. :o))
· Il y a presque 3 ans ·Hervé Lénervé
Il faut attendre un siècle après sa mort, au bas mot, pour que les toiles servent à allumer le feu. Citation de Johnny.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé
éphémère éphémère ...
· Il y a presque 3 ans ·Susanne Derève
Vanitas ... de Plata, c'est du latin espagnol.
· Il y a presque 3 ans ·Christophe Hulé